Olivier FERRARI, ethnologue CNRS. Grâce au dynamisme de leurs choix culturels, basé sur une idéologie réunissant la non accumulation, la non violence et la mobilité, les hommes du littoral que sont les Moklen du sud de la Thaïlande se sont appropriés les territoires qu’ils occupent. Qu'il s'agisse de la mangrove délaissée par les autres peuples, de plantations d'hévéas ou d'anciennes terres détruites par l'exploitation industrielle de l'étain, ces semi-nomades les ont anthropisés en leur accordant une place dans un système performant de gestion nomade de l'environnement qui ne sépare pas les domaines économique, rituel ou social. Aujourd'hui la question se pose du devenir de cette appropriation symbolique du territoire, alimentée par une grande mobilité, par une riche littérature orale et par une vie rituelle intense, dans un contexte moderne où la possession de terres littorales donne accès à la richesse. Comment les Moklen gèrent-ils les appétits croissant de l'industrie touristique ou des ONGs ? La force de la société nomade est de savoir concilier la gestion idéologique d'un territoire conçu comme un continuum dans lequel il n’existe pas de frontières rigides entre la nature, la surnature et la culture et l'administration « rationnelle » basée sur le respect illusoire d'une biodiveristé ou l'exploitation économiquement rentable des ressources naturelles.