Si le système télévisuel français fait figure d'« exception » dans le panorama européen et même mondial, ce n'est pas au sens vertueux du terme (tel qu'on l'entend pour notre cinéma), mais en raison d'une incapacité à sortir des carcans de la « télévision à papa » et à entrer dans l'ère moderne de la série télévisée. Les raisons en sont multiples, comme l'explique en détail Pierre Ziemniak dans un essai tout juste paru chez Vendémiaire. Cela méritait bien de prolonger la discussion.



Un Village français, Fais pas ci, fais pas ça, Le Bureau des légendes : il existe bien quelques exemples de séries françaises à être brillamment parvenues à installer un rendez-vous régulier, qualitatif et relayé par les médias au sein d’une industrie télévisuelle encore tétanisée par la peur de prendre des risques et de se casser la figure. Mais ces trop rares exceptions ne viennent que confirmer la règle : à l’ère de la Peak TV américaine et de l’émergence de contre-modèles européens en plein essor (du côté de la Scandinavie, notamment), la télévision française ne parvient toujours pas à dépasser l’étape du prototype et à retenir les leçons de ses bons élèves.



Dès lors, de nombreuses questions qui fâchent se posent : existe-t-il véritablement une « culture séries » chez les auteurs, les producteurs et les diffuseurs de séries françaises ? La France aurait-elle raté un virage après l’âge d’or de l’ORTF, dans les années 1960 et 1970 ? Certaines « mauvaises pratiques » connues de longue date (la prédilection pour le format de 90 minutes, l’interventionnisme des chaînes entraînant une réécriture multiple des scénarios, la commande de saisons supplémentaires au cas par cas selon les chiffres d’audience, etc.) seraient-elles impossibles à enrayer en France ? Et quel regard porter sur les solutions soit-disant « miracles » telles que la désignation d’un showrunner, le financement industrialisé de pilotes ou le recours à la coproduction internationale ?