Mission encre noire Tome 25 Chapitre 306. Le pourboire de Philippe Chagnon paru en 2019 aux éditions Triptyque Collection Encrages. Au moment où l'hiver semble ne plus vouloir se terminer, un narrateur, sa blonde et ses parents prennent un avion pour le Mexique. Alors qu'il goûte à l'accueil de l'hôtel Fiesta Americana Condesa, un «tout compris» sur le bord de l'eau, aux allures de complexe central du Parc Jurassique, une angoisse terrible le saisit: il a omis de laisser le pourboire de bienvenue. Au-delà du sentiment de culpabilité qui grandit en lui, c'est l'ensemble du séjour qui va brusquement changer de registre. Voici un petit bijou de roman, même si la banalité du propos peut interpeller, à priori, l'écriture sinueuse et limpide de l'auteur va transcender ce banal voyage en une succession de fausses pistes, toutes bonnes à prendre. L'écriture minimaliste ne vous épargnera aucun des détails du lieu, jusqu'à l'écoeurement. Et pourtant, Philippe Chagnon va vous faire goûter le sentiment de joie pure d'être en adéquation avec un monde si familier, si loin, si proche, qui vous fera, peut être frémir de plaisir ou de nausée. Il est notre invité à Mission encre noire.
Extrait: «Environ trente minutes plus tard, on appelle enfin notre numéro de vol au micro. Nous prenons nos sacs et nous nous dirigeons vers la porte où il faut encore une fois présenter notre passeport et nos billets. La file est longue et nous avançons lentement. Je remarque que la majorité des gens qui étaient assis dans notre section sont maintenant debout, devant ou derrière nous. Après avoir présenté nos documents à un préposé, nous avançons dans un long corridor en accordéon qui rapetisse en largeur au fur et à mesure qu'on se rapproche de l'avion. Lorsque c'est à mon tour d'entrer, je dois encre présenter - eh oui ! - mon billet pour qu'on puisse m'indiquer que mon siège est quelque part vers la droite. Mes parents se dirigent du même côté que nous et nous nous souhaitons un bon voyage lorsqu'ils trouvent leurs sièges et qu'ils y prennent place. Sophie et moi continuons à descendre l'allée avant de nous arrêter environ huit rangées plus loin. Assis côte à côte, nous sommes heureux de constater qu'il n'y a personne d'attitré au siège libre qui donne sur l'allée.»
Moebius 160 «Déposer ma langue sur un crochet, crier enfin: «je suis rentrée à la maison!». C'est la phrase thème de ce magnifique numéro 160 du magazine Moebius. La couverture cartonnée et colorée est l'oeuvre de Julie Delporte, qui, souvenez-vous, a publié sa lettre à Pattie O'Green dans le numéro 158 de la revue. Elle est l'artiste en résidence. Ce nouveau numéro est piloté par Jeannot Clair et Karianne Trudeau Beaunoyer. Pour celles et ceux qui n'ont pas eu la chance de découvrir Lucille de Pesloüan avec ses premiers textes parus dans le fanzine miniature Shushanna Bikini London, Cherry Bomb vous propose une collection de vignettes souvenirs dans un style très proche. Elle est l'autrice en résidence. Stéphane Martelly nous parle d'écriture, Catherine Mavrikakis s'adresse à Philippe Forest et rêve de ne pas pleurer en lui parlant. Vous découvrirez d'autres pépites inédites de Marise Belletête, Mahité Breton, Martina Chumova, Laurence Gagné, Martin Hervé, Louis-Philippe Labelle, Anthony Lacroix, Guylaine Massoutre, Francis Paradis, Diane-Ischa Ross, Kaliane Ung et Mathieu Villeneuve. Le numéro 160 est d'ors et déjà disponible en kiosque.
Extrait: «J'ai essayé de m'entraîner à garder le silence. À ne plus me laisser aller en bavardages flasques et inutiles. À imposer une tenue digne à ma parole. Une belle colonne vertébrale bien droite. Du logique. Du lumineux, celui des ampoules halogènes éblouissantes. Du nettoyé de toute scories niaise. De la crête de montagne bien dessinée, proprement découpée par la bise du nord, avec un grand philosophe posté sur l'éperon le plus haut ; non pas de ces crêtes biscornues chiquées de lichens qu'on rencontre dans nos contrées sans hauteur. Oui, j'ai essayé de m'entraîner rigoureusement. Vous aurez déjà pu le constater: j'ai échoué.»
Cadillac de Biz paru en 2018 aux éditions Leméac.Tout est histoire de filiation ici. La mort de son grand-père Théodule et la naissance à venir de son fils perturbe Derek. Lui qui aurait dû patiner sur la glace en LNH pour le compte des Red-Wings de Détroit, coule une vie paisible à vendre des caddies dans le West Island. Il décide de quitter ses chums de l'aréna Mont-Royal, sa blonde enceinte et sa concession Cadillac pour une escapade sur les traces de ses ancêtres pour se refaire une santé. Il décroche le dernier chandail du fond de sa garde robe, celui des Red Wings avec Lamothe dans le dos et file vers le Paris du Midwest: Détroit. Ce court roman d'à peine cent pages vous donnera certainement l'envie de prolonger le travail de l'auteur. Pour Biz, les québécois.e.s d'aujourd'hui portent en eux/elles, les victoires et les défaites de leurs ascendant.e.s, une identité façonnée par de multiples vécus.
Extrait: «Derek quitte l'île de Montréal dès 6 heures le jeudi matin. À l'inverse du trafic, la circulation est fluide sur la 40 ouest. Go West, young man. Direction le Pays-d'En-haut. Sur une carte, façonné par les lacs Huron et Michigan, l'État du Michigan ressemble à une mitaine gauche, Détroit étant situé sur la partie extérieure de son pouce. À part l'Alaska, C'est le seul endroit où le Canada est au sud des États-Unis. Le bassin des Grands Lacs, c'est littéralement le coeur de l'Amérique. Un réseau artériel irriguant la moitié d'un continent. Avec 18% des réserves mondiales, c'est la plus grande source d'eau douce au monde. De mémoire de Lamothe, la grande-route l'a toujours apaisé. Pendant son hockey junior, il a sillonné tout le Québec en autobus. Il aimait particulièrement les voyages contre les Foreurs de Val-d'or et les Huskies de Rouyn-Noranda. Des nuits entières à traverser l'interminable parc de La Vérendrye.»