Mission encre noire Tome 33 Tome 379. Le programme double de la femme tuée un recueil de poésie de Carole David paru en 2022 aux éditions Les Herbes Rouges. Pour la plupart de celles et ceux qui lisent pour la première fois un livre de Carole David, le choc est puissant. Dans Manuel de poétique à l’intention des jeunes filles (2010, Les Herbes Rouges), par exemple, on y croise bien des fantômes. De Sylvia Plath, d’Anne Sexton, de Jacques Chirac à Paul Valéry, des pieuses domestiques à Jean Seberg et son Herald Tribune, beaucoup y partagent une réalité augmentée pas toujours des plus confortable. On y trouve aussi bien l’Amérique du nord comme l’Italie dans ses livres, pays d’origine de sa famille immigrée, dans ce qu’elles ont de banal, de médiocre voire d’effrayant. Dans ce recueil, alors que la canicule estivale écrase Rome, l’écrivaine visite la ville. Dans les rues, à la gare ou au musée, en plein jour comme dans les ténèbres d’un tableau, la capitale déroule ses histoires, ses mille tragédies, son visage de mort au sourire édenté. Comme de fait, ici ou là surgissent une nouvelle fois des fantômes, ces femmes assassinées, violentées, méprisées, que la mémoire populaire a presque définitivement effacé. L’écrivaine s’offre alors un face à face sans concession, à un exercice de mémoire d’outre-punk, à circuler parmi les tombes, les monuments et les mythes fabriqués, comme l’Illustre la page de couverture: un joint se consume dans un cendrier posé sur une image pieuse. J’accueille ce soir, à Mission encre noire, une figure incontournable de la littérature québécoise, Carole David est mon invité.
Extrait:« Indolents, les fils du Caravage/servent des proies liquides/sur des tables/princes déchus à rebours/décorés, indifférents/je les remercie par leurs prénoms/lorsque la nuit arrive/je demeure chaos/ma petitesse est sans bruit»
Pas besoin d’ennemis par Julien Guy-Béland paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Une mise en garde ouvre les pages de ce livre :« ici sont abordées des questions liées à la santé mentale, à la toxicomanie, aux violences conjugales et sexuelles ainsi qu’à d’autres violences systémiques.» En fait, ce texte est la résultante de plusieurs démarches de l’auteurice: Trois suivis psychothérapeutiques pour traiter son anxiété sociale, ses dépendances et ses troubles relationnels. L’attente, interminable, parfois, d’une place dans un service d’aide en dépit des coupes budgétaires et autres mesures d’austérité des gouvernements qui a conduit Julien Guy-Béland à prendre la plume. Comme le suggère l'avertissement en tête du livre, le ton est sans concession, voire à fleur de peau. Il n'est donc pas étonnant d'y trouver une charge bien senti contre un système de soins thérapeutiques qui souffre d’un manque de ressources flagrant. Julien Guy-Béland témoigne, le plus honnêtement possible, d’une période de vie de toxicomanie active. Le livre est un brûlot anti système à plus d’un titre, dans son écriture inclusive, dans sa dénonciation des méfaits du capitalisme qui préfère faire du fric au détriment de la santé mentale du plus grand nombre, mais surtout, il propose, une série de confessions douloureuses, un regard transparent sur l’expérience d’une vie marginalisée. Je vous invite à rencontrer ce soir, à Mission encre noire, Julien Guy-Béland.
Extrait:« Février 2021. Evan Rachel Woods, Ashley Walter, Sarah McNeilly, Ashley Lindsay Morgan et Gabriella dénoncent les agressions psychologiques et physiques de Brian Warner, plus connu sous le nom de Marilyn Manson. Ce dernier nie tout. Pourtant, dans son autobiographie publiée en 1998, lui-même décrivait de nombreuses violences commises envers ses conjointes et des fans. «La violence motivée par la haine des femmes est profondément inscrite dans notre culture, et les hommes non seulement peuvent en commettre sans craindre de conséquences, mais leur misogynie leur sert souvent à mousser leur célébrité et gonfler leur fortune. (...) Marilyn Manson n'est que le dernier d'une longue série d'hommes qui étaient plus francs qu'il n'y paraissait.» Nous sommes bien placés pour ne pas être surpris, puisque notre groupe post-hardcore conceptuel, Skip the Foreplay, qui se réappropriait le spires côtés de la culture pop, évoluait dans une scène connexe à Manson. Nous n'avions pas d'informations à propos de ce cas particulier mais it works according to design. Ô, je le savais même à l'époque, que notre projet était wack, même si je me le rationalisais en me disant que notre registre était ironique. J'ai pilé sur mes valeurs pour du pouvoir, en collaborant avec d'autres gens prêts à faire n'importe quoi pour du pouvoir. Le second degré a le dos large. trop de mauvais humoristes nous l'ont rappelé récemment. «Ces gars font ce qu'ils font pour la même raison qui m'a mené en prison: le pouvoir», dit un des roadies de la scène principale du Warped Tour, en référence aux bands pour lesquels il travaille, dans un documentaire filmé l'été où on y a participé.»