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Il y a des jeux qui vous marquent. Comanauts est l’un d’eux

Comanauts, de quoi ça parle?
Un titre étrange
En réalité, une contraction entre:
- Comanauts, pour « coma », ça, tout le monde connaît (enfin, j’espère que non)
- Et Nauts, de Nautes, qui vient du grec ancien ναύτης (naútês) qui signifie marin, matelot, en l’occurrence « les voyageurs », comme dans cosmoNautes ou astroNautes
Donc les voyageurs et voyageuses du coma
Merci pour ce petit cours d’étymologie. Mais Comanauts, ça parle de quoi?
De Martin Strobal
(Attention, phrase à lire avec une intonation épique de trailer américain) Martin Strobal, un éminent scientifique qui a construit une machine qui pourrait détruire le monde et qu’il faut sauver et réveiller du coma
Pour y arriver, il va falloir plonger dans sa psyché pour retrouver son enfant intérieur et savoir ce qui lui est arrivé
Et surtout, retrouver et combattre le démon intérieur qui le terrorise et l’a plongé dans ce coma
Comanauts, c’est un peu L’aventure Intérieure de Robert Zemeckis
Joe Dante (merci Laurent pour la correction) de 1987, mais en plus psy. Et dans le coma
Et alors, on y croit?
Mais vraiment
Un thème extrêmement fort
Chaque niveau, chaque chapitre présente un fragment de la vie du personnage, réel ou fantasmé. On part explorer les méandres de ses mémoires et psyché. Les psy apprécieront
Et surtout, chaque chapitre de sa vie est extrêmement varié et surprenant. C’est un euphémisme
Sans vouloir déflorer l’intrigue, les intrigues, à chaque page, chaque nouveau plateau révélé plonge les joueurs et joueuses dans une réalité narrative et immersive palpitante
LeS… intrigueS?
Comanauts est-il un (encore) de ces jeux narratifs et kleenex? A la Détective ou Sherlock Holmes Détective Conseil?
Une fois le jeu fini, on peut jeter / recycler le jeu et appliquer la méthode KonMari dessus?
Non
Chaque aventure de Comanauts met cinq lieux, cinq chapitres à disposition. Le carnet d’aventures en compte plus d’une dizaine, plus des chapitres (ils appellent ça des zones de coma) cachés
Donc on pourra y revenir, y rejouer, en partant explorer de nouveaux lieux pour tenter de terrasser de nouveaux boss
De plus, Comanauts peut également se jouer en mode campagne, avec un soupçon de Legacy. Une fois la partie finie, on place des stickers sur certaines cartes, stickers qui vont faire évoluer le jeu, les prochaines parties et les fins possibles. Et il y a en un paquet
Et nul besoin de réunir à chaque fois la même équipe pour avancer dans la campagne, il suffira de briefer les nouveaux et nouvelles participantes
Bref, une fois la toute première partie finie, on n’aura qu’une seule envie, découvrir d’autres chapitres
Donc non, Comanauts n’est pas un jeu kleenex
Chaque partie dure environ 90′, mais comptez bien 120-150-180′ pour votre toute première partie, le nez dans les
Règles
Les règles sont denses et très peu didactiques, soyons honnêtes
Toutes les infos sont noyées sous un déluge d’explication. Pas toujours facile de s’y retrouver. Sortez vos stabilos
Elles ont toutefois le mérite d’être évolutives. On peut « très bien » se lancer dans le jeu le nez dans les règles de jeu et lire et expliquer en même temps qu’on le découvre
Et comment on joue?
Comanauts est l’adaptation plus adulte de Histoires de Peluches
Même auteur, même éditeur, mêmes mécaniques de jeu ou à peu près, même systèmes de plateaux amovibles
Autant Histoires de Peluches cherchait son public sans trop le trouver, trop anxiogène et sombre pour des enfants, trop enfantin pour des adultes, autant Comanauts est destiné à un public adulte et geek. Mais vraiment über-geek, le jeu étant bourré de références et clins d’œil à des d’univers de la culture pop et geek bien connus
Petit clin d’œil à Peluches, aussi, puisque l’un des persos dispo est une peluche, justement

Bon alors, comment on joue?
On commence par mélanger le deck des boss des fin, on en pioche 5. Puis, on révèle leur carte « lieu » correspondante. Et enfin, on tire l’une des cartes de boss au hasard qu’on ne regarde pas avant la fin slash combat final
Puis, à choix de l’équipe, l’aventure commence dans l’un des 5 lieux disponibles
A son tour, on tire 5 dés de couleurs d’un sac. Chaque couleur correspond à une action particulière: attaque au corps-à-corps, à distance, déplacement dans des cases spécifiques, apparition de l’enfant, augmentation du niveau de menace, etc.
On choisit alors quelle action effectuer selon les éléments visibles et disponibles sur le « plateau »
Chaque chapitre du récit est en effet mis en scène par un plateau, en réalité une page d’un gros livre que l’on tourne selon le développement du récit. Et chaque chapitre / plateau / situation indique différents éléments et actions à placer sur le plateau slash plateau: fouiller, rencontrer et discuter avec des « PNJ », arrivée de créatures, lieux à visiter
Tous ces éléments pourront être alors rejoints et résolus grâce aux dés
En réalité, chaque dé peut être utilisé sans être lancé. Un dé = une case
Et selon le niveau de menace = les dés noirs tirés du sac, les créatures vont apparaître à la fin du tour. Autrement dit, plus on joue et plus la menace augmente
Mais pas de panique!
Les créatures attaquent, certes, les personnages morflent, en principe chacun possède 3 PV, mais on possède également 3 personnages. De quoi voir venir et ne pas être éliminé.e tout de suite
Des règles bien plus fluides qu’elle n’y paraît, mais avec beaucoup de mécaniques subtiles qui viennent se rajouter
Ha et aussi, une mise en place looooooongue et pénible. Trier et retrouver les cartes, construire les decks, etc. Vive l’adaptation du jeu sur tablette…
Des dés, du hasard?
Oui
Mais non
Au début de son tour, on commence par tirer cinq dés. Les dés blancs donnent des bonus. Les violets peuvent être joués comme n’importe quelle couleur. Les noirs sont des dés de menace slash arrivée et activation des méchants pas gentils
Les autres couleurs sont liés à des actions spécifiques
Donc du hasard dans la pioche, certes, mais pas dans les lancers
Ou pas
Car selon les actions effectuées, communication avec des PNJ, fouiller slash TOC (les aficionados de Cthulhu comprendront, wink), baston, il faudra quand même les lancer pour atteindre un certain total. Et plus l’action est difficile et plus cette valeur est élevée. Mais on peut également lancer plusieurs dés en même temps pour atteindre la somme, et les persos disposent chacun de bonus lié à une couleur de dé
Bref
Du hasard, oui, constant, mais qu’on peut contrôler
Mais du hasard quand même, qui vient épicer la partie. Allergiques au hasard, aux dés, passez votre chemin
Et comment on gagne?
Comme c’est un jeu coopératif, c’est surtout:
Et comment on perd?
De trois manières:
- Au début de la partie, on place dans le dernier tiers d’un deck d’électrocardiogrammes la carte « flatline », l’ECG plat. Autrement dit, la mort. Quand Martin le patient dans le coma passe l’arme à gauche. Pendant la partie, selon les événements, on pioche dans ce deck. Si la carte « flatline » sort, c’est kaputt
- Si l’un des joueur ou joueuse perd ses trois persos, la partie est pliée. Kaputt, bye bye aussi
- Si tou.te.s les joueurs et joueuses perdent leur perso en même temps pendant la même manche, la partie est aussi perdue

Et au fait, comment perdre son perso? En perdant ses trois points de vie de départ, en se faisant bastonner par les ennemis, ou lors d’autres effets indiqués dans les scénarios
Plus la partie avance et plus la tension monte car plus les persos dispo « fondent comme neige au soleil » (c’est de saison) et plus la carte « flatline » de fin de partie s’approche
Autrement dit, on commence tranquillou les mains dans les poches, et ça commence peu à peu à se tendre du slip. On joue contre le temps, contre le jeu. Pas de quoi frimer, le jeu est de difficulté moyenne, on peut y arriver, mais il ne va pas falloir traînasser
Et comment on gagne, alors?
Une condition de victoire qui tient sur une seule ligne: dégommer le boss de fin
Facile
Ou presque
Car pour le dégommer, il faut d’abord le trouver. Et c’est là que réside toute la difficulté et sel du jeu
Il existe en effet un seul big boss final pour la partie. Et également 4 autres qui friment à la fin de chaque level. Le but étant d’éviter les « faux » boss pour ne pas perdre du temps ni de la life, et de pécho le bon
Mais comment le trouver, alors?
Dans chaque niveau, on va pouvoir obtenir des indices sur ce qui est arrivé dans la life de Martin, souvent des trucs dramatiques pas très, très chouettes: ruptures, accidents, échecs, hémorroïdes
Lors de la mise en place, on va préparer un deck de 5 cartes indices en lien direct avec le boss de fin. Plus on joue, plus on obtient ces cartes « indice » et plus on commence à comprendre qui est le boss final et surtout, où ce coquin se terre parmi les cinq lieux dispo
Beaucoup, beaucoup de narration et surtout de déduction
Plus on obtient d’indices et plus le faisceau indique un seul et unique lieu dans lequel débusquer et dégommer le « boss final » qui terrorise le patient
Boss final entre guillemets?
Oui
En réalité, chaque « boss final » représente un démon intérieur de Martin. Une émotion, un pêché (capital). Et chaque boss et combat correspondants est alors lié à son identité. Fun et cohérent. Mais surtout fun
Interaction?
Sur l’IGUS, l’échelle de mesure de l’interaction dans les jeux, atteint un 5/5

Pourquoi 5 sur 5?
Parce que dans Comanauts, pour gagner on est obligé de discuter, de communiquer, de planifier: qui fait quoi quand ou avec qui et avec quel dé
On peut même s’échanger du matos, et même « offrir » l’un de ses dés pour soutenir un.e autre joueur.se lors de son prochain tour
Donc beaucoup, beaucoup de coopération
A combien y jouer?
C’est la grande question
On peut y jouer de 2 à 4
A 2, les tours sont plus courts, mais la partie devient plus longue car on avance moins vite avec moins d’action à disposition par manche
A 3-4, les tours sont plus longs, et peuvent même s’enliser à force de discuter chaque action, mais la partie est plus courte car on avance plus vite avec plus d’actions à disposition par manche
Je résume: à 2, des tours plus courts, des parties plus longues. A 3-4 des tours plus longs, des parties plus courtes. Autrement dit, tout se tient. Ni noir, ni blanc, bien au contraire
Et non, pas de version solo
Ou si. Pourquoi pas, en prenant deux persos en même temps
Histoires de Peluches, Comanauts, qu’est-ce qui change?
Le thème, plus adulte bien sûr
Pas de fig dans Comanauts, que des fig en carton qu’on place sur des socles en plastique. Plus pratique, plus flexible, moins… immersif
Comanauts est un jeu beaucoup plus narratif que son prédécesseur. Plus de texte, de narration, moins de baston. Ce qu’on pourrait reprocher à Peluches, qui était plus un Dungeon-Crawler avec des nounours. Comanauts est presque un film, une plongée dans la psyché et les souvenirs d’un patient
Une mécanique de déduction pour retrouver le boss de fin très originale
Des illustrations encore plus réussies, puissantes, immersives, et beaucoup moins sombres, tout y est chatoyant et chamarré (à part un niveau qui porte bien son nom)
Alors, Comanauts, c’est bien? Critique
Oui, Comanauts est un grand, grand jeu
La balade dans la psyché du patient dans le coma est palpitante. Chaque chapitre, niveau, zone de coma est surprenante et passionnante. Et la construction du récit est aussi intéressante: qu’est-il arrivé à Martin dans sa petite enfance et plus tard? Les psy apprécieront
Alors, Comanauts, faut-il y jouer?
Oui, mais vraiment oui!
VF? VO?
Le jeu est bourré de texte à lire
A moins de bien maîtriser la langue de Justin Bieber, autant attendre la VF aussi prévue chez Plaid Hat Games slash EDGE slash Asmodée pour dans 1d4 mois
Nous republierons cette critique au moment de la sortie de la VF, pour la piqûre de rappel
Mais
Comanauts souffre d’un sérieux écueil: les niveaux finissent par se ressembler
Débarquement, objets à récupérer, PNJ à interroger, arrivée de l’enfant, jets de compétences, baston
Au bout d’un moment, ça risque de faire très Sisyphe-party
Ne pas hésiter à interrompre sa partie après 45′ pour la reprendre plus tard pour ne pas se lasser. Une seule partie en entier en une traite risque de faire beaucoup et d’être répétitive
Heureusement que les niveaux sont variés pour proposer des expériences, des narrations à chaque fois différentes
Score:
Anticipation: 5/5
Histoires de Peluches, une belle surprise de 2018, avec un thème plus adulte. Ouiiiiiiii
Pendant la partie: 5/5
Narration, immersion, déduction. Gros carton!
Après la partie: 4/5
On n’aura qu’une seule envie, y rejouer. Découvrir de nouveaux niveaux, de nouveaux plateaux
Mais attention à la lassitude qui pourrait apparaître à force de faire un peu toujours la même chose: déplacements, rencontres, jets de compétences, baston. Mais la variété des niveaux réussit à apporter de la fraîcheur au jeu
Score final: 5/5
Grosse, grosse réussite
Des mécaniques subtiles, un hasard qui vient pimenter le tout, et surtout, des niveaux, des chapitres variés et palpitants bourrés de clins d’œil à la culture pop
Il y a des jeux qui vous marquent. Comanauts est l’un d’eux
Et encore une chose
Voici l’open-the-box, avec tout le matos (et il y en un paquet) dévoilé
Le livret de scénars
La boîte
La boîte ouverte
La boîte
Intro
Tout le matos
Punchboard
Punchboard
Et encore une dernière chose
Vous pouvez consulter les règles de Comanauts en anglais ici
Vous pouvez déjà trouver le jeu en VO ici
Ou attendre la VF ici à paraître bientôt (mais quand???) ici (nous republierons cette critique au moment de la sortie de la VF, pour la piqûre de rappel)
- Date de sortie : Janvier 2019
- Langue : Anglais (pour l’instant. La VF est en approche)
- Auteur : Jerry Hawthorne
- Illustrateurs : Tregis, Jimmy Xia
- Editeur : Plaid Hat Games slash Asmodée
- Nombre de joueurs : 2-4 (optimum: 2-4. Comme je me mouille pas…)
- Age conseillé : dès 14 ans
- Durée : 90′ (comptez plus, surtout lors de votre toute première partie)
- Thème : inconscient, rêve, coma, science
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Mécaniques principales : dés, narratif, coopératif, déduction, «
dungeon-coma-crawler »
L’article Comanauts. Le jeu de plateau préféré de ton psy est apparu en premier sur Gus and Co.