Mission encre noire Tome 25 Chapitre 304. Dormir sans tête de David Clerson paru en 2019 aux éditions Héliotrope. Ayant perdu son travail, un homme rencontre le regard d'un orang-outan mâle dans un documentaire. Les jours suivant, il sent dans ses membres une souplesse inédite, son haleine, subitement, le dégoûte. À Montréal, toujours, un autre personnage erre sous la ville souterraine entre le premier et le onzième sous-sol. Il lui arrive d'y dormir et d'y rêver...de Camille, au visage masqué et aux traits de reptile. Les sacs de déchets qui jonchent la rue, un soir de juillet, en pleine canicule, ramènent à la mémoire des souvenirs de pourriture, de tueur en série, de champignons et le réveil des bêtes à la fin de l'hiver. À chaque déclaration d'amour de sa tumeur, qui l'a quitté, cet homme a la gorge qui lui serre. Elle, qui a vécu les plus beaux jours de sa vie alors qu'elle durcissait et devenait douloureuse sur son épaule. David Clerson joue un peu les chamanes dans ce recueil de douze nouvelles, notre guide aux pays des songes. Tout au long de la lecture de Dormir sans tête, un certain doute plane avec délice: que dissimule l'hospitalité apparente du rêve ? se laisse-t-on dévorer par le réel ou contaminer par les imaginaires ? David Clerson est notre invité, ce soir, à Mission encre noire.
Extrait: «Sa vie à certains moments, avait aussi ressemblé à un naufrage. Sa maison d'édition avait plusieurs fois frôlé la faillite. Marie dirigeait tant bien que mal son entreprise malgré la dépression qui l'accablait. Lui-même ne le disait pas, mais il lui semblait parfois qu'il sombrait. Son sommeil était de plus en plus fragile. Quand il ouvrait les yeux à l'aube, il ne parvenait souvent plus à se rendormir, et s'étonnait de se rappeler ses rêves, qu'il avait toujours rapidement oubliés. On aurait cru des lambeaux qui se déchiraient et dont il gardait des bribes, des images persistantes qui souvent le hantaient: la récurrence du cadavre de son père, mort bien des années avant celui de Marie, et dont il ne parlait presque jamais ; le souvenir, aussi, d'une maison d'édition immense, aux murs surchargés de livres, et dans laquelle il se perdait.»
Dieu et désir de Michel Morin paru en 2018 aux éditions Les herbes rouges. Si Dieu est un sujet délicat par les temps qui courent, lui accoler le terme désir peut paraître incongru. Et pourtant ! voici un essai passionnant qui devrait vous faire réagir et bondir de votre chaise la plupart de temps. Michel Morin s'appuie essentiellement sur deux textes fondateurs pour sa réflexion: Ainsi parlait Zarathoustra de Friedrich Nietzsche et La pesanteur et la grâce de Simone Weil. Il ne s'agit pas ici de Dieu moral et d'embrigadement aveugle, bien plutôt d'envisager l'idée de Dieu comme la puissance créatrice de toutes choses, qui par le biais du désir, le moteur de ce qui est, permet à l'homme de se transcender, de devenir sur-humain. Michel Morin vous propose d'interroger le destin de l'homme dans le contexte  la civilisation d'aujourd'hui. Michel Morin est notre invité à Mission encre noire.
Extrait: «Ce n'est pas en «castrant» Dieu que l'on ramènera la «paix» sur la terre, comme le sous-entendent toutes les politiques laïcistes. C'est en le re-découvrant là où il se cache, au fond de soi, au plus creux de la sensation, loin de toute «morale» (et de toute «armée morale»).»