Mission encre noire Tome 22 Chapitre 281. Les fins heureuses de Simon Brousseau paru en 2018 aux éditions Cheval D'Août. Vous, moi, nous avons parfois de la difficulté d'admettre un futur sans issue, nous sommes parfois condamnés à refouler l'image parfaite d'un monde à l'agonie. Exit la fonte des glaces, escamoter la disparition progressive de certaines espèces, quid de l'idée d'une démocratie plus juste et égalitaire, qui bien souvent, se réduit comme une peau de chagrin, nous faisons preuve d'une capacité étonnante à imaginer un avenir immuable et serein, malgré tout. Simon Brousseau présente un fascinant recueil de nouvelles qui interroge notre disposition à nous inventer des fins heureuses. L'auteur a le talent d'isoler un minuscule détail, chaque situation gênante devient prétexte à un jeu d'écriture. Ici, facétieux et audacieux, ou là, ingénieux et habile, le style de Simon Brousseau explore le monde autour de lui avec des mots qui disent de la vie juste ce qu'il en faut de tendresse et de désespoir. Simon Brousseau est notre invité à Mission encre noire pour nous faire quelques e-confessions.
Extrait: «Bienvenue sur e-confessions - Notre objectif: offrir à tous et toutes la possibilité de se libérer de leurs fautes sans craindre d'être jugés. Trop de gens croient leurs vices exceptionnels, mais rien n'est plus commun que le mal. En partageant sur cette page ce qui pèse sur votre conscience, vous découvrirez que vous n'êtes pas seuls. N'hésitez plus: racontez ce qui vous tourmente! Votre témoignage est précieux. C'est en examinant ses bassesses que l'on peut trouver la paix intérieure. Personne n'est parfait ; il se pourrait même que les meilleurs par mi nous soient ceux capables d'admettre sans détour leur méchanceté.»
Moebius 157 paru en kiosque depuis avril 2018. «Tous les serpents connaissent le goût des fruits». Venez découvrir le sommaire de l'un de nos magazine littéraire favori. Simon Brousseau y signe d'ailleurs un texte prémonitoire: «Quand vous vivrez je serai mort».
Extrait: «Veuillez prendre note du fait que ce jour marque la fin de l'âge de pierre/En ceci que la pierre est sable, en ceci que le sable est coté en bourse/et que tout ce qui n'a pas été construit de vos propres mains sales pourra s'évaporer sans préavis.» Nous souhaitons vous informer Marianne Lorthois Moebius 157
Les buveurs de lumière de Jenni Fagan paru en 2017 aux éditions Métailié. Dylan ne s'imaginait pas que Clachan Fells serait aussi magnifique. Il a quitté Londres pour l'Écosse avec les urnes contenant les cendres de sa mère et de sa grand-mère. Laissant derrière lui ses années de lumières factices, élevé dans le giron fabuleux d'un cinéma d'art et essai, il rejoint une communauté hétéroclite dans un petit parc de caravanes pour recommencer à zéro. Le Royaume Uni est entré dans l'âge de glace, trois soleils dans le ciel pourraient annoncer l'aube d'une terrifiante ère glaciaire. Dans sa caravane obus, reçu en héritage, Dylan va croiser le destin de Constance, sujette à des crises de somnambulisme, et sa fille, Stella, qui était un an plus tôt un garçon. Jenni Fagan ouvre un espace fabuleux de réflexion poétique et lucide. Dans une atmosphère de fin du monde, le conservatisme de la petite ville est mis à rude épreuve. Aux antipodes de la vision misérabiliste des romans apocalyptiques, cette famille recomposée apprend à danser sur des ruines. Au final serait-ce l'humain qui l'emporte, dans son obstination à vivre, rire et chanter ?
Extrait: «Constance et Stella traversent la route de la ferme. Des brins de foin crissent sous leurs pas, on distingue de larges taches sombres sur le sol à l'endroit où les balles restent tout l'été. Autrefois Stella les faisait rouler sous ses pieds, prenant de la vitesse jusqu'à ce qu'elle soit obligée de courir pour ne pas tomber. Elle revoit encore la route de ce film et elle en rêvera à nouveau bientôt. Elle déteste ces cauchemars. Il y a toujours un long chemin couvert de glace encadré de part et d'autre de champs infinis et les arbres sont des silhouettes noires ; il n'y a pas une touche de vert, plus qu'un seul individu dans le monde entier et il marche sur cette route, vêtu d'un manteau rouge. On pourrait le voir à des kilomètres et des kilomètres à la ronde. une volée d'oiseaux passe juste au-dessus d'elles. Les verts mousse, les violets et les rouges dorés ont viré au brun. De la neige fondue s'envole de la montagne.»
Glaise de Franck Bouysse paru en 2017 aux éditions La manufacture du livre. Nous sommes dans le Cantal, en France, la guerre de 1914 vient d'éclater. Les hommes sont mobilisés. À l'arrière, dans la grande chaleur d'Août, le jeune Joseph, 15 ans, devient l'unique homme de la ferme des Lary. Avec le soutien de son vieux voisin et ami Léonard, sa mère et sa grand-mère, ils vont prendre soin de la propriété familiale. Valette, homme de peu de scrupules, handicapé par une main atrophiée, convoite ce domaine depuis toujours. Avec sa femme, ils ressassent leurs rancoeurs, l'arrivée de leur belle soeur et de sa fille n'arrange rien. Anna provoque un indicible trouble chez Jospeh. Glaise est un somptueux roman, rude et rocailleux à l'image des grands espaces désolés qui encadrent le décor. Franck Bouysse manipule la matière râpeuse du langage et des moeurs des paysans pour incarner leur façon unique de penser ce monde qui s'effondre. L'amour est une argile inédite et corruptible à modeler dans cette contrée sauvage, ou le mal est un trou noir qui irradie. Glaise est une oeuvre très sombre, un joyau de roman noir qui vous donnera l'envie de découvrir les autres romans primés de l'écrivain.
Extrait: «Cette nuit-là, le projet initial de Joseph était de rendre hommage à sa grand-mère avec la terre du cimetière qui l'avait accueillie. Il croyait cela possible. Il torsada des brins de fil de fer pour leur donner la forme approximative d'une croix. Concentré comme jamais, il se mit ensuite à pétrir longuement l'argile, domptant ses doigts, cherchant une inspiration parfaite. Une sorte d'instinct s'empara de lui, dirigeant ses gestes avec une étonnante précision vers la construction de proportions qui n'avaient rien à voir avec celles d'une vieille femme usée par les épreuves de la vie, mais avec des formes entrevues, effleurées, ou imaginées, qu'il parvenait à rendre fidèlement. Les heures défilaient. La flamme de la bougie se débattait au milieu de fientes cireuses. La fièvre en lui, Joseph poursuivait son oeuvre dans la clarté déclinante. Rien ne comptait plus que la forme finale, cette obsédante représentation de son désir qui lui collait aux mains et à l'âme.»