Mission encre noire Tome 23 Chapitre 285 Front criminel, Une histoire du polar américain de 1919 à nos jours de Benoît Tadié paru en 2018 aux éditions PUF. Le polar est un genre majeur de la littérature aujourd'hui. Un livre sur quatre est un polar. Le genre s'est très vite popularisé aux États-unis, en réaction à l'avènement d'une société industrielle qui édifie sa fortune sur un état d'esprit très éloigné de ses pères fondateurs.  Le polar c'est le «soleil noir» qui se lève sur ce monde. Benoît Tadié s'immerge dans cet univers de violence sociale pour nous raconter son histoire du polar américain. L'ouvrage regorge de références inédites, d'écrivain-e-s à redécouvrir, l'auteur nous ouvre la voie vers les arcanes d'une littérature subversive et innovatrice. Dashiell Hammett, Chester Himes, Raymond Chandler, Jim Thompson êtes-vous là ? Nous recevons Benoît Tadié à Mission encre noire pour faire tourner les tables et parler aux fantômes légendaires du polar américain.
Extrait: «Ce qui se perd dans ce jeu de métamorphoses, c'est l'essence de l'individu et des choses, leur identité, leur intégrité, dans un univers où l'apparence prend le pas sur l'essence, où le character disparaît au profit d'une personality interchangeable, qu'on peut acheter ou fabriquer de toutes pièces. Le discours intérieur de Philip Marlowe, qui déconstruit la machine à falsifier de Hollywood, est lui-même une manifestation de ce character: sa résistance à une civilisation mensongère est le vrai sujet des récits de Chandler.»
La mort du petit coeur de Daniel Woodrell paru en 2018 aux éditions Rivages/Noir. Pour reprendre la classification de Benoît Tadié, ce roman culte américain, republié chez Rivages, est à classer entre le Tobacco road façon Erskin Caldwell et la chronique noire de James Ellroy. La violence sociale qui s'exprime dans ce Missouri rural est l'image d'une Amérique abîmée dans ses rêves de grandeur. Shug traverse son adolescence sur un fil. Son père/beau-père, Red Akins est un truand à la petite semaine. Il sort de prison. Avec Basil Powney, les deux lascars parachèvent l'éducation de Shuggy à force de braquages minables pour trouver de la drogue ou de l'alcool. ce n'est pas la famille improbable Akins qui y changera grand-chose. Sa mère le pourra-t-elle, l'envoûtante Glenda ? Personnage fantastique et symbolique de cette Amérique déchue, le couple Glenda/Shuggy incarne le crépuscule de la famille idéale américaine. Le rêve américain est mort, le saviez-vous ? oserez-vous y croire ? Attention, Denis Lehane vous aura prévenu: « Je ne connais personne qui ait lu ce roman et qui n'ait été saisi et transformé par lui.»
Extrait: «Nous n'avons jamais eu peur, Glenda et moi, de vivre à proximité du champ des morts de notre bourgade, vu que nous ne leur avons jamais fait de crasses. C'était l'idée générale, tout du moins. Et Glenda l,a ressassée je ne sais combien de fois, aussi loin que je me rappelle. Elle le répétait particulièrement fréquemment quand j'étais petit, à l'heure où j'allais me coucher: « Ils sont tous sous terre, chéri, et ils n'ont rien contre toi.» Toutes nos fenêtres, y compris celle qui se trouvait près de mon lit, donnaient sur ces tombes. Il me semble que toutes les aubes et tous les crépuscules que j'ai passé à les contempler depuis cette fenêtre me poussaient de plus en plus à la solitude et à la malfaisance. Il y avait aussi des chênes majestueux et des pins sentinelles dans ce cimetière, et des écureuils cavalaient librement au milieu des trépassés, mais ce sont ces funèbres rangées de tombes qui impriment le plus durablement leur marque dans votre mémoire. C'est très exactement ce qu'on voit en les regardant: les morts d'hier et d'avant hier, les morts d'aujourd'hui, et tous ceux qui sont morts dans l'intervalle.»
Quand se lève le brouillard rouge de Robin Cook paru en 2018 aux éditions Rivages/Noir. Cette fois-ci nous sommes en Angleterre, avec Robin Cook, le plus francophile des écrivains britanniques qui nous a quitté en 1994. Quand se lève le brouillard rouge est son ultime roman, republié aux éditions Rivages. Gust sort de prison. Pour tenter de se refaire la cerise rapidement, il accepte un dernier casse: mettre la main sur deux mille passeports britanniques qui valent son pesant d'or sur le marché noir. Alors que les cadavres s'empilent autour de lui, Gust voit son destin se lier, avec celui d'ex-agents du KGB, de la pègre londonienne, de son ex-amoureuse Petal, les services secret britanniques ou d'un étrange policier, qu'il a, pour fâcheuse habitude de rencontrer dans des bars mal famés. Oubliez l'internet ou le cellulaire dans ce Londres des années 90! Robin Cook n'a pas son pareil pour décrire la descente aux enfers d'un homme, qui y vit déjà. Même si la saleté des bas fonds de la capitale vous rebute, sachez que l'auteur rive son clou à une société Thatcherienne qu'il déteste. Gust lance son avis de défaite cinglant: Je suis cette Angleterre, c'est moi. Et ça fait mal. Robin Cook un écrivain à lire d'urgence.
Extrait: «Gust sortit dans l'après-midi ; il pleuvait à verse. Les rares SDF de Frith Street restaient accroupis sous les entrées d'immeubles, le plus loin possible de la rue, immobiles sous leurs couvertures, leurs sacs en plastique près de leurs genoux, le regard fixé sur une autre planète ; des cadres pressés pataugeaient à la recherche d'un taxi, le Standard sur la tête. mais Gust ne faisait pas attention à la pluie. Il avait besoin de réfléchir, et cela lui était plus facile à l'extérieur que dans l'appartement, où tout lui rappelait Petal. Elle incarnait un certain aspect de la situation où il se trouvait ; mais il y avait un autre aspect - Manny, Sladen - qu'il ne parvenait pas à cerner. S'il voulait s'en sortir indemne, il allait devoir comprendre ce qui lui arrivait, et surtout ne pas se tromper dans ses conclusions.»