Mission encre noire Tome 25 Chapitre 305. Parler en Amérique, Oralité, Colonialisme, Territoire de Dalie Giroux, paru en 2019 aux éditions Mémoire d'Encrier. De quoi se constitue l'amériquanité ? Quel est aujourd'hui le résultat des multiples tentatives d'assimilation des minorités au cours de l'histoire des États du Nouveau monde ? Ces mêmes États, peuvent-ils vraiment occulter de leur identité, ces territoires de langues, si précieux à l'édification de l'Amérique ? «C'est pas intéressant l'maudit Français», Dalie Giroux nous invite au voyage, à partir sur les traces de Ti-Jean Kerouac, se laisser bercer par le verbe innu de Joséphine Bacon, à s'accrocher à la langue libre de Pierre Perrault ou au chant en innu de Chloé Sainte-Marie. Les parlures régionales irriguent ce brillant essai, tout autant que de nombreuses langues dîtes subalternes, qui trouvent ici un formidable écho hospitalier. L'autrice a parcouru l'Amérique francophone et ailleurs, a erré à travers les soubassements de la culture dominante, pour nous faire résonner la langue des pauvres, le bagout, une forme de vie encore inédite pour beaucoup d'entre-nous. Dalie Giroux ne manque ni d'audace ni d'humour pour nous fait entrer de plain-pied dans «le territoire de l'âme» de Pierre Perrault ou nous offrir une brillante pensée critique de la «marde». Ce soir, Mission encre noire laisse la porte ouverte à la «machine intime de décolonisation» de Dalie Giroux, qui est notre invitée.
Extrait: «Au Canada, dès les premiers jours de la colonisation européenne sur les rives de la Grande rivière, l'habitation linguistique anglaise et française dominante s'est superposée à une habitation linguistique iroquoienne, algonquienne, athapaskane, salish, esquimo-aléoute, etc. Ce sont là les noms de familles linguistiques qui comprennent chacune plusieurs langues, et chacune de ces langues contient plusieurs dialectes. Dans la seule vallée du Saint-Laurent, nous côtoyons les langues algonquines, abénaquise, mohawk, wendat, atikamekw, malécite, innue, mi'gmak, sans parler de la langue crie et de l'inuktitut qui viennent du Nord mais qu'on peut surprendre tous les jours à Montréal et à Ottawa, par exemple. À ces langues qui côtoient le français et l'anglais en tant que langues coloniales et s'y mêlent et vice-versa, s'abouchent aussi celles des gens de partout qui se fabriquent une demeure canadienne.»
Cartographies III: Translations Collectif sous la direction de Sébastien Dulude paru en 2019 aux éditions La mèche. Précédé de deux tomes consacrés à l'exploration des territoires singuliers des couronnes Sud et Nord de Montréal, le troisième recueil de textes à d'autres perspectives, sans s'arrêter à une zone géographique spécifique. Patrice Lessard nous promène dans le centre de Naples, ou plutôt dans la Sanità, un quartier qui effraie les italiens eux-même. Maryse Andraos, s'interroge sur ses racines, sur ce qui compose son identité. Elle, qui se sent tellement chez elle, ici, et si étrangère à cette Égypte dont on l'habille. Éric Mathieu a retrouvé les carnets de route d'une époque où il vivait à Londres. Nina Hagen était au Kit-Kat Club, il fumait des joints, devenait cuisinier, dépensait sa paye au Tower records sur Piccadilly Circus. Il nous raconte tout ça, la tête reposée sur la vitre du bus de nuit. Mélikah Abdelmoumen cartographie ses lieux d'élection à Lyon, en France, celles qui mènent aux marges, à ses bidonvilles. un livre de George Perec dans une main, elle tente de laisser une trace de ces hommes et femmes, de ces enfants croisés dans cette autre France. Daniel Canty embarque une machine à écrire sur la MS Norröna sur la côte du Jutland. Il devient un marin malgré lui, un porte-bonheur improbable livré aux flots hostiles. Véronique Béland invente un langage d'outre-espace, à travers des textes aléatoires générés par un programme informatique dédié, lui-même, à recevoir des ondes radio provenant du cosmos. Histoire d'aiguiser encore plus votre appétit de Cartographies, Sébastien Dulude est notre invité.
Extrait: «Dans le «mé-tissage», je vois l'idée d'un tissage parsemé de brèches, de trous, d'ouvertures, et par là même la possibilité de tisser des liens inusités entre des identités séparées. On Mé-tisse comme on rompt un tissu social trop uniforme, comme on coud des morceaux dépareillés pour leur donner une nouvelle singularité. On n'appartient à aucune trame, c'est pourquoi on doit apprendre à inventer la sienne.»