Comment aider les élèves à acquérir des compétences dîtes « douces » ? En prenant appui sur le concept de Future Classroom Lab, un programme européen, Laurent Lanneau a transformé l’espace de deux salles de classe afin d'en faire un laboratoire pédagogique. Au sein de cet espace collectif et flexible, les élèves apprennent à développer leurs compétences douces telles que la coopération, le sens de la communication, la créativité ou encore, l'esprit critique dont ils auront besoin tout au long de leur scolarité. Petite visite guidée de la forticl@sse de cette école élémentaire du Haut-Rhin. 

Le programme à l'échelle européenne :

Le projet à l'échelle de l'école Sébastien-Le-Prestre de Neuf-Brisach, coordonné par Réseau Canopé :


La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.


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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée et réalisée par : Sarah Eichhoff

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance

Mixage : Laurent Gaillard

Secrétariat de rédaction : Aurélien Brault

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr

© Réseau Canopé, 2022


Transcription :

Bonjour, bienvenue à l'école élémentaire de Neuf-Brisach (68). Je m'appelle Laurent Lanneau, je suis professeur des écoles.

Dans notre école, nous avons créé un espace flexible, collectif, où les élèves apprennent tout en étant formés aux compétences douces. Quand j'ai commencé à enseigner, j'étais très, très influencé par la pédagogie coopérative et je me suis rendu compte que l'espace scolaire freinait la pédagogie coopérative dans les salles de classe. « Freinait », c'est un jeu de mots mot d'ailleurs parce que Célestin Freinet est un des pédagogues de la pédagogie coopérative. L'espace peut freiner pour réussir à mettre en place la pédagogie coopérative telle que je souhaitais la mettre en place.

[Bruit de poignée de porte]

Nous sommes dans un espace qui est un laboratoire pédagogique, Future Classroom Lab. Qu’est-ce que c’est ? C’est un programme européen et c’est très simple en fait parce qu’on sait maintenant que les élèves doivent apprendre à développer des compétences dites « douces ». Et ils les développent grâce à des pédagogies dites « actives ». Maintenant, ça on le sait. Le projet Future Classroom Lab propose, lui, de repenser l'espace scolaire et les espaces de classe pour réussir à mettre plus facilement en place des pédagogies actives et donc acquérir ces compétences douces. C'est une traduction de l'anglais soft skills. On peut appeler ça aussi les compétences transdisciplinaires ou les compétences du XXIᵉ siècle. Et on a, par exemple, la créativité, la coopération ou la communication qui sont des compétences douces.

[Extrait d’une conversation entre élèves]

« LAURENT LANNEAU : Alors, attention à la table.

ÉLÈVE 1 : Ça, c’est un satellite.

ÉLÈVE 2 : Non mais attends, ça va [rires de ses camarades qui couvrent son propos] nez. Ensuite ?

ÉLÈVE 1 : Il en faut deux. Tiens. »

[Fin de l’extrait]

Alors, ici, on arrive tout de suite dans la salle et on voit la zone « Concevoir », qui est une zone dans laquelle les enfants vont faire de la technologie, ils vont fabriquer des objets. Donc là ils sont en train de fabriquer des Lego, des robots avec des Lego. Donc c'est vraiment une zone de conception où on va manipuler.

[Bruit de robot et conversation entre élèves en fond]

Et, dans la grande zone à côté, c'est « Enquêter ». Là, les élèves sont en train de travailler sur un projet pour faire des recherches sur les animaux et surtout sur l'écosystème, le lieu de vie de ces animaux-là. Donc c'est une zone où ils vont chercher des informations dans les livres, sur les ordinateurs, dans les tablettes, pour avoir un maximum d'informations pour pouvoir monter leur projet.

[Extrait d’une conversation entre élèves]

« ÉLÈVE 1 : Si je me souviens bien, les manchots ne peuvent pas voler, c'est les pingouins ou je me trompe ?

ÉLÈVE 2 : C’est les pingouins qui volent et pas les manchots. »

[Fin de l’extrait]

Ils s'installent pour travailler ensemble et il y a une compétence douce très importante, en tout cas en ce qui me concerne, qui est la compétence douce de coopération. Elle nécessite vraiment une formation pour les élèves parce que la coopération n’est pas innée. Donc ça fait partie aussi des progressions que l'on suit avec les élèves du début jusqu'à la fin de l'année, comme les compétences disciplinaires. Et la coopération est difficile à mettre en place parce qu'il y a des élèves, par exemple, qui n'arrivent pas à coopérer au début. Et j'avais un exemple d'un élève qui voulait travailler seul, tout le temps seul, donc il allait s'isoler dans le couloir. Et c'est seulement après quelque temps qu'il a accepté finalement de rentrer dans le groupe parce qu'il a vu, par la présentation des autres, qu'il y avait des avantages à coopérer. Donc il a accepté de faire cette démarche-là au bout d'un certain temps.

Ce qui est amusant dans cette zone, c'est que, au début, les élèves n'osent pas trop bouger le mobilier et, pour coopérer, ils vont s'installer comme en classe, les uns à côté des autres. Ce qui n'est pas forcément pratique. Et on voit des élèves qui vont se lever pour se rapprocher, pour aller voir la tablette sur laquelle ils travaillent ensemble. Et puis, au bout d'un moment, ils vont comprendre que la table peut être bougée et vont s'installer de façon plus confortable pour travailler en groupes. Mais il y a ce passage-là, effectivement obligatoire, traditionnel, de « l'autobus ».

[Bruit de table qu’on pousse]

On va passer dans la deuxième salle. Il n’y a pas de porte, on l’a cassée quand on a refait l'école. Il y a un passage qui est plus facile entre les deux. Donc c'est la deuxième salle. C'est là où on va trouver la zone « Mutualiser », la zone « Créer », avec le fond vert, la vidéo, tout le matériel de peinture ou de dessin. Et on va s'intéresser surtout à cette zone « Développer » parce que c'est quand même ma zone, c'est la zone de l'enseignant, c'est une table, un tabouret et c'est la zone où les élèves vont venir me solliciter pour régler un problème, pour demander un avis, ou pour savoir où ils en sont, avoir un conseil et ainsi de suite.

[Extrait d’une conversation entre une élève et le professeur]

« LAURENT LANNEAU : C’est qui qui vit dans le Sud ?

ÉLÈVE : Le manchot.

LAURENT LANNEAU : Et qui c’est qui vit dans le Nord ?

ÉLÈVE : Le pingouin.

LAURENT LANNEAU : Alors vous, vous parlez de quoi ?

ÉLÈVE : Le manchot.

LAURENT LANNEAU : Donc il faut enlever quoi ?

ÉLÈVE : Le Nord. »

[Fin de l’extrait]

Ça permet de travailler une autre compétence douce qui est celle d'autorégulation, c'est-à-dire que les élèves peuvent être en autonomie mais il s'agit aussi de les responsabiliser et de les habituer à gérer et à organiser leur travail. Alors moi je suis là, dans cette zone « Développer ». En théorie, je ne me déplace pas beaucoup, je reste ici pour que ce soient les élèves qui se déplacent. Et, à côté, on a la grande zone de cette salle-là. Donc c'est la zone avec les coussins, le tapis au sol et un grand panneau blanc, puisque c'est peint sur le mur, et un vidéoprojecteur interactif, c'est la zone « Présenter-Interagir ». Elle est très importante parce qu'elle permet de travailler deux compétences douces. La première, c'est celle de communication puisqu'il va falloir que chaque groupe communique aux autres le travail qu'il a fourni, que ce soit suffisamment clair et organisé. Et la deuxième compétence est la compétence d'esprit critique, qui a une vocation d'être positif et c'est là où on va travailler sur la force de l’erreur. L’erreur permet l’apprentissage et l’esprit critique va permettre d’analyser cette erreur pour essayer de trouver une solution.

[Extrait d’une conversation entre élèves]

« ÉLÈVE 1 : Vous avez bien utilisé le matériel, vous n’avez pas lu, vous avez bien articulé mais par contre vous n’avez pas bien parlé fort.

ÉLÈVE 2 : Vous avez beaucoup utilisé le matériel mais moi je trouve pas trop parce que vous n’avez pas montré les manchots, où ils marchaient, où ils nageaient. »

[Fin de l’extrait]

Ce qui me touche vraiment, c'est les deux éléments immédiats qu’il y a eu dès les premières semaines où on a utilisé cet espace. C’est la motivation des élèves. Ils se sentent à l'aise. C'est un espace dans lequel ils se sentent reconnus, avec un bien-être, un confort qui leur permet de travailler d'une autre façon. Et ça donne une autre image du travail qu'ils ont dans une salle de classe. Et le deuxième élément, qui était vraiment très intéressant à voir, c'était la fluidité. C'est-à-dire que cette liberté qu'on laisse au corps et aux déplacements va se faire très rapidement, très facilement auprès des élèves. Ils vont se déplacer, ils vont aller les uns vers les autres, faciliter les contacts, faciliter l'utilisation des outils. Il y a une fluidité qui se met en place et qui se fait d'elle-même et qui est assez impressionnante.

Du coup, cette dynamique, bien entendu, ne peut pas se restreindre à cet espace où on va 45 minutes par jour, ce n’est pas possible. Forcément, ce qu'ils ont découvert ici, les choix qu'ils peuvent faire et les libertés qu'ils testent, ils vont vouloir les transférer dans une salle de classe qui est ma salle de classe normale. Malheureusement, elle n'est pas flexible, il n'y a pas de mobilier qui bouge, ce sont des chaises et du mobilier classiques. Donc il a fallu qu'on trouve d'autres solutions pour adapter la mobilité de cet espace Forticl@sse dans ma propre salle de classe et la solution est venue assez rapidement. À défaut que ce soit le mobilier que l'on puisse déplacer, ce sont les élèves qui bougent, qui se déplacent et qui vont aller dans différentes zones de l'espace de la classe, en fonction de ce qu'ils vont travailler.

Donc toute la journée, finalement, dans tous les espaces que les élèves occupent, ils se forment aux compétences douces.