Mission encre noire Tome 19 Chapitre 246 Cadavre expo paru en 2017 aux éditions du Seuil de Hassan Blasim est le premier livre traduit en français de l'auteur. Né à Bagdad en 1973, il vit aujourd'hui en Finlande depuis 2004. Déchiré par la guerre et la terreur, l'écrivain compose un recueil de quinze nouvelles, qui témoigne du voile de noirceur sans fond qui s'est abattu sur son pays d'origine. L'Irak est tombé dans un grand trou, son humanité avec, à l'image d'un personnage, condamné à vivre piégé et à se nourrir sur le cadavre de son prédecesseur en attendant la prochaine victime. Dans tout ce carnaval des horreurs rien ne vous sera épargné. Aucune apologie du cannibalisme ici, même s'il s'avère que les morsures des hommes peuvent nous condamner à une triste fin. Hassan Blasim, en digne sorcier/sourcier insuffle de la vie dans toute cette inhumanité. Cette mélopée rêche qui saura se lover, sinueuse et obsédante, au bord de votre lecture, est cette «part diabolique (...) notre capacité à tenir tête à un homme qui voudrait précipiter sa propre humanité dans l'abîme».
Extrait:«Un jour, il m'a déclaré ceci: «Le sang versé et la superstition sont les fondements de notre monde. L'homme n'est pas le seul à tuer pour sa subsistance, pour l'amour ou pour le pouvoir. Les animaux de la jungle le font aussi de mille manières. En revanche, il est le seul à pouvoir tuer au nom de ses croyances.» Comme souvent, il concluait son laïus par une grande phrase qu'il prononçait en levant l'index vers le ciel, pour donner une note théâtrale:«Entretenir la terreur est la seule réponse possible au problème de l'humanité.»»
Révolution de Sébastien Gendron paru en 2017 aux éditions Albin Michel. C'est le soir du grand soir pour George Berchanko et Pandora Guaperal. Face à elle, à la sortie du tunnel, le premier véhicule approche alors qu'elle se tient, corps dressé au milieu d'un pont routier sur la route des vacances, un Glock 23 posé sur la tempe, chien relevé, index sur la queue de détente. La révolution sera féminine ou rien ! Follement amoureux, le couple improbable, décide que c'est assez ! Assez, les vexations quotidiennes, assez la France qui ronfle ! Un flingue ! Une idée ! Et envoye la révolution ! Dialogues hilarants, une écriture qui va vite et transfuse une bonne dose d'adrénaline en ces temps troubles et mous, Sébastien Gendron maîtrise parfaitement son récit. Trempée dans le meilleur esprit contestataire qui soit, aiguisée comme un couteau, la plume de l'auteur de l'excellent Road tripes est un dérapage contrôlé pour un livre excitant et malcommode. Révolution mon amour ?
Extrait:«Quentin raccroche, rentre au galop dans le studio, passe derrière son ordinateur, réduit et déplace la fenêtre sur laquelle Vanishing Point est gelé depuis cinq minutes, ouvre son navigateur et tape: «Autoroute A53 + femme + flingue + révolution». Le moteur de recherche affiche aussitôt une vidéo relayée par une pléiade de réseaux sociaux. Il clique sur le lien. Cent cinquante-neuf mille vues. Il clique sur la vidéo. On voit cette femme, le visage en sang qui gueule: «Je ne bougerai pas d'ici tant que les gens n'auront pas commencé la révolution! Oui, vous, les gens...».
Transcolorado de Catherine Gucher paru en 2017 aux éditions Gaia. Le Transcolorado est un vieux bus qui sillonne l'état du Colorado d'est en ouest. Il circule au milieu de nulle-part, exactement là ou parfois l'attend cette fille un peu cabossée par la vie. C'est dans ce seul engin à parcourir la route 55 au sud-ouest de Denver, qu'elle va croiser, Tommy, ce type qui marche comme un apache. Lui et sa large cicatrice sur la joue gauche gratte des tickets de la chance et boit des cafés-wiskys, tôt le matin avec elle. Lui, il rêve de sapins Douglas. Elle, elle aime s'occuper des bêtes, un Appaloosa peuple ses songes. Transcolorado c'est la route, ce sont les grands espaces, le silence brutal en écho, des plaines immenses en sursis. Sous tout ce ciel bleu tragique, la voix de Catherine Gucher est riche et généreuse. Un premier roman qui vous brinquebalera sur des chemins rugueux et pas moyen de s'échapper par un bout ou un autre de l'horizon.
Extrait:«C'est sûrement à cause de la nuit précédente si tourmentée, et aussi de l'éther que j'avais ingurgité, que j'ai dormi si longtemps. Quand j'ai soulevé la carriole pour voir la couleur du ciel, le vent était tombé. Il ne restait de la pluie que les mares de boue où je pataugeais. À ce moment-là, j'ai vraiment souhaité le soleil et un torchon de ciel bleu. Les arbres tout autour s'étaient pliés sous les coups de boutoir du vent. J'ai sorti la carriole de l'ornière et nous nous sommes mis en route. Le pire n'était pas encore derrière.»
Moebius 153 est arrivé en librairie ! Son thème: Ses plaisirs n'ont pas de remède, et ses joies restent sans espoir. C'est une phrase tirée de Albert Camus, «L'été à Alger», Noces, paris, Gallimard, 1959, p.34. À vous de découvrir les inspirations d'une formidable brochette d'écrivain.e.s d'ici, au Québec. Gaza, Bob Dylan, la Place rouge, de la relish et des amours industriels et bien d'autres au menu, un must à lire au rayon magazines culturels !
Extrait:«Tu rôdes dans ma bouche/comme un rescapé de l'histoire/je m'assois en indien pour te flatter/la perestroïka a le charme discret/des Mohawks en colère dans la télévision.» Dominic Marcil, Depuis la place Rouge, Moebius 153.