Mission encre noire Tome 27 Chapitre 316. L'annexe de Catherine Mavrikakis paru en 2019 aux éditions Héliotrope. Pour inaugurer cette nouvelle saison qui s'annonce riche et stimulante, je vous emmène à la rencontre d'Anna, espionne pour l'Agathos, une organisation qui lui a enseigné les diverses méthodes de surveillance et de fuite. Toujours sur le qui-vive, elle opère un temps à Londres, à Tripoli ou encore à Tel-Aviv. Néanmoins, s'il existe un lieu plus accueillant, entre tous, pour cette éternelle nomade, c'est bien le 263 Prinsengracht à Amsterdam. Précisément, il s'agit de l'annexe où la famille d'Anne Franck a tenté d'échapper à l'horreur nazie. Forcée de l'exfiltrer, l'organisation lui envoie des directives pour l'expédier vers une maison de protection alors qu'elle se sait suivi. Anna se retrouve dans une résidence des plus étrange. Elle y fait la rencontre de Celestino, son geôlier, un passionné de littérature. L'annexe devient matière à un délicieux ballet d'excès littéraires. Les protagonistes incarnent les atours des figures les plus illustres de la littérature, pour nous gratifier d'un formidable jeu de dupe. Laissez-vous glisser vers le pays des merveilles, sous la plume esthète, érudite et gourmande de Catherine Mavrikakis. L'autrice nous ouvre les portes de sa bibliothèque personnelle, elle est notre invitée à Mission encre noire.

Extrait: « Celestino n'allait pas apprécier ce sobriquet et il m'en voudrait de mes références à Tourgueniev, ce vieil hétéro. Il allait m'interdire de penser à des auteurs amoureux des femmes ou de leur corps, même si lui ne devait pas s'être privé de ce plaisir-là avec la Saturna de Benito Galdos. Oui, il me sermonnerait. À moins qu'il n'arrivât à me sortir une histoire abracadabrante sur l'homosexualité cachée de Tourgueniev. Après tout, l'écrivain russe avait été l'ami de Flaubert, devenu dans les années 1980 une idole homosexuelle avec ses aventures de sodomite dans le placard. Des lettres prouvaient que Flaubert n'était pas celui que L'on pensait. Pourquoi ne pas imaginer que Tourgueniev et lui aient vécu quelque amourette ou encore aient conçu leur relation sur le modèle grec ? J'avais en fait assez hâte de revoir Celestino et d'observer comment il accueillerait le nom de baptême des Tourgueniev. Il m'expliquerait aussi pour Saturna.»

Chienne de Marie-Pier Lafontaine paru en 2019 aux éditions Héliotrope. « Parmi toutes les lois du père, il y en avait une d'ordre capital: ne pas raconter.» Uppercut: Geste de percussion réalisé de bas en haut, et délivré le plus souvent à mi-distance avec le bras semi-fléchi. Chienne est de cet ordre là, un roman qui vous tient dans les cordes, qui va vous travailler au corps. Un texte qui fracasse les discours modérateurs autour de la violence faîtes aux femmes et aux filles. Cette histoire fait mal, car elle touche au plus creux de notre être. Dès les premiers mots, Marie-Pier Lafontaine fulmine les dents serrées. Chienne est une autofiction, une histoire de violence familiale. Le père l'ogre paternel impose une terreur quotidienne qui use et ronge comme un acide l'enfance écorchée vive. Le livre se nourrit à même la matière noire d'un rituel violent et impitoyable. Ne vous y trompez pas, il s'agit là de l'une des voix forte de cette rentrée littéraire, une voix qui fascine déjà. Au plus près de la déchirure du monde, une autrice est née, Marie-Pier Lafontaine est invitée à Mission encre noire.

Extrait: « À quoi bon écrire chaque épisode, chaque violence, chaque soumission. Jamais personne ne pourra comprendre ce que c'était que de grandir sous le même toit que cet animal. Et même si j'avais des photos à montrer et des renseignements vidéo et d'autres photos encore, il faut l'avoir vécu dans son corps pour comprendre. Je fais partie des éclopées. De ces gens qui ont expérimenté au plus près du coeur la déchirure du monde. Je ne crois en rien si ce n'est en la capacité des hommes à détruire.»