L’Audio du 2 mars 2023
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La logique implacable
Pourtant, lorsque l’on observe ce qui se passe du côté des rendements, des taux d’intérêts et de l’inflation. On ne peut que se dire que le chemin que nous avons choisi depuis bientôt plus d’un an devrait se poursuivre. Non, parce que si je me souviens bien, nous sommes partis du principe que lorsque l’inflation monte, les banques centrales n’ont pas d’autre choix que de monter les taux directeurs pour « essayer » de contenir l’animal à l’intérieur des limites acceptables. C’est d’ailleurs ce qui se passe depuis des mois et ce qui a plutôt bien fonctionné.
Enfin, sauf pour le marché des actions. Ce qui est d’ailleurs plutôt normal, puisque l’on sait que les actions ne sont pas trop fans des périodes de taux qui montent. Surtout dans le secteur de la technologie. Sauf que depuis quelques temps, on avait cru comprendre que l’on approchait de la fin du cycle et nous avions commencé à envisager l’étape suivante : la baisse des taux. Bon. Ça c’était y a trois semaines quand tout semblait sous contrôle. Sauf que là, depuis quelques jours, le centre du monde de la finance – à savoir : l’inflation – semble totalement nous échapper. Il n’est plus question de contrôle, mais plutôt de limiter la casse et la panique.
Tout pas en vrille
Non, parce que vous je ne sais pas, mais moi quand je vois que le CPI et le PPI US ne baissent plus vraiment. Que le PCE repart à la hausse. Que l’on nous corrige le CPI des mois précédents pour nous dire qu’à la place de baisser, en fait il était monté. « Oups, désolé, mais tant pis pour vous ». Qu’à chaque journal télévisé, on nous colle un reportage où tu as une mère de famille qui arrête d’acheter de la viande, parce que c’est trop cher et qu’elle se contente de poulet deux fois par semaine à la place, tu commences à te dire que peut-être les chiffres dont te gave Wall Street ne sont pas tout à fait fiables et que les Banque Centrales doivent être au bord de la panique dans leurs bureaux feutrés avec des canapés en cuir à l’entrée et du whisky dans des carafes en cristal.
Et puis depuis le début de la semaine, quand tu vois l’inflation en France et en Espagne qui repart à 150 à l’heure, que du coup, le ministre des Finances qui fait le malin sur Twitter toutes les 25 minutes à chaque baisse de l’essence de trois centimes pour vanter la qualité de la politique de son bon roi, a totalement disparu des réseaux. Qu’hier l’inflation en Allemagne montrait également que les attentes étaient fausses et qu’à la place de baisser, ben ça monte. Il y a de quoi flipper sur l’inflation européenne qui sortira tout à l’heure. On peut déjà se dire que les gars qui ont prévu du 8.2% en Europe doivent se ronger les ongles et regretter d’avoir été aussi optimistes.
Les rendements prennent l’ascenseur
Et puis, comme si ça ne suffisait pas, tout le monde est en train d’envisager le pire – même si les marchés boursiers « tiennent » encore le coup sans trop de difficulté. Lorsque l’on voit les rendements des bons du trésor américain, on se dit qu’une FED qui se met à manger des graines et à se prendre pour une colombe de la paix, c’est pas pour tout de suite. Rien qu’hier aux USA, le rendement du 10 ans repasse au-dessus des 4% et se trouve au plus haut depuis novembre. Le rendement du 2 ans est au plus haut depuis 2007 – soit 4.9%. Quant au rendement du 1 an on est au même niveau qu’en 2006 et ça paie plus de 5.1%. Alors je ne suis pas un spécialiste obligataire et j’ai même tendance à dire que j’y comprends que dalle. Mais disons qu’à voir la tronche de l’obligataire américain, quand on sait que l’on est au bord du défaut de paiement parce que l’on n’est pas sûr de pouvoir monter le plafond de la dette (comme tous les 10 mois), je ne suis pas sûr que ça soit vraiment représentatif d’un marché qui a confiance en ce que fait la FED et qui se dit que « ça va bien se passer ces prochains moins ».

D’ailleurs il n’en n’est pas question – que ça se passe bien – la FED ne s’en cache même pas. Hier Monsieur Kashkari, Président de la FED de Minneapolis a confirmé qu’il n’avait pas de problème à voir monter les taux de 0.25% en mars – et il a ajouté : « même de 0.5% ». Pour le reste, les « experts » à Wall Street parient tous sur trois hausses de taux supplémentaires et il semble pratiquement acquis que les taux terminaux seront à 5.75%. Mais les marchés ne veulent pas lâcher, parce qu’au fond de nous. Tout au fond de nous. Il y a une petite voix qui dit : « et si tout était dans les prix ??? ». Oui, c’est vrai. Sauf que l’on a tendance à nous remettre une couche de mauvaises nouvelles toutes les 48 heures et ça commence à faire beaucoup de trucs qui devraient être dans les prix sans qu’on le sache.
Mais on s’accroche et on ne lâche rien
Pourtant, compte tenu des nouvelles du moment, de l’inflation qui part en cacahuète un peu partout et du fait que plus rien ne soit sous contrôle. Les marchés tiennent encore relativement bien la rampe. Hier soir alors que les rendements prenaient l’ascenseur et que Kashkari montait les taux dans sa tête, le Dow Jones terminait même en hausse grâce à Caterpillar qui avait trouvé un accord avec les syndicats. Le reste était légèrement en baisse et l’Europe reculait plus ou moins de 0.5%. On a connu bien pire avec des nouvelles nettement moins mauvaises que celles que nous avons actuellement.
Le S&P500 est d’ailleurs posé EXACTEMENT sur sa moyenne mobile des 200 jours et se trouve EXACTEMENT à la croisée des chemins de la moyenne des 50 jours et des 200 jours. En pleine GOLDEN CROSS. Ce qui représente d’ailleurs toute l’ambivalence des marchés dans lesquels nous devons trouver notre chemin actuellement. Fondamentalement, l’inflation, les taux et les rendements foutent la trouille, mais techniquement on a des signaux d’achat sur le moyen terme qui disent que ça serait quand même idiot de pas acheter, surtout si on avait finalement tout « pricé » et que finalement les taux arrêteront de monter cet été et qu’ensuite on sera dans le monde des Bisounours de la finance, repartis pour un Bull Market de 15 ans.
Ça serait vraiment ballot de rater le train. Finalement, nous somme EXACTEMENT au même endroit que sur le S&P500 – à la croisée des chemins. Si les chiffres de l’emploi montraient le moindre signe de ralentissement ces prochains temps, on pourrait rebondir comme des cabris dans les champs au retour du printemps. En revanche, si on continue à avoir une économie qui refuse de ralentir et que l’on se met à parler de taux terminaux au-delà des 6% aux USA et au-delà des 4% en Europe, je ne suis pas certain que le support de la moyenne mobile des 200 jours suffise comme argumentaire pour ne pas retourner aux plus bas de l’an dernier.
Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?
Aujourd’hui, nous allons attendre les chiffres de l’inflation en Europe et, comme je le disais un peu plus haut, ça n’a pas l’air d’être parti pour « matcher les attentes ». Surtout depuis que quasiment l’ensemble des pays européens individuellement étaient au-dessus des attentes. De plus, lorsque l’on regarde le redémarrage fulgurant de la Chine, on se dit que ça ne va pas forcément aider à calmer l’inflation et rendre le boulot de Lagarde et Powell plus simple. Ce matin l’Asie est en mode « je ne sais pas où je vais, mais j’y vais » – actuellement, le Hang Seng baisse de 0.4% après avoir pris 4% hier à cause de la fin du port du masque. Le Japon recule de 0.05% et la Chine qui surfe sur ses bons chiffres économiques, monte de 0.18%.
Le pétrole est à 77.77$, l’or est à 1840$ et le Bitcoin s’échange autour des 23’500$. On notera encore qu’hier les chiffres économiques américains ont montré que c’était un peu moins facile du côté des PMI’s et des ISM. Chose qui devrait être interprétée comme un ralentissement – un léger ralentissement économique et comme quoi le plan de la FED fonctionne un peu. Mais en même temps, avec la Chine qui repart de plus belle, on a quand même la trouille d’un coup de boost sur l’inflation un peu partout dans le monde. Bref ; la croisée des chemins je vous dis. Et encore une fois, si je devais prendre un pari pour le mois de mars ; je serai long call, long put et je parierai sur un rebond de la volatilité. Oui, je sais, je suis super courageux.
Les nouvelles du jour
Du côté des nouvelles du jour, il y a Tesla qui perdait 5% after close parce que l’investor day qui a eu lieu hier, ne s’est pas trop bien passé. On a trouvé que Musk manquait de transparence sur son nouveau plan de marche pour l’avenir, que l’on ne savait pas trop dans quelle direction il va et que financièrement, on ne sait pas trop comment ça va se passer. Il n’a pas voulu donner d’indication sur la nouvelle génération de Tesla qui arrive et finalement, la seule nouvelle qui n’était pas forcément très neuve, c’est que Tesla va ouvrir une GIGA-Factory au Mexique. Les experts semblaient un peu frustrés du manque d’infos et ça se ressentait donc sur le titre after close.
En revanche, chez Salesforce c’est la fête au village. Hier la société a publié des chiffres nettement au-dessus des attentes et après deux ans de croissance des profits en berne, la société semble « de retour ». Le CEO, Marc Benioff, s’est senti pousser des ailes en conférence de presse et il a annoncé vouloir devenir la société de software la plus profitable du monde. Salut amical à Microsoft. Et qu’il regrettait d’avoir viré 8’000 personnes, mais qu’il n’aurait jamais dû les engager avant. On espère juste que les 8’000 chômeurs en question ont gardé leurs actions Salesforce, parce qu’after close, le titre explosait de 15% sur le discours de motivation du patron.
Autrement, le CEO d’Unicredit sera augmenté de 30% cette année, après une excellente année fiscale. Et il faudra noter qu’il y a des choses qui ne changent pas, peu importe les crises, peu importe les moments difficiles pour les banques, dès que ça va mieux, on a aucun problème à arroser publiquement les grands patrons. Pendant ce temps, Eli Lilly va baisser les prix de l’Insuline de 70% et Michael Burry, du Big Short, s’inquiète de la possibilité de voir les prêts étudiants « effacés » prochainement, il met en garde les marchés comme quoi ça serait une catastrophe. Admettons. Et puis, pour terminer sur une note positive, on retiendra que Cathie Wood et Ark Invest ont acheté massivement des actions Roblox. Roblox qui avait explosé lors de ses résultats trimestriels et qui a déjà pratiquement tout reperdu.
Chiffres du jour
Pour ce qui est des chiffres du jour, il y aura du monde au balcon. On va commencer par le Budget du gouvernement français et on saura si le poste coiffeur de la maman de Macron a été augmenté. Puis il y aura le CPI en Europe – chiffre que l’on attend à 8.2% contre 8.6% le mois précédent. Ça sera à 11h00, en même temps que les chiffres du chômage en Europe. Puis ensuite à 13h30, il y aura les Minutes de la BCE qui devraient nous laisser entendre que les taux monteront de 0.5% la semaine prochaine et encore de 0.5% la fois d’après. Hier Goldman Sachs a d’ailleurs révisé ses taux terminaux pour l’Europe à la hausse, c’est la seconde fois en deux semaines – les chiffres de l’inflation en France et en Allemagne, ne rassurent personne. Et puis concrètement, hier soir j’ai entendu une maraichère qui disait que le chou-fleur était à 7 euros 50 et que c’était super cher. En même temps, le chou-fleur même quand on te le donne, c’est encore cher.
Après les Européens, nous aurons les Jobless Claims qui – on espère seront plus forts que les attentes – enfin et pour terminer la journée, nous aurons Monsieur Waller de la FED qui parlera pour dire qu’il est d’accord de monter les taux de 0.5% au mois de mars et puis demain sera un autre jour. Les futures sont en baisse de 0.5% ce matin et le S&P500 est EXACTEMENT sur ses supports. J’ai presque de la peine à respirer tellement c’est tendu.
Je vous souhaite une excellente journée et on se voit demain à la même heure pour boucler la semaine ! Soyez forts et à demain.
Thomas Veillet
Investir.ch
“I attribute my success to this: I never gave or took any excuse” – Florence Nightingale
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