Mission encre noire Tome 27 Chapitre 318. Nous ne trahirons pas le poème de Rodney Saint-Éloi paru en 2019 aux éditions Mémoire d'encrier. Avec élégance et style, le poète ici martèle un appel à la résistance: Nous ne trahirons pas ! Ni la voix des ancêtres, ni celle de la terre-mère, grand-mère, ni celle du corps qui se fait parfois sauvage, tantôt sensuelle. La voix du poète exige à goûter au chant du monde, à sentir, coeur léger, l'amour qui grandit. Car, il faut se l'avouer nous avons failli. Les guerres, les séismes, les échouages sur les plages cimetières de la méditerranée nous le remémorent encore trop souvent. Tam-tam la nuit, Tam-tam le jour, le tambour lancinant guidera votre lecture. Et si au détour d'un poème l'ombre d'un illustre plane, si une seule voix oubliée nous manque, soyez-en sûr, le poète se fera volcan, écume, tempête pour clamer le feu de la vérité, pour mettre au jour ce que l'on refuse de nommer, pour nous permettre de revendiquer la venue d'une aube décoloniale. Ce soir, Rodney Saint-Éloi nous dicte la route, il est notre invité à Mission encre noire.
Extrait: «histoire de mes chaînes/l'histoire n'est pas l'histoire/histoire de mes ensauvagements/de mes errances/je ne compte pas les phares/je me dédie aux phrases orphelines/gardiens des continents/mon nom est ma trahison/j'invoque l'arbre totem/la sorcière dit/vas-y/vas-y seul/au coeur des syllabes/à l'orée de la toundra/demande la route au maître caribou/garde neuve ta solitude/tiens dans tes mains/l'habitude de la joie/et les émeutes du soleil »
Nos vies de plume de Karine Légeron paru en 2019 aux éditions Leméac. Alice se berce en regardant la mer, assise sous un pin. Elle veut enfin révéler toute la vérité sur son histoire, mais par où commencer ? Même si elle range son carnet dans la bibliothèque entre Anne hébert et Michel Houellebecq, pour plus tard, lorsque l'enfant qu'elle porte fêtera sa quinzième année ; elle doute encore. Tout à un début, ici, le souvenir apparaît, celui d'un carte postale d'Azaé, sa mère, celui d'une petite écriture à l'encre turquoise, accompagné d'un cachet de la poste argentin. Puis elle se figure, en voyant son chien qui court sur les falaises, les endroits qu'elle a habités, son enfance meurtrie, les non-dits, la folie noire sa mère. Azaé qui la supplie de venir l'aider, là, en argentine, de réussir à la sauver. Elle décide de tout quitter en 24 heures, son chum, son appartement parisien et son travail ennuyant.  Elle sait, pourtant, elle va souffrir. Des falaises bretonnes en passant par les montagnes des Andes, ce splendide premier roman très réussi, vous plantera une écharde dans l'esprit: doit-on tout dire, se doit-on de tout transmettre ? Nos vies de plume remonte le temps et se révèle être un fascinant puzzle. Karine Légeron a quitté il y a bien longtemps la ruta nacional 9 pour venir nous rendre visite, ce soir, à Mission encre noire.
Extrait: « Je crois que j'ai réalisé très tôt qu'elle était malade, que quelque chose n'allait pas. Et ça m'affolait, cette chose qui la rongeait et la faisait passer du rire aux larmes. Ça me gênait, ça me faisait honte. Alors je préférais me dire qu'elle était égoiste, irresponsable, menteuse, immature, lunatique, une mauvaise mère. malsaine et peut-être dangereuse. C'était plus facile que d'admettre qu'elle était folle. Oui: folle. j'ai souvent pensé que Paul était survenu comme une bouée de sauvetage, un moyen d'échapper à la démence d'Azaé. Que je m'étais mariée pour la fuir et me mettre à couvert.»