Mission encre noire Tome 23 Chapitre 284 Que la guerre est jolie de Christian Roux paru en 2018 aux éditions Rivages. Guillaume Apollinaire publie le poème «Merveille de la guerre» dans Calligrammes, poèmes de la paix et de la guerre (1913-1916), qui se révèle un concentré de noirceur lumineuse qui confond la Grande guerre, même si elle est horrible, dans sa puissance lyrique. C'est un des tour de force de ce roman de Christian Roux, révéler le sens tragique de la guerre, ici, au coeur du territoire français. Il ne s'agit pas de terrorisme, soyons clair. Non, cette guerre s'insère, vicieusement, dans notre quotidien. Elle concerne, soudainement, tout le monde. Charles Caspiani, maire depuis 20 ans de Larmont, une petite ville située à une heure de Paris veut livrer un quartier populaire aux mains d'un conglomérat d'entrepreneurs. Pour cela tous les moyens sont bons: Mercenaire, truands, pyromane, dealers etc...Les habitants ne voient pas les choses de la même manière. Un collectif d'artistes en tout genre squattent l'ancienne usine aux structures métalliques datant du début du vingtième siècle. Ce lieu va devenir le catalyseur des affrontements au coeur même de l'agglomération. Que cette guerre est jolie, elle n'épargne personne. Le monstre engendré par l'avidité du maire a faim, les personnages complexes et attachants de Christian Roux ouvrent de longues bouches pâles. Ils vous invitent à partager le tragique festin de ce roman aux relents prémonitoires. 
Extrait: «L'Usine est occupée par des artistes peintres, des plasticiens, quelques musiciens, mais le pilier auquel tous s'accrochent, c'est la compagnie À tout prendre. Elle est composée de trois comédiens, trois comédiennes, deux techniciens-régisseurs-décorateurs-sonorisateurs-créateurs de lumières et d'un metteur en scène, Bernard Salmon. Ce dernier, originaire de Larmon, lorgnait depuis longtemps l'Usine Vinaigrier, tout en n'osant pas franchir le pas de l'occupation. Jusqu'en 2003, année où la compagnie, comme des centaines d'autres, a fait grève à Avignon pour sauvegarder le régime de l'intermittence du spectacle. Malgré une mobilisation sans précédent, qui a conduit à l'annulation de nombre de prestigieux festivals, trahis par les syndicats, les artistes et les techniciens du spectacle vivant ont perdu. Mais contrairement à beaucoup d'autres, bien qu'exsangue, la compagnie À tout prendre a survécu à l'épreuve. Et elle en est ressortie déterminée à défendre un théâtre militant. Un théâtre qui s'empare, et non pas qui quémande. Bernard Salmon se montrait particulièrement virulent. À l'époque, il répétait en boucle: « Dès lors qu'elles ne vous respectent pas, les institutions sont faites pour être violées.»
Plus jamais seul de Caryl Férey paru en 2018 aux éditions Gallimard dans la collection Série noire. Caryl Férey tient sans doute son Pierrot le fou, dans ce personnage de Mc Cash, cette gueule de pirate, ancien flic, borgne et libertaire. Déjà croisé dans Plutôt crever (Série noire) et La jambe gauche de Joe Strummer (Folio Policier), l'homme n'a pas dérogé à ses bonnes habitudes: NO FUTURE. Si ce n'était la présence d'Alice. Sa fille, qu'il récupère à la sortie du collège, pour les vacances. À peine débarqués en rade de Brest, l'annonce de la mort en mer, présumée, de son vieux pote Marco et de son ex-femme, va sérieusement entamer le programme des réjouissances. Mc cash enquête et il déteste ça. Élevé à rendre coups pour coups, l'ex policier, met le cap sur la Grèce. De toute la série, Plus jamais seul, est sans doute l'un des plus réussis. Pour riposter à un monde malade et désespérant, Caryl Férey allie cynisme, humour brut, amitié fraternelle et ultra violence. Mc Cash cassera forcément toute la porcelaine sur son passage, plus amer que jamais, le héros tendre au coeur dur vous réserve un saudade bien senti.
Extrait: « Je te préviens, je suis nul en gosses, avait-il dit. Alice avait haussé les épaules-comme si elle était bonne en parents... Enfin, en six mois ils avaient appris à se connaître, et s'il ne ressemblait à aucun père, Alice l'aimait comme il était, bougon, comique, désabusé, grand coeur, une sorte de montagne russe interdite au moins de treize ans. Mc Cash composait avec la partition qu'il avait entre les mains ; cette gamine ne s'exprimait pas avec un débit de mitraillette et des expressions incompréhensibles comme les filles de son âge, faisant preuve d'une maturité qu'il découvrait au fil des jours. Lui qui n'avait pas de prénom ne savait pas comment l'appeler: «ma puce» ça faisait vraiment minus, «mon chaton» c'était déjà pris, «moucheron» ça lui aurait pas plu, le reste des animaux il s'en battait l'oeil. Va pour Alice.»
Offshore de Petros Markaris paru en 2017 aux éditions du Seuil dans la collection Cadre noir. Nous restons en Grèce, le commissaire Charitos, héros récurrent d'une dizaine de romans de Petros Markaris, a traversé la crise comme il peut. Sa femme, Adriani, cordon bleu reconnu, a su accommoder les restes pour faire rentrer les petits plats dans les grands. Oui, vous le trouvez aussi assez étonnant, il se peut que la crise soit devenu un vieux souvenir! Les Mercedes et les Jeep ne se font plus rares, les athéniens fréquentent de nouveau les restaurants et surtout les embouteillages monstres de la capitale refont surface. C'est un peu trop soudain pour notre fin limier. Ce que confirme une étrange vague de meurtres qui survient à Athènes, Charitos ne peut admettre que les assassins soient si facile à appréhender. Pourquoi sa nouvelle hiérarchie s'obstine-t-elle à classer si rapidement le dossier ? Y-a-t-il un lien avec le nouveau parti au pouvoir ? L'économie grecque est à vendre, et ça, Petros Markaris ne peut l'admettre. Offshore est un polar efficace qui apporte un éclairage aguerri des nouveaux mécanismes qui se mettent en place en Europe, au mépris des droits les plus fondamentaux. Ni de droite, ni de gauche, tous et toutes pour le fric ! Ça vous rappelle quelque chose ?
Extrait: «Le mystère a duré près d'un mois, jusqu'à la première conférence de presse. On a vu alors sur l'écran un groupe de politiciens quadragénaires nous annonçant la fondation d'un nouveau parti. ETSI n'était cependant pas issu de la scission d'un parti existant, comme il arrive en général. Ces quadras avaient quitté tous les partis pour fonder le leur. Ils déclaraient n'être séparés par aucun désaccord idéologique, ceux-ci ayant d'ailleurs perdu toute signification, mais qu'ils étaient unis par un seul but: sauver le pays. L'autre point commun: aucun d'eux n'était député. On avait là des cadres de divers partis, tous écoeurés par les intrigues partisanes. ETSI ne proposait aucun programme, ne s'engageait à rien de précis, ne promettait rien. Tous ses cadres, sans exception, répétaient la même question: «Et si...?» sans entrer dans les détails. À toute question ils donnaient la même réponse: Nous demandons trois mois. Si nous échouons, nous partons. Naturellement, les autres partis ont débiné ETSI et ses cadres. Mais les médias leur offraient tous les jours la place d'honneur, sans pour autant les prendre au sérieux: ils voyaient là une proie facile.»
Agenda: Vous n'étiez pas du show des Melvins au théâtre Corona ? Je vous raconte.