Poème en hommage aux arbres
Texte :
Les Immobiles.
Il est peu d'arbres sans peine,
Sans fatigue de l'immobile labeur.
Pour tous, branches sont pleines
Et de fruits, et de fines fleurs
Qui appellent de loin dans la plaine.
Ils ont le tronc chaque jour chatouillé
Par les griffes et la pisse chaude
De petits animaux en maraude
Qui mourront sûrement dans l'année
Et seront bien vite remplacés.
Chaque fois piliers du territoire
D'un animal roi auto-proclamé.
Au-dessus des racines noires
Qui sentent courir et creuser
Les êtres qui marchent en liberté,
Les arbres couvent par tous les temps
La naissance du renard farceur
Qui suit celle du loup hurlant
Et toujours piliers de leurs demeures,
Chatouillent les étoiles et défient le vent.
Cette armée qui jamais ne marche,
Et forme l'enchevêtrement des forêts :
Que toutes ses branches soient les arches
Multiples portes pour ceux qui cherchent
La Terre de nos peurs et songes oubliés
Où voyagent en vain des choses imaginées.
Et ce soir, je voudrais que les arbres,
Dans la sentence de l'orage,
Un peu moins se cambrent,
Et plus reprennent courage.
L'immobile a son chemin à faire.
Ombre feuillue et noire dans la nuit,
S'il ne sait marcher vers la lumière,
Il sait s'enraciner et sans ennui,
Laisser chanter sous le vent sa ramure,
En attendant le prochain jour.
Ce soir ils sont rassemblés là,
Les gardiens tous muets et sombres,
Ramifiés, grands, feuillus et las,
Qui dans la colère du ciel se cambrent.
Il y a de la peine dans les nuages oranges.
La nuit qui couvre les villes alentour,
Pourpre comme une illusion d'aurore,
Berce les rêves du Vieux Barbu tout sage
Perdu quelque part dans ses propres langes,
Ces masses cotonneuses où ricanent les anges.