Mission encre noire Tome 29 Chapitre 335. École pour filles par Ariane Lessard paru en 2020 aux éditions La mèche. Plusieurs élèves et leurs institutrices sont pris par la neige six mois par année dans un pensionnat pour jeunes filles, isolé dans une vaste forêt. Dans un décor angoissant, les unes et les autres, certaines plus vieilles, d'autres disparues...accumulent les savoirs. Chacune pose sa voix, page après page, pour composer un chant pluriel. Chemin faisant, les pièces orales composent un fascinant jeu d'écriture, en forme de rebus circulaire, autour du cycle des saisons. Parfois caresses, tantôt gifles, les mots que l'autrice donnent à entendre flattent autant qu'ils procurent des frissons à l'échine. Ariane Lessard n'a pas son pareil pour harmoniser les différents styles de parole d'une oeuvre chorale qui célèbre l'écologie, le féminisme et les savoirs occultes. Entre colère et violence, c'est la vie qui veut éclore dans ce couvent fermé comme un poing. Rendu à l'âge de la puberté, de ces jeunes filles qui aiment habiter le silence où affirmer de rompre avec les bonnes manières, se dégage un exercice de remise en question des choix et des limites, dans un univers extérieur menaçant. L'autrice se prête au jeu de ces multiples visages, autant de miroirs, qui malgré les failles se refusent à briser. Préparez-vous à descendre à la cave d'un univers ensorcelant où la vérité sourd de dalles blanches dans une langue furieusement habitée. je reçois Arianne Lessard, ce soir, à Mission encre noire.
Extrait: « Je m'amuse à suivre la trace laissée par Jeanne au sortir de la grande salle. Dame Angoisse me tend la serpillière. Ce n'est pas à moi de ramasser ses gouttes. L'eau rouge coule sur le carrelage. L'eau rouge se terre entre les craques du plancher. J'ai gardé ma queue en tissu, l'ai ramenée à ma chambre sous le toit, l'ai roulée en boule et l'ai glissée dans mon pantalon. Si les plus vieilles n'y étaient pas, ce serait moi le roi.»
Les Rosemonteries de Sébastien Ste-Croix Dubé paru en 2020 aux éditions Triptyque dans la collection Novella. Que dire de l'ambition d'un jour de St-jean d'Adam, de se glisser dans son hamac avec une bière dans le gosier, des écouteurs et un Dostoïesvski ? Si ce n'est qu'une pièce défectueuse pour réparer un fermenteur à Mabrasserie va diablement changer sa routine. Soixante-cinq jours de travail non-stop dans la vie d'un brasseur de bière qui carbure à la cervoise et à une galaxie de pilules en tout genre, ça use. Gagner sa vie en ruinant son couple n'est pas si payant. Effondré, Adam s'invite alors en enfer, sous le soleil tapant dans dédale des rues rosemontoises à la recherche de la pièce manquante ou de lui-même. Dans la moiteur d'un quartier de Montréal en pleine mutation, l'auteur nous embringue dans une dérive gonzoesque, en gougounes, à travers le regard avisé de son personnage principal. Prêt pour un road-trip sous acide au coeur du quartier Rosemont ? J'accueille Sébastien Ste-Croix Dubé à Mission encre noire.
Extrait: « Je monte jusqu'à la rue Beaubien pour me rendre au parc Molson. Ça me donne l'impression d'aller dans la bonne direction. Je m'effondre sur une table de pique-nique. Ici, les festivités cessent peu à peu, il reste seulement quelques âmes errantes qui gueulent ou se frenchent. Pas loin, un gars crie bonne Saint-Jean, tabarnaque !, je pense d'abord que c'est dirigé contre moi, qu'on m'accuse. Mais non, il poursuit son chemin en chancelant et en hurlant. De l'autre côté de la rue, le Cinéma Beaubien expose sa tête lumineuse. Les ampoules font une chorégraphie bizarre autour des affiches ; chaque lumière y va de sa petite danse improvisée ; chaque lumière est une émotion. Le riz frit, c'était ton plat préféré. Quand t'as appris que t'allais crever d'un cancer, t'es venu me voir. Tu souriais, mon crisse. Tu disais que t'avais même pas peur. Que de toute façon, il fallait juste s'assurer de faire ce qu'on aime avec les gens qu'on aime et de pas gaspiller le temps qu'on a.»