Ecoutez la chronique de Vincent Turban du 20 avril

the_meters0Quartet indissociable de la Nouvelle Orléans, gardiens d’un son brut et chaud comme la braise mélangeant syncopes accentuées, influences cajuns, soul, jazz, blues le tout relevé de funk comme un bon jambalaya, The Meters peuvent être considérés au même titre que James Brown comme les pères fondateurs d’une musique devenue l’étendard de la fierté afro-américaine.

1966, le claviériste Art Neville (né Arthur Lanon Neville le 17 Décembre 1937) recrute George Porter Jr (basse), Joseph « Zigaboo » Modeliste (batterie) et Leo Nocentelli (guitare) pour former un groupe, the Neville Sound. Ils obtiennent leurs galons en jouant dans des night clubs du French Quarter et attirent l’attention du producteur Allen Toussaint. La formation devient le backing band de studio le plus couru de la ville en accompagnant Lee Dorsey, Betty Harris entres autres. Bluffé par le génie musical de ces musiciens hors pair, véritables stakhanovistes du groove, Toussaint, propose à la formation, rebaptisée The Meters d’enregistrer quelques instrumentaux publié sur le label Josie Records. Formule gagnante car les 4 singles publiés entre 1968 et 1969 : « Sophisticated Cissy », « Cissy Strut », « Ease Back » et « Look A Py Py » atteignent tous le top 10 des charts R&B. Il est important de noter que tous ces titres ont un point en commun, l’héritage des secondes lignes rythmiques des fanfares de parade du quartier de Crescent City que le batteur Zigaboo Modeliste a parfaitement assimilé durant son apprentissage musical.

Ce festival pyrotechnique de syncopes, de riffs de guitare, de motifs d’orgue et de basse bien punchy deviendront à tout jamais la griffe sonore des Meters. En somme, imités mais jamais égalés…

Josie Records met la clé sous la porte en 1971, et le groupe signe un contrat avec Warner/Reprise l’année suivante et réalise « Cabbage Alley » plein de nouvelles trouvailles techniques aux accents caribéens. En parallèle aux tournées, les Meters continuent d’officier comme backing-band derrière des artistes tels Dr John, les Pointer Sisters, Paul Mc Cartney, Labelle ou Robert Palmer.

En revanche, sur le plan commercial, les albums ne sont pas des best-sellers malgré des joyaux comme « Rejunevation » (1974) où le funk du bayou est à peine policé, l’emphase rythmique est toujours aussi marquée sur des titres comme « Just Kissed My Baby », « Africa », « People Say » qui démontre que les Meters sont incontestablement les dieux du funk néo-orléanais.

Le suivant « Fire On The Bayou » (1975) ne fait pas mieux au niveau des ventes, c’est dommage car le son du groupe est à son paroxysme, on sent la chaleur caniculaire des marécages à chaque note sur des chansons comme « Love Slip Upon Ya » « Talkin’ Bout New Orleans », « Can you do Without ? », « Fire On The Bayou ».

Une perfection musicale qui n’aura pas échappe à Mick Jagger qui invite expressément les Meters à rejoindre la tournée américaine des Stones à deux reprises en 1975 et 1976.Pourtant malgré cette exposition médiatique, l’indifférence du public est manifeste. Avec une pochette ornée d’un postérieur serré dans un hot pants, « Trick Bag » (1976) tente de concilier le funk et le disco mais la sauce ne prend pas et les tensions apparaissent au fur et à mesure. Le divorce est consommé au moment de la sortie de leur ultime opus « New Directions » (1977).

Jamais vraiment compris, sans doute trop en avance sur leur temps malgré une discographie riche de 8 albums studio et 12 ans au service du funk, The Meters obtiennent le statut de légende vivante dans la musique afro-américaine. Il est grand temps de découvrir ou de redécouvrir l’héritage musical de l’idiome funky et brut en provenance de la Nouvelle Orléans, Louisiane.