Comment impliquer et responsabiliser les élèves dans leur parcours scolaire ? Comment les mettre en situation de réussite ? Comme beaucoup d’enseignants, Justine Thiriez, professeure d’espagnol et professeure principale dans un collège, est confrontée quotidiennement à ces questions. Depuis quelques années son établissement a choisi de travailler en partenariat avec l’association Énergie Jeunes dont la méthode scientifique, basée sur le « mindset intervention », vise à créer des déclics chez les élèves avec le soutien des enseignants. Elle nous décrit la méthode et nous raconte en quoi cette approche permet de placer les élèves dans une dynamique constructive pour casser le fatalisme social. 


La transcription de cet épisode est disponible après les crédits. 

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Émission préparée par : Luc Taramini 

Réalisée par : Luc Taramini

Avec l'assistance technique de : Morgan Rio 

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir 

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance 

Mixage : Laurent Gaillard

Secrétaire de rédaction : Aurélien Brault

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr 

© Réseau Canopé, 2021


Transcription :

Je suis Justine Thiriez, enseignante d'espagnol à Loos, dans les Hauts-de-France (59), dans un collège REP+.

Dès que je suis arrivée, j'ai été professeure principale d'une des classes. Je l'ai toujours été et je le suis encore, même si je varie parfois les niveaux : 5e, 4e ou 3e, en fonction des besoins de l’établissement. Cela fait très longtemps que le collège collabore avec l'association « Énergie Jeunes ». C’était déjà le cas quand je suis arrivée en 2014.

Je pense que les objectifs et le message sur la persévérance scolaire, sur le fait que les élèves ont chacun des « pépites », et, pour l'instant, soit ils ne les ont pas encore découvertes soit ils les ont laissées de côté, c'est quelque chose qui parle à nos élèves et qui est bénéfique pour les élèves et aussi pour les enseignants. On a changé de chef d'établissement il y a deux ans maintenant mais c'est un partenariat qu'on a renouvelé et qu'on renouvellera l'année prochaine, sans aucun doute.

Les objectifs diffèrent en fonction des niveaux de classe. En 6e, l'objectif principal est de devenir acteur de sa scolarité. En 5e, c'est de progresser tous les jours. En 4e, c'est de muscler sa volonté et, en 3e, en lien avec l'orientation, c'est de préparer son avenir. Ces objectifs sont détaillés au cours de trois sessions au cours de l'année.

L'idée est qu'on autonomise les élèves, qu'on les responsabilise, mais surtout qu'ils prennent conscience qu’ils sont capables de faire et de retrouver de la motivation. Cette motivation, elle vient parfois juste de la session proposée par « Énergie Jeunes ». Parfois, il faut un peu plus de temps à l’élève, il faut des piqûres de rappel ou un suivi avec l'enseignant, souvent le professeur principal. L’objectif, en fonction du niveau de classe, est qu’il développe de nouvelles techniques pour savoir affronter, vu que ça reste des adolescents, une petite « flemme », une fatigue avant les vacances, un petit coup de mou.

C'est vrai que les témoignages sont vraiment tous à chaque fois très prenants. Il y a le témoignage de Ryadh Sallem, qui est un joueur de basket polyhandicapé, champion de France je crois. Je me souviens très bien la première fois que j'ai vu cette vidéo, professeure principale de 5e à l'époque, j'étais assise à côté de Kylian qui m'avait dit : « Mais si j'étais lui, je me suiciderais. » Une fois la session « Énergie Jeunes » terminée, on en a reparlé avec la classe et on s'est rendu compte qu’il aurait eu bien tort de se suicider parce qu’aujourd'hui il est très investi dans le monde du sport, il a plutôt bien réussi sa vie. C’est vrai que le témoignage d'un sportif parle encore plus aux élèves parce qu’ils ont tous ce rêve de devenir footballeur ou en tout cas un joueur reconnu. Ryadh Sallem est un joueur reconnu et son témoignage était vraiment bluffant pour les élèves.

Grâce à ces sessions et à ce suivi de l'engagement moral, il y a un décentrage de la relation professeur-élève, on n'est plus sur : « Je suis ton enseignant. » On est aussi sur cette idée de donner des clés pour la vie et, quand ça ne fonctionne pas avec l'enseignant, l'intervenant « Énergie Jeunes » permet aussi ce relationnel. On n’est plus sur un relationnel professeur-élève, on est sur un relationnel adultes-jeunes citoyens en construction. Souvent, les intervenants ont cette « fraîcheur » de ne pas être dans l'Éducation nationale et ils ont une relation à l'élève qui est vraiment différente. Les élèves aiment cette relation avec quelqu'un du monde du travail qui a pris du temps pour venir discuter avec eux, qui estime qu’ils sont suffisamment importants pour qu'il prenne du temps pour venir parler avec eux. L'enseignant enlèvera sa casquette de professeur pour aussi prendre du temps avec eux lorsqu'ils sont rangés dans le couloir ou lorsqu'on monte vers la salle ou à la récréation. Quelques secondes avec l'un ou avec l'autre pour dire : « Tu en es où de ton engagement ? Ça marche ? » ou simplement : « J'ai entendu en mathématiques, je me souviens que c'est là que t'avais pris ton engagement, j'en ai entendu parler, ça marche bien, continue. » Cette relation est différente mais complémentaire et je pense qu'elle est très bénéfique à l'élève.

« Énergie Jeunes » avait déjà mis en place un Comité scientifique parce qu’ils se basent sur des neurosciences et qu’ils ont un Comité scientifique pour les aider à développer tout ça. Comme ils sont toujours en questionnement, avec l’envie de faire mieux et d'accompagner au mieux les élèves, ils ont décidé cette année de mettre aussi en place un Comité national d'enseignants pour faire évoluer leur méthode peut-être. Robert Leclerc m'a demandé d'y participer parce que le feeling était bien passé au cours d'une de nos sessions. J'ai accepté avec plaisir pour venir voir comment ça se passe et puis être partie prenante dans la création d'autres sessions peut-être ou en tout cas être actrice du changement d’« Énergie Jeunes ». 

Il y a quelques éléments clés pour avoir envie de faire intervenir « Énergie Jeunes » auprès de sa classe. D’abord, des témoignages qui sont divers et variés et qui sont vraiment très impactants chez nos élèves. Le deuxième point, c'est que ça rend vraiment les élèves acteurs de leur propre parcours. Le dernier point, c'est vraiment ce décentrage de la relation professeur-élève qui se construit au cours de la première session et qui peut vraiment, très facilement et sans être chronophage, se prolonger sur toute l'année scolaire. D'ailleurs, quand on n’est plus professeur principal d'un élève avec qui ça a bien marché, qu'on a suivi, il revient parfois nous voir l'année d'après : « Madame, vous savez, cette année, la participation c'est plus du tout un problème. » Du coup, je peux aussi lui dire : « Bon, si la participation c'est acquis, quel est ton nouvel engagement pour cette année ? »