L’Asie du Sud-Est est une région du monde connue pour sa sévérité en matière de pénalisation de la consommation et du trafic de drogue. Mais l’année 2022 est pleine de surprises, avec une légalisation du cannabis en Thaïlande, des débats en cours en Indonésie et en Malaisie pour autoriser le CBD ou le cannabis thérapeutique, des démarches juridiques en Malaisie pour renoncer à la peine de mort obligatoire pour les trafiquants de drogue... Au beau milieu de cette vague progressiste, un pays persiste dans sa vision draconienne : Singapour, où rien que cette semaine, quatre hommes doivent être pendus pour trafic de drogue.
De notre correspondante en Malaisie,
Il est un homme en Malaisie qui scrute de très près le débat autour du cannabis dans son pays. Yasin Sulaiman était un célèbre chanteur, connu notamment pour avoir osé parlé de ses problèmes de santé mentale. Il est aujourd’hui derrière les barreaux pour possession de marijuana. Son avocat Yusmadi Yusoff est déjà parvenu à lui faire éviter la peine de mort, mais il ne compte pas s’arrêter là avec ce client qu’il considère avant tout comme une personne malade.
« La drogue, c'est un sujet souvent tabou, négatif, d’autant plus dans une société conservatrice comme ici, mais aujourd’hui Yasin est plutôt perçu comme une victime. Les gens ont suivi son parcours, l’ont vu tâcher de rester positif malgré ses problèmes mentaux, et beaucoup se disent aujourd’hui 'il faut l’aider', » explique l'avocat, « et dans les faits par exemple, on a vu que la cagnotte pour l’aider à payer ses frais juridiques a été très rapide, et à chaque fois que j’ai déjà dû le défendre au tribunal, des gens d’horizons idéologiques très différents sont venus le soutenir. Donc, je me dis que je ne peux pas seulement défendre ce cas sur le plan légal, je dois aller plus loin, le considérer comme une affaire qui parle de droits de l’homme, et encore plus loin, en tâchant peut-être d’influer un changement dans les régulations, et si j’y arrive, même, à faire changer la loi. »
Changer la loi, c’est justement ce qui est advenu en Thaïlande voisine, où il est désormais possible de cultiver, vendre et consommer dans des produits alimentaires le cannabis. Un revirement assez soudain dans ce pays qui a vu par le passé les autorités déclarer des guerres très brutales contre les drogues, mais qui a également, dans sa culture, toujours connu le cannabis, rappelle Gloria Lai, directrice Asie de l’International Drug Policy Consortium.
« Aujourd’hui, on ne parle pas de drogue en général, mais de cannabis, et beaucoup de gens sont prêts à faire une exception pour le cannabis qu’ils ne feraient pas, par exemple, pour d’autres drogues qui restent illégales comme la méthamphétamine », affirme Gloria Lai, « car en fait, le cannabis ici, beaucoup de communautés le connaissent bien, pas seulement en Thaïlande, mais aussi en Malaisie, en Indonésie... C’était utilisé traditionnellement comme un médicament, et en Thaïlande, beaucoup de personnes vous disent que dans leur enfance, leur grand-mère préparaient des soupes de nouilles au poulet aromatisé aux feuilles de cannabis. »
Des soupes auxquelles ne devront pas goûter les Singapouriens en vacances sur les plages thaïlandaises. Les autorités de Singapour, qui ont planifié la pendaison de dix hommes condamnés pour trafic de drogue en trois mois, ont averti leurs citoyens : des tests d’urine peuvent être pratiqués pour les voyageurs rentrant de l’étranger afin de vérifier qu’ils n’aient pas pris de drogues.