Mission encre noire Tome 31 Chapitre 362. Noir Métal de Sébastien Chabot paru en 2021 aux éditions Alto. La tête d'un lièvre explose sous les roues d'un Dodge Caravan 1986, Un corbeau se fait percuter, plus tard par un train routier, une femelle coyote se fait aplatir par un camion Robert Transport de couleur jaune, seul Sebastian arrive à traverser la route 132 sans encombre. Sainte-Florence, un village du Bas Saint-Laurent, prend des allures de Twin Peaks, alors qu’un jeune homme rentre d’un séjour difficile en centre jeunesse. Knut Sebastiansen, dit le Général, grand prêtre du mystérieux groupe Vita Cirkeln, qui scandinavise ses initiés, dirige d’une main de fer l’une des principales ressources économiques de la région : l’usine de pelles Skovlar. Sebastien Andersen ne parle pas, il laisse sa musique de black métal et sa fascination pour les animaux mort en états de décomposition le faire à sa place. Ailleurs, en dessous du pont du village, une écrevisse géante menace des ados de ces pinces énormes. La faune sauvage semble atteinte d’un mal étrange. Tout comme la communauté de ce coin matapédien, qui s’avère soudainement perturber par cette présence nouvelle et inquiétante. Sebastian accorde son chant d'outre tombe, qui a des allures de revanche à prendre, au désordre humain. Et de ce monde qui rend une musique si étrange, Noir métal vous stupéfiera par effraction. Je reçois Sébastien Chabot, ce soir, à Mission encre noire.
Extrait: «Plusieurs taxidermistes du coin pétrifiaient, dans la colle et la bourrure, les animaux sauvages ; le plus difficile n'était pas de les tuer, mais de leur trouver un regard adéquat pour l'éternité. Sébastian observa les yeux vides durant de longues minutes: tous ces abîmes de verre morts posés sans ordre sur un grand tissu noir, destinés à des créatures qui avaient vu dans la nuit comme en plain jour mais qui, à présent, se promenaient aveugles dans leur vie impossible. Sebastian se pencha et plongea son regard dans une trentaine de billes. Aucune ne renvoyait la lumière de la même façon. Dans certaines, les reflets décomposaient les couleurs et enfermaient des arcs-en-ciel. Sebastian parcourut les billes, en toucha quelques-unes. Puis, dans un coin, il vit le regard parfait, d'un bleu métal qui voilait les éclats des néons. Ses mains tremblaient lorsqu'il décrocha les deux sphères, et sa respiration était bruyante. Il haletait presque comme un chien. Sebastian sentit un liquide s'écouler dans la poche droite de son manteau. Une odeur fauve montait à ses narines. Il jeta un dernier regard à l'employé qui pliait les cartons et s'en retourna au comptoir.».
Filibuste de Frédérique Côté paru en 2021 aux éditions Le cheval d’août. La rubrique des «chiens écrasés», c’est comme cela que l’on nomme le fait divers à la fin du XIXème siècle. Parce qu’il est une information brute, le fait divers fascine et fait vendre du journal à un public avide de grandes sensations. Au XIXème siècle on les nommait «la rubrique des chiens écrasés». La présence des faits divers dans l’œuvre d’Emmanuel Carrère fait parti du mémoire de maîtrise de Frédérique Côté. Filibuste en porte la marque, c'est un roman polyphonique qui met en scène une famille, dont la mère de Delphine, Flavie et Bébé reçoit chaque dimanche ses filles à souper à la maison. Lorsque qu’un drame surgit. Le père, dans sa balade hebdomadaire en moto, est impliqué dans un accident mortel qui se retrouve dans la rubrique des faits divers. Des tensions vont rapidement se mettre au jour au sein de la sororité et dévoiler les ressorts d’une dynamique familiale pour le moins dysfonctionnelle. L’histoire se déplie alors avec en toile de fond la montée du phénomène des télé-réalités et d’autres éléments extérieurs qui font de ce roman une sorte de tatouage captivant sur un bout de chair de notre époque mise à nu. Je reçois Frédérique Côté, à Mission encre noire.
Extrait: «Je suis la seule à pleurer notre famille, personne d'autre se fera tatouer quatre biches sur un mollet. Une des plus belles réussites de ma mère, c'est de m'avoir protégée d'elle durant mon enfance. Je suis toujours restée le bébé dans sa tête et, à part mes petites tensions avec Delphine, j'ai eu une vie de famille paisible. Tout le monde attendait cet éclatement, et moi j'imaginais des soupers les dimanches jusqu'à ce qu'on soit vieilles et que nos enfants soupent avec nous. J'étais pas préparée à être victime de mon clan alors que j'aurai dû, puisque ses autres membres s'entretuent.»