Mission encre noire Tome 28 Chapitre 331. Pourquoi tu danses quand tu marches? Abdourahman A. Waberi paru en 2020 aux éditions Mémoire d'encrier. Une simple phrase sorti de la bouche sa fille Béa déclenche une avalanche de souvenir chez Aden Robleh. Tout lui revient douloureusement, tout depuis ce matin funeste dans la poussière de la cour familiale, il avait sept ou huit ans comme elle. Djibouti, le quartier du Château d'eau, la colonisation française, l'indépendance de 1977, les épidémies, sa maladie...rien n'échappe au récit de son souvenir. Il lui confesse la fébrilité de sa mère à sa naissance, l'absence de son père, Papa tige, et surtout l'empreinte rassurante que sa grand-mère, Cochise, va imprimer dans sa vie. Si la voix vacille un peu, c'est d'émotion qu'elle tremble. S'il prend son rôle au sérieux, Aden s'efforce avec beaucoup de tendresse, de retranscrire le parcours atypique qui le mène des cours de préaux de l'école de la république djiboutienne, au lycée français, puis devenu enseignant le jour, il avoue consacrer ses nuits à l'écriture. Nul besoin d'encouragement, la phrase d'Abdourahman A. Waberi envoie une gerbe d'onde positive. L'auteur consacre sa plume à la transmission de son héritage. S'il nous ouvre les portes de son passé, certes meurtri, ce livre est un hymne à la vie. Au milieu de la foule, un homme vocifère sa joie de vivre, il danse en marchant, Abdourahman A. Waberi est invité, ce soir à Mission encre noire.
Extrait: « Madame Annick avait un avantage sur tous les gens que je connaissais. Elle savait lire et écrire le français. Comme je l'ai déjà dit, Béa, Madame Annick était une française de France. Non seulement elle savait lire et écrire mais elle connaissait très bien cette langue, assez bien pour venir, jusque chez nous, transformer les arrière-petit-fils de bergers nomades comme moi en petits garçons qui sachent lire, compter et écrire. Il fallait qu'il fassent leur entrée dans le monde moderne, qu'ils réussissent mieux que leurs parents. C'est la République française qui lui avait donné cette sacrée mission. Tous les petits enfants, blonds ou nègres, doivent être instruits pour ensuite décrocher une bonne place dans la vie. Liberté, égalité, fraternité pour tous. Même pour les chiens. En réalité, les choses n'étaient pas aussi simples.»
Les lieux de Marie-Claire Blais Entretiens de Marie-Claire Blais et Lise Gauvin paru en 2020 aux éditions Nota Bene. L'idée de ce livre fondé sur les lieux familiers de l'une de plus grandes écrivaines de la littérature contemporaine est née alors que Lise Gauvin envisageait d'entreprendre une biographie. Amies et complices de longue date, les deux autrices nous offrent un généreux voyage dans le temps. Après Québec, il y eut Montréal, Cape Cod, Paris puis, jusqu'à Maintenant, Key West. Si tout dans le voyage est dans le nouveau regard jeté sur les paysages, ces entretiens donnent un éclairage inédit sur le parcours et l'oeuvre de Marie-Claire Blais. Les mouvements féministes américains, la lutte pour les droits civiques des Noirs, Paris pendant la guerre d'Algérie, les années Trump et l'écho d'un cocorico dans le lointain, Lise Gauvin et Marie-Claire Blais abordent de nombreux sujets. L'écriture aussi, bien sûr, le «vrai lieu», l'oeuvre, les personnages figurent au coeur des échanges. Pour nous choyer, encore plus, des photos de ces lieux et de l'autrice à différentes périodes de sa vie, ainsi que de nombreuses illustrations, manuscrits, lettres, aquarelles, dessins à l'encre, viennent agrémenter un ouvrage riche et généreux. Ce livre d'amitié révèle un portrait rare de Marie-Claire Blais, un voyage authentique qui n'attend plus que vous. Lise Gauvin est invité, ce soir, à Mission encre noire.
Extrait: « Tu es venue à Paris très jeune, à l'âge de 21 ans, avec une bourse du Conseils des arts. Quelles étaient tes attentes envers Paris? - J'étais assez inquiète car c'était l'époque de la publication de La belle bête. C'était notre plus grand rêve, quand on parlait voyage, de venir à Paris. Pour moi, c'était assez miraculeux d'avoir une bourse pour venir. Je crois que c'est l'époque où les écrivains ont commencé à obtenir des bourses du Conseil des arts. C'est comme cela qu'ils ont voyagé. Autrement, on ne pouvait pas. C'était une grande espérance de venir à Paris pour nous, jeunes écrivains, mais cela m'intimidait beaucoup. J'y suis restée un an et je suis revenue après avec d'autres bourses. C'était une initiation, un peu comme on le voit dans Une liaison parisienne (1975).»