Mission encre noire Tome 21 Chapitre 261 (Sainte-Famille) de Mathieu Blais paru en 2017 aux éditions Leméac. Une histoire sans fusil ou presque. Dans la ville de Sainte-Famille, le gaz-bar vient de se faire braquer, Thomas contemple cela d'un oeil morne, il vient se faire virer de la bibliothèque. Même s'il boit sur son lieu de travail et reluque sous les jupes des filles ce n'est pas une raison. Alors il boit pour oublier qu'il est un sans nom, le nouveau chômeur, l'oublié. Pis, bien chaud, c'est Maggie qui dérouille, jusqu'à ce qu'elle dise oui, jusqu'à ce qu'elle se taise. Justin, lui, il se tait, pour un temps seulement. Il vit, il grogne, comme sa mère qui renifle, entre parenthèse. Mathieu Blais nous offre une pépite noire, un magistral portrait de famille dysfonctionnelle. Il choisit de regarder droit dans l'oeil du désastre de la violence conjugale. C'est assez troublant, l'horreur marque une rupture dans la vie, et Mathieu Blais écris de cette rupture. Il est notre invité, ce soir, à Mission encre noire.
Extrait:«Le cri qui jaillit dans la chambre, ce n'est pas le mien, c'est celui que j'ai oublié au Nick bar, c'est celui que je traîne depuis ce matin, c'est celui qui se coince entre le coeur et les tripes, entre le poing et le désir, et mes jeans que je défais rapidement, et la ceinture que je laisse glisser hors des ganses et que j,enroule autour de son cou pour qu'elle se taise enfin, et moi à califourchon sur elle, bandé comme un chien sur sa chienne, elle ne comprend rien -
Rien de rien à rien -»
Ceci n'est pas un paradis de May Telmissany paru en 2017 aux éditions Mémoire d'encrier. May Telmissany est une romancière canadienne d'origine égyptienne. Ses Chroniques nomades, publiées par ailleurs entre 2006 et 2009 pour la revue égyptienne Rose El Youssef, sont traduit, ici, par sa compatriote québécoise Mona Latif-Ghattas. May Telmissany parle de nomadisme, d'écritures plurielles, multiculturelles, pluri-colorées. Ses textes sont d'une diversité et d'une richesse étonnantes, qu'ils soient écrit d'Ottawa, de Montréal, du Caire ou de Saint-Armand au Québec, l'endroit nous parle, la vie suggère l'humeur. Le texte vit, le texte respire. Que l'on parle de sport, de religion, de politique, de banc de neige, May Telmissany ouvre une brèche dans les murailles du paradis. Vous êtes sans doute la lectrice, le lecteur qu'elle attendait. D'une fraîcheur piquante, il se peut bien, tel un génie farceur, que l'auteure vous éveille à l'esprit nomade et ce n'est pas l'aube d'un drôle de printemps égyptien qui l'arrêtera.
Extrait:«Trois ans sans revenir en Égypte autrement que pour une petite semaine. Je me souviens de mon dernier long séjour en 2005 et mon appréhension grandit à l'approche du voyage. À la nostalgie se mêle la peur. Avant mon départ, je reçois la visite d'un ami rentré récemment d'Égypte. Comme tous les émigrés, je suis à l'affût des nouvelles. Je donne libre cours à l'imagination pour combler le vide que laissent ses mots obscurs et ses perceptions personnelles où abondent la crainte et la méfiance. Le pays est en ruines, dit mon ami. Le pays s'effondre et les gens assistent impuissants à son anéantissement. Je ressens comme un saignement entre la gorge et l'estomac.»
Le corps noir de Jean-Claude Charles paru en 2017 aux éditions Mémoire d'encrier. La maison d'édition québécoise réédite l'ensemble de l'oeuvre de l'immense écrivain d'origine haitienne, Jean-Claude Charles. Surnommé, un temps, le fakir et dandy de Harlem, l'auteur, a erré entre l'Europe, le mexique et les États-Unis. Dans cet essai qualifié de «rageur sur le racisme», il se propose de s'attaquer aux fondements même d'une pure invention de l'esprit: Le corps noir. Jean-Claude Charles choisit des angles inédits, à travers des extraits de textes originaux, des articles de journaux, des illustrations et autres iconographies, pour mieux confondre la duperie de la main du créateur. Ironie, humour décapant, le texte est avant tout une profonde réflexion argumentée et fragmentée visant à dépoussiérer les esprits tapageurs. Stupéfiant! Brillant! Les 170 pages de ce livre sont indispensables pour re-découvrir la pensée du chantre de l'enracinerrance décédé à Paris en 2008.
Extrait:«S'il est noir, c'est qu'il est sale. Quel fabricant de lessive commanditerait un message publicitaire vantant les mérites de sa marchandise avec une ménagère noire?N'importe lequel. Il suffit qu'une cible existe: une communauté noire d'acheteurs, Mais l'espace de la métaphore hygiénique sera interdit au corps noir. Imaginez le chevalier Ajax à l'image du diable, all black. Non-sens symbolique.»