Téléchargez la chronique de Vincent Turban du 27 octobre

Ecoutez la chronique de Vincent Turban du 27 octobre

A-60631-1299678473Arlester « Dyke » Christian a obtenu sa place au panthéon de la musique afro-américaine grâce à l’emphase rythmique et hypnotique, au lieu de miser sur la mélodie. Premier artiste à utiliser le terme « funky » quelques temps avant James Brown, sa carrière fut météorique et dramatiquement courte.

Né vraisemblablement à Buffalo, état de New York en 1943, il devient bassiste en 1960 pour la formation locale Carl LaRue & His Crew, qui écume les bars et les clubs. Ils enregistreront un 45t vers 1963 sur le label KKC. 1964, le Crew est invité à jouer derrière le groupe vocal the O’ Jays et se baptise The Blazers, et en 1965 coup de théâtre, Dyke et 2 membres, J.V Hunt (saxophone) et Alvester « Pigs » Jacobs (guitariste) se retrouvent coincés à Phoenix, sans argent et lâchés par le reste de l’orchestre qui n’avait pas pu les ramener sur la East Coast.

Accusant le coup mais sans se démonter bien au contraire, Christian se remet en selle et reforme The Blazers avec de nouvelles troupes. Jeunes et plein de talents, ces derniers développent une forme cru et hypnotique de funk, basées sur les recherches sonores engendrées par James Brown. Ce résultat débouchera sur la réalisation de « Funky Broadway (Pt 1 & 2) » paru en Novembre 1966 sur le label Artco, distribué à échelle nationale par Original Sound. Se répandant comme une trainée de poudre, le succès de « Funky Broadway » va se diffuser jusqu’à la Big Apple, où Dyke joue sur la célèbre scène de l’Apollo.

Le morceau en profite pour grimper à la 17ème place des charts pendant 24 semaines, mais sera boudé par certaines radios en raison du mot « funky », considéré comme vulgaire. Malgré tout, le train est en marche et Dyke engage un bassiste pour se concentrer sur les parties vocales, hélas pendant l’été 1967, le stress des engagements fait exploser une fois de plus les Blazers, quelques temps avant que « le Léopard Noir » Wilson « The « Wicked » Pickett ne fasse sa relecture de « Funky Broadway », accompagné des cracks du studio Fame, basé à Muscle Shoals Alabama. Une reprise qui atteindra la 1ère place des charts R&B et la 8ème place des charts pop.

En continuant sur sa lancée, malgré des changements incessants de personnel, Dyke & The Blazers trouve un auditoire de premier ordre avec ses morceaux cisaillés de cuivres, de riffs tranchants de guitare et d’orgue, le tout soutenu par la voix écorchée de Christian. Les longues improvisations allant jusqu’à une demi-heure sont considérablement rabotées pour figurer sur une face de 45t. C’est le cas avec « Funky Bull » ou « Funky Walk », tous deux divisés en 2 parties. Dyke s’entoure de musiciens de premier ordre comme le batteur James Gadson, le bassiste Melvin Dunlap ou les guitaristes Al McKay et Roland Bautista (futurs membres d’Earth Wind And Fire).

Ainsi, des titres comme « We Got More Soul » (numéro 7 au chart R &B) ou « Let a Woman Be a Woman, Let a Man Be a Man” (numéro 4 au chart R&B) deviennent de véritables hits funky. Malheureusement accro à l’héroïne, Arlester n’aura pas le temps de savourer son succès. Alors qu’il préparait une tournée au Royaume-Uni tout en travaillant en parallèle avec Barry White, Dyke meurt tragiquement le 13 Mars 1971, abattu par Clarence Daniels, vraisemblablement au cours d’un deal de drogue qui aurait mal tourné. Il avait 27 ans.

Son œuvre musicale demeure et les amateurs de funk sauvage et indomptable doivent plonger corps et âmes dans son catalogue musical, réédité de manière magistrale par le label anglais BGP en 2007 sur une compilation 2 Cd rassemblant tous les singles et les morceaux non édités sous le titre : « We Got More Soul, The Ultimate Broadway Funk ».