Texte :

Le Théâtre

Il n'y a pas de portes à ouvrir
Il n'y a que des rideaux tirés
Sur la scène folle de nos désirs
Cachée à la vue du sexe opposé.

Les fantasmes jouent et chantent
Les drames les plus prisés
Dont la mise en scène indécente
Est gérée par un directeur timbré.

Derrière le velours et l'or
Des rideaux rouges fermés
Se jouent l'amour et les coups du sort
Sans public mais sans huées.

Les corps à la chair intouchable
Dans le monde à nos yeux réel
Sur la scène de l'esprit s'entremêlent
Suivent les délires et les fables,
Hésitent entre le cuir et la dentelle.

L'esprit possède ce que les yeux
Ont recueilli et pris en cachette
Et dès lors, sont gardées en ce lieu
Les poupées mentales et secrètes
Jouant la pantomime de nos vœux.

Et moi, quels yeux m'ont possédée ?
Sur quelles petites scènes intérieures
Et dans quel décor ai-je bien pu jouer ?
Qui a manié mes envies et mes humeurs,
Et mon corps et ma voix manipulé ?

Alors je suis, dans cette vie drôle,
Sauvée par des acteurs fous
Tous enfermés dans leurs rôles,
Prétendument victimes et absous
Aveuglés par la mentale geôle
Qui leur sert le cigare et la gnôle.

Mais ils me portent et m'éduquent
Me renforcent et m'accompagnent
Tours à tours espions ou grands ducs
Dans leur pièce me font figurer en pagne.

Nous sommes tous jouant
La figuration de l'autre
Qui se figure orgueilleusement
Etre pour ses amis le nouvel apôtre.