La chance quand on est réalisatrice de films documentaires c’est que vos travaux suscitent des débats. Alors on vous invite. Pour une soirée, une matinée. A une rencontre avec le public. C’est l’une des choses que je préfère. Ces moments d’échange, quand la lumière se rallume et que les spectateurs plissent un peu les yeux. Certains s’étirent, d’autres se redressent. Comme sortant d’un sommeil avec ou sans rêves. Je regarde les visages de celles et ceux qui ont vu mon film. Je me présente à eux. Ils me regardent aussi. Il y a toujours un petit temps silencieux et très doux avant que le champ de la parole ne s’ouvre. Et puis vient le débat. Les pours, les contres, les acquis, les sur-le-choc. Certains posent des questions, d’autres témoignent. Le temps s’étire parfois tard dans des échanges politiques ou intimes. Je me souviens d’un débat dans une salle de Toulouse. Un monsieur au fond de la salle, à l’écart de tous. Une barbe immense, de longs cheveux, quatre sacs plastiques posés à ses pied. Un SDF qui venait régulièrement grâce aux tickets suspendus et ne parlait jamais à personne, m’avait confié la responsable de la salle. A la fin du débat, il s’était approché de moi et m’avait glissé deux phrases. Deux remarques sur mon film. D’une pertinence extrême. Qui m’avaient donné à réfléchir longuement.

Je réalise des documentaires depuis près de 20 ans. J’ai donc eu l’honneur d’être invitée plusieurs fois dans les cinémas du réseau Utopia. Mais aussi dans des multiplexes immenses et flambant neufs. Je me rends toujours partout avec plaisir. J’ai juste un problème avec les multiplexes immenses et flambant neufs. Non, en fait, deux. Le premier,... Lire Pour un cinéma durable et des rencontres d’une nuit (par Anna Pitoun)