Confronté aux situations d'apprentissage complexes de ses élèves en lycée professionnel, Pierre Girard Giacco, professeur de biotechnologie, santé et environnement, s'est essayé à diverses voies pédagogiques avant d'adopter le jeu dans son quotidien professionnel. Pour Extra classe, il revient sur les motivations qui l’ont poussé à essayer la ludopédagogie, ainsi que sur ses avantages et ses inconvénients. 

La transcription de cet épisode est disponible après les crédits. 

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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé. 

Émission préparée et réalisée par : Aurélie Dulin 

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir 

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance 

Mixage : Laurent Gaillard

Secrétariat de rédaction : Ludovic Oger

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr 

© Réseau Canopé, 2021


Transcription :

Pierre Girard Giacco, professeur au lycée Sévigné de Tourcoing. J'enseigne sur des CAP ATMFC, donc Assistant technique en milieu familial et collectif, formation d'aide à domicile principalement. 

Le jeu, est-ce bien sérieux ? C'est ça en fait. Finalement, c'est vrai qu'il y a une image du jeu qui est « On est là pour s'amuser et pas pour apprendre. » Au moment où j'ai commencé à me lancer dans le jeu, j'étais – dire en souffrance, ce serait un grand mot – mais je n'étais pas bien dans mon enseignement et ça m'a apporté de l’aisance et du plaisir à enseigner. Donc de toute façon, c'était le prix à payer pour moi, être bien dans ce que je faisais. Il y a une métaphore que j'aime bien, c'est celle du trousseau de clés et de la serrure. Quand on est face à un blocage au niveau des apprentissages de nos élèves, il va falloir trouver la bonne clé pour accéder à l'apprentissage de l'élève. 

[Bruit de clés, ouverture de porte] Ici, c'est mon casier. C'est là où je range mes jeux. 

[Bruits de boîtes sorties du casier] Voilà les différents jeux que j'ai. On a toute une série de jeux… Alors celui-là, je l'aime beaucoup – ce sont les élèves qui l'ont construit – et celui-ci parce que c'est de la coopération. Ce sont des jeux qui sont pas mal. 

Sur les formes de jeux… j'ai par exemple ici, trois types de jeux devant moi, quatre même… Donc là j'ai une boîte d'un Memory. J'enseigne l'entretien du linge en milieu familial et on a les étiquettes qu’il faut savoir déchiffrer avec tous les codes et donc ça, c'est le genre de jeu que j'aime beaucoup parce que ça peut aussi bien arriver sur une introduction de cours que sur de l'évaluation de connaissances, que sur de la différenciation pédagogique avec deux élèves qui termineraient avant, ça leur permet d'aller réviser des choses qui sont plus difficiles pour eux. 

Un des avantages du jeu, c'est qu'on va pouvoir travailler non seulement sur des connaissances et des compétences, mais aussi sur des savoir-être et de la cohésion de groupe. Et j'avais à tout prix envie de trouver un jeu collaboratif. C'est un jeu qui se joue avec ce plateau. [Bruit de dés] On jette les dés, on un 4, le 4 correspond à une question sur les sciences de l'alimentation et donc là on est sur une question théorique, je leur pose la question théorique. S’ils répondent bon, ils vont avoir le droit à un petit jeton 3D qui représente la Team ATM, donc mes élèves, et puis ils vont pouvoir se placer dans la cuisine. Le premier groupe qui a envahi la cuisine, qui a réussi à avoir un maximum de plan de travail, aura gagné. 

Quand on se met à la production de jeux, c'est très agréable aussi d'avoir des jeux qui sont déjà construits. Et Médiasphère [Réseau Canopé] va permettre de présenter toutes les thématiques liées aux médias à nos élèves donc toutes les problématiques des réseaux sociaux, du temps consacré aux médias, de la propriété intellectuelle… avec lesquelles, finalement, nos élèves jonglent tous les jours et qu’ils ne maîtrisent pas. Ce jeu est très agréable parce qu’au-delà d'avoir une équipe qui gagne, il y a vraiment des débats. 

Pour terminer, juste sur celui-là, dans les jeux, il y a quelque chose qui est très intéressant et qui a été particulièrement intéressant là, avec toutes les problématiques liées au Covid et au distanciel, c'est la création de jeux vidéo. J'ai créé des escape games vidéoludiques. Par exemple, celui qui est le plus complet, c'est un escape game que j'ai fait autour de la cuisine collective et donc, pour réussir à résoudre l'énigme qui est dans cette cuisine collective et à s'échapper de la salle de façon virtuelle, il faut maîtriser les connaissances de cuisine collective. 

Le jeu, au niveau des apprentissages, va débloquer beaucoup de choses dans des domaines très très très différents. Un élève qui avait du mal à se mettre au travail, eh bien finalement, a apporté la même connaissance mais sous forme de jeu. Ça va permettre de mettre au travail un élève. Dans un deuxième temps, je me suis rendu compte que justement, en apportant des jeux à la fois de compétition et de collaboration, on allait débloquer des situations conflictuelles dans la classe. Quand on met en équipe deux personnes qui ne s'entendaient pas forcément très bien ou un élève qui est un petit peu ostracisé dans la classe, eh bien un jeu de coopération, ça aide. J'ai eu une élève, il y a trois ans, qui avait des gros soucis de timidité, une timide maladive, et il s'avère qu'on est tombé sur la séance où on avait les jeux théâtraux. Ça a été pour elle un moment de libération, elle a réussi, à travers des jeux de théâtre, à se présenter devant la classe sans littéralement s'effondrer. 

Dans la voie professionnelle… on a la transformation de la voie pro, effectivement, avec des nouvelles façons d'enseigner, et notamment pour nous quelque chose qui n'est pas si nouveau que ça mais qui est la coïntervention. La ludopédagogie, c'est un point d'entrée. Quand on va apprendre un jeu, un jeu théâtral par exemple, je vais pouvoir faire passer des savoirs associés, mais lui va pouvoir faire aussi passer de l'expression orale, du vocabulaire… On a aussi la deuxième nouveauté, pour nous, qui est la création d'un chef-d'œuvre avec les élèves. La construction d'un jeu peut elle-même être en soi un chef d'œuvre. Et là, c'est amusant parce qu'effectivement, j'ai beaucoup de collègues dans le lycée qui viennent me voir en disant : « J'aimerais bien créer un jeu pour mon chef-d'œuvre. Est-ce que tu pourrais m'en dire un petit peu plus sur ce que tu fais ? » Et du coup, au sein de l'établissement dans lequel je travaille, on est en train de construire tout un pôle ludopédagogique pour pouvoir accompagner ces enseignants qui voudraient accéder au jeu à travers le chef-d’œuvre, dans la création, avec des formations, avec un fablab, avec des bibliothèques de jeux, donc des ludothèques qui se situent au centre de documentation. Donc on va essayer d'accompagner ces collègues qui se mettent dans le jeu à travers le chef-d'œuvre où la coïntervention. 

Je ne sais pas si je recommanderais la ludopédagogie à tous les collègues parce qu'on a tous des façons d'enseigner qui sont différentes et on a aussi des publics qui sont différents. La ludopédagogie, moi, me correspond parfaitement, je ne suis pas sûr que ça corresponde à l'ensemble des enseignants. C'est une science empirique, on est obligé de tester, il y a tout un cheminement qui est : on teste, on améliore, on corrige, on revient… Aucun de mes jeux n'est terminé, en fait, et ils ne le seront jamais parce que ça va évoluer au fur à mesure de mes pratiques, des élèves. Si on essaye et qu'on apprécie, tant mieux. Si on essaye et qu’on n'apprécie pas, mais que ça peut débloquer des situations auprès d'élèves qui en ont réellement besoin, eh bien tant mieux. Et puis, si on essaye et qu'on n’apprécie pas, il y a certainement autre chose qui nous correspondra mieux.