Mission encre noire Tome 28 Chapitre 330. Phora, Sur ma pratique de psy de Nicolas Lévesque paru en 2019 aux éditions Varia dans la collection Proses de combat. Être à l'écoute psychanalytique du monde d'aujourd'hui, c'est relever le défi de la solitude, plume en main, pour témoigner de l'intime au plus creux de l'humain. Nicolas Lévesque nous invite dans son cabinet de psy, pour dénouer les paroles. Sur un mois, l'auteur, noircit un carnet de note, archive et classe l'écho de voix diverses et la sienne. Vous ne trouverez aucun jargon, ni aucune étude classique ici. C'est l'occasion pour l'écrivain psychologue de s'adonner à un exercice de libre parole où toutes les digressions sont permises. La psychanalyse n'est pas morte, loin de là, ce livre en est la preuve tangible. Le discours éclaté et rafraîchissant qui va éblouir votre lecture vous permet un accès inédit à un lieu trop longtemps tenu pour sacré. Comme le note l'auteur, il s'agit ici d'«une prise de sang» pour passer de la pratique à l'écrit, une mise en scène des plus sincère, qui réinvente pour mieux transcrire des bouts de réalités et de soi-même. Nicolas Lévesque a repris la plume et c'est tant mieux, il est mon invité à Mission encre noire.
Extrait: « J'ai donc repris la plume. Mon regard d'essayiste s'attarde, dans les notes qui suivent, à mon métier principal, celui de psy. Je n'y étais pas prêt, auparavant. Mais j'ai compris que je ne le serais jamais, ce qui fait toute une différence. Il m'a fallu l'observer longtemps, ce métier, pendant plus de deux décennies, avant de pouvoir réellement en tirer quelques esquisses, un croquis inachevé, imparfait, ce dessin que je te tends, lecteur, comme un enfant: « Tiens, c'est pour toi.» Portrait totalement infidèle, injuste pour mes patients et pour moi, non représentatif, mais conforme à une certaine expérience intérieure de cette pratique. C'est ici de l'art abstrait, plastique. Ne m'en veux pas trop, lecteur. Les artistes ont toujours dû s'excuser auprès de leurs modèles, auprès des vivants. Après vingt ans d'observation d'un paysage, le trait fidèle au paysage n'est plus possible, seule demeure l'encre qui coule depuis l'intérieur, ce coeur noir de la mémoire qui a trop vécu pour s'expliquer, se justifier, pour en faire un récit cohérent, une histoire bien ficelée. Seuls demeurent possibles un poème, un fragment de prose, un trait, une écriture-nuit.»
Le couteau de Jo Nesbo paru en 2019 aux éditions Gallimard dans la collection Série noire. Jo Nesbo est devenu un incontournable pour toute personne qui aime le thriller. L'inspecteur Harry Hole est le personnage fétiche de l'auteur, et ce, depuis, 2002, en français. C'est un héros dur à cuire, alcoolique, dépressif, cynique qui est connu pour avoir plusieurs ennuis avec sa hiérarchie. D'ailleurs, dans ce nouvel épisode, il est réintégré dans la police criminelle d'Oslo. Pour être plus juste, il est mis au rencart, aux dossiers classés sans suite. Pourtant, il ne rêve que d'une chose, remettre en prison Svein Finne, son vieil ennemi, psychopathe du couteau, violeur en série, qui vient d'être libéré. Il outrepasse les ordres de sa hiérarchie et se met rapidement sur ses traces. Cependant, Harry Hole se réveille, un matin, avec du sang sur les mains le lendemain d'une bagarre avinée avec le tenancier de son ancien bar, le Jealousy. Ce n'est pas le sien. L'inspecteur est loin de se douter des terribles conséquences à venir pour lui et ses proches. Jo Nesbo, fan de Clash et des Ramones, déroule une toile impressionnante, passé maître en fausses pistes et en faux semblants, son personnage, Harry Hole, devra déployer du cran et garder son sang froid pour ne pas en devenir la proie condamnée. Habitué des défonces destructrices, il se peut que celle-ci lui soit fatale. Jo Nesbo ne vous lâchera pas, une fois de plus, vos nuits paisibles vous sont comptées.
Extraits: « Harry retint son souffle. Il avait lu qu'il était possible de le faire si longtemps qu'on en mourait. Que la mort n'était pas due alors au manque d'oxygène,mais à l'excès de dioxyde de carbone. Qu'en règle générale, les gens n'arrivaient pas à retenir leur souffle au-delà de trente à soixante secondes, mais qu'un apnéiste danois avait tenu plus de vingt-deux minutes. Harry avait été heureux ; mais le bonheur, c'était comme l'héroïne, une fois qu'on avait goûté, une fois qu'on en connaissait l'existence, on ne pouvait jamais accepter totalement la vie sans. Car le bonheur est autre chose que la satisfaction. Le bonheur n'est pas naturel. C'est un état d'urgence trépidant, ce sont de secondes, des minutes, des jours qu'on sait ne pas pouvoir durer ; et le manque ne survient pas après, mais pendant. Avec le bonheur vient en effet la douloureuse notion que rien ne sera plus jamais pareil, et ce qu'on a nous manque déjà, on redoute la privation, la douleur de la perte, on se maudit de savoir ce qu'on est capable de ressentir.»