Mission encre noire Tome 24 Chapitre 295 La toile du monde de Antonin Varenne paru en 2018 aux éditions Albin Michel. C'est à bord du Paquebot français le Touraine que vous embarquez à la suite de mille autres passagers à destination de Paris en l'an 1900. Aileen Bowman, digne héritière de la trilogie d'Antonin Varenne, inaugurée par Trois mille chevaux-vapeur et Équateur, regarde les hommes descendre les valises, les enfants, coller leur nez morveux aux vitres et les femmes rajuster leur tenue ; l'exposition universelle de 1900 leur tend les bras. La jeune femme de trente cinq ans est envoyée spéciale outre-atlantique pour le quotidien américain New-York Tribune. Elle, qui porte des pantalons, comme un homme dans un ranch du Nevada, se présente au siège du premier journal féministe de l'histoire, La fronde. Aileen y publie un premier papier vitriolique, qui confond la bonne société patriarcale, sous pseudonyme: la ville de Paris, une femme libre ou une catin qui serait à vendre. La capitale française se baigne de lumière, la première ligne du Métropolitain s'achève, la Tour Eiffel à un an, Rudolf Diesel expose son moteur fonctionnant à l'huile d'arachide. Alors que dans les glaises instables sont plantés des pieux immenses, déposés des blocs de béton, c'est le sol qui menace de se dérober sous les pieds de la jeune journaliste lorsque l'amour, la mort et le passé la rattrape soudainement. Antonin Varenne collectionne les machine à écrire d'époque, le saviez-vous ? Il est notre invité à Mission encre noire.
Extrait: «À l'inverse, les Français avaient sous les pieds tant de passé qu'ils n'en connaissaient probablement presque rien. c'était l'écho de catacombes oubliées qui faisait résonner le granit des rues. Trop courtes ou trop longues, les frises chronologiques ont pour conséquences des mémoires incomplètes. La maîtrise du temps - l'instruction - est aux mains des puissants. les peuples, occupés à survivre, n'en possèdent pas assez pour le capitaliser, le faire jouer en leur faveur. Ils empilent seulement les pierres des bâtiments qui leur survivront.»
Une maison dans les arbres de Julia Glass traduit par Josette Chicheportiche, paru en 2018 aux éditions Gallmeister collection Americana. Tomasina Daulair déambule dans la maison du Connecticut du célèbre auteur de livres pour enfants Morty Lear, mort dans un banal accident domestique. Elle est chargé de gérer son héritage artistique. Un homme, avec qui, elle a partagé trente ans de vie commune depuis leur première rencontre fortuite, avec son frère, dans un jardin pour enfant. Devenu son assistante, sa confidente, elle sait tout de lui, ou pensait-elle le savoir ? Jusqu'à l'irruption dans sa vie, de Nicholas Greene, un acteur britannique primé aux oscars, qui doit incarner Morty à l'écran. Un voile sombre se lève sur la vie de l'artiste. Julia Glass s'est inspiré de la figure légendaire de Maurice Sendak, l'auteur de Max et les Maximonstres. Lauréate du National Book Award avec Jours de juin, tous les livres de l'autrice sont des best sellers aux États-Unis.
Extrait: «L'année de sa seconde, alors qu'elle travaillait après l'école à la bibliothèque où elle rangeait les livres, elle monta un club qu'elle appela Pièces pour Non-Acteurs où les élèves qui ne voulaient pas faire partie de la bande de théatreux pouvaient lire des pièces à voix haute. Mort Lear lui était alors complètement sorti de l'esprit - jusqu'au jour où elle vit, dans le métro, un après-midi, une petite fille serrant dans ses bras une poupée de chiffon dont le visage ressemblait à celui d'Ivo. Tommy se déplaça pour la voir de plus près. Elle avait l'impression que la poupée la regardait du fond du wagon bruyant. Elle pensa: Mon frère est devenu un dessin puis un livre et maintenant une poupée.»
Cartographie de l'amour décolonial de Leanne Betasamosake Simpson traduit par Natasha Kanapé Fontaine et d'Arianne Des Rochers paru en 2018 aux éditions Mémoire d'encrier. Est-il possible d'aimer cette partie de nous-même qui a été brisé par le pouvoir colonial quand on la retrouve chez quelqu'un d'autre?, titre Junot Diaz en exergue de ce récit. Leanne Betasamosake Simpson laisse défiler librement la parole dans une trentaine d'histoires qui disent les liens qui entravent, qui empêchent, qui restreignent, qui blessent la nation Nishnaabeg. La cartographie serait plutôt une cosmogonie, un ensemble d'étoiles qui tente d'échapper à cette science de l'enfermement géographique, politique et social causé par le colonialisme et le racisme. L'autrice nous raconte, se laisse porter par les canots, les rivières, les stationnements de centre d'achat miteux, parmi les conifères du nord, pour témoigner. L'avenir se trouve ailleurs, en dehors des cartes à l'extérieur de l'espace temps colonial. Cet ouvrage ne cache pas la plaie ouverte par le passé. Il n'est pas pour autant question d'y rester piégé. Affirmer son identité, affirmer sa puissance et ses espoirs neufs sont au coeur d'un récit indispensable.
Extrait: «Il y a une vieille histoire nishnaabe, qui remonte à la nuit des temps, selon laquelle sept grands-parents qui vivaient dans le ciel avaient séparé un petit garçon de ses parents pour lui enseigner les valeurs et les coutumes que les peuples de la terre avaient oubliées. Ils lui ont enseigné des histoires, des chansons et des cérémonies avant de le renvoyer sur terre afin qu'il puisse partager ces valeurs et coutumes avec son peuple. Je n'ai jamais vraiment aimé cette histoire, parce que ça me brise le coeur quand le petit garçon est séparé de ses parents, et j'écoute le reste de l'histoire avec une appréhension nerveuse, perdue dans toute la solitude que ce garçon a dû ressentir, perdue dans un monde où il a toujours été le seul.»