Mission encre noire Tome 27 Chapitre 320. Philosophie du Hip Hop, des origines à Lauryn Hill de Jérémie McEwen paru en 2019 aux éditions XYZ. «Got to give us what we want/Gotta give us what we need.» Qui aurait pu croire qu'un jour, cette tirade du Fight the power de Public Ennemy, serait mise en parallèle avec la pensée de Carl Schmitt, le philosophe allemand ? Qui aurait eu l'idée de rapprocher le Fuck the police de N.W.A et l'anglais Thomas Hobbes ? Jérémie McEwen bien sûr, le professeur de philosophie et spécialiste du rap vous offre un essai passionnant en bâtissant des ponts entre la philosophie occidentale traditionnelle et le hip-hop américain. Des ruelles taggées de Montréal aux émeutes de Los Angeles, l'auteur fait un détour par les arcanes ombragées de l'acropole ou des boudoirs humides de l'Europe de l'est pour compléter le tableau d'une aventure rafraîchissante, frénétique et rythmée. Depuis sa naissance du côté du Bronx, du Queens et de Brooklyn à nos jours, le hip-hop a muté. Si son âge d'or remonte aux années 80, La philosophie du hip-hop va vous prouver que ce mouvement social et musical a su se redéfinir. J'invite les novices et les initié.e.s à rencontrer le MC d'un soir, à Mission encre noire, Jérémie McEwen est notre invité.
Extrait: «Jusqu'alors, il demeurait encore possible de penser que le hip-hop n'était qu'une mode qui passerait. KRS-One et Rakim, malgré leur poids philosophique imposant, n'ont jamais véritablment percé hors de la communauté hip-hop elle-même. Et malgré leur importance dans l'histoire de la musique populaire, Run-DMC ne représentait aucune menace réelle pour la société américaine, en épousant, sur leur premier grand succès commercial, le rock d'Aerosmith (Walk This way, pièce à laquelle collaborent les deux groupes en 1986). Mais avec Public Ennemy sur la côte est, et N.W.A sur la côte ouest, il devenait manifeste que tout avait changé. Une confrontation sociale devenait inévitable, et le vent du changement soufflait. N.W.A avait décidé de suivre les règles de l'état de nature, comme le commandait la logique des gangs de Los Angeles - j'y reviendrai. Pour Public Ennemy, le but était assez différent: il s'agissait d'investir la sphère politique et de changer les règles de la société établie.»
Manam de Rima Elkouri paru en 2019 aux éditions Boréal. Enfant, La Téta de Léa a vu ce qu'un enfant ne devrait pas voir. 1915, est la date du Ermeni Soykırımı le génocide arménien au cours duquel les deux tiers du peuple vivant sur le territoire actuel de la Turquie sont massacrés et déportés. Cette grand-mère, qui a survécu et immigré au Québec en 1957, vient de décéder à Montréal, elle laisse une marque indélébile dans la vie de sa petite fille. Celle-ci décide de retourner sur les pas de ses ancêtres, de ce peuple surnommé atrocement par les turcs, «les restes de l'épée». Accompagnée par Sam, son guide, un cinéaste kurde qu'une amie a rencontré a Istanbul. Institutrice, Léa, après avoir passée une dernière journée avec ses élèves, s'élance vers la ville natale de sa famille, Yalla ! Manam accrochée à flanc de montagne, ses minarets implorant le ciel, lui tend les bras. Voici un premier roman qui coincide étrangement avec l'actualité de ces derniers jours et la répression qui sévit contre le peuple kurde sur la frontière avec la Syrie. Manam, sous la plume vive de son autrice, journaliste reconnue à La Presse, raconte une terrible tragédie qui vous fera suivre de sinistres caravansérails et partager l'exil de force de familles décimées. Pourtant, même si la mort guette à tout instant la mémoire, la vie se passe, avec ses couleurs, ses odeurs de Klichas, et la tendresse du souvenir de Léa pour sa Téta. Rima Elkouri est invitée à Mission encre noire.
Extrait: «Le refuge d'hier est devenu brasier. Cent ans plus tard, l'exode se fait dans le sens inverse de celui que mes grands-parents ont connu en 1915. Des réfugiés syriens affluent vers la frontière turque. Et le printemps, le vrai, se fait toujours attendre. Depuis le début de ce conflit, je parcours les nouvelles d'Alep avec effroi. Le souk ravagé par les flammes des combats. Le minarets de la mosquée des Omeyyades qui  s'effondre. Sa cour intérieure transformée en fosse commune. Les morts qui s'empilent dans l'indifférence. Lorsque je regarde mes photos d'Alep, j'ai cette impression d'avoir immortalisé une façade fissurée juste avant qu'elle ne s'écroule. Tous mes souvenirs sont aujourd'hui éparpillés sous des cendres. dans les ruines, à côté des cadavres, ils ont l'air indécents.»