Révélé dans l’émission culte Groland par son personnage de journaliste débraillé et alcoolique, Gustave Kerven s’est tourné, depuis 2004, vers la réalisation avec un rythme plutôt intense d’un film tous les deux ans. Des productions souvent considérées comme des ovnis dans le paysage cinématographique français. Aussi, il n’y avait pas de raison pour que le téléfilm Je ne me laisserai plus faire, réalisé pour Arte change ces (bonnes) habitudes. Et de notre côté, on fait une entorse aux séries pour vous parler de cet unitaire décalé. Revenge movie qui se place du côté des plus faibles, cette œuvre originale spécialement pensée pour la télévision raconte les aventures rocambolesques d’Emilie, une septuagénaire sur le point de se faire expulser de son Ehpad suite au décès de son fils, et de Linda, une jeune femme de ménage et sa seule vraie amie, embarquant dans un road-trip destiné à faire payer les personnes qui les ont fait souffrir.
https://www.youtube.com/watch?v=kvWQW9gFR8UJe ne me laisserai plus faire… mais je rirai beaucoup !
Récompensé au festival de la fiction 2024 de La Rochelle comme meilleure réalisation, Je ne me laisserai plus faire est un téléfilm difficilement classable. Comédie ? De toute évidence, grâce à ses dialogues hilarants, faits de banalités volontairement affligeantes, mais que l’on entend encore bien trop souvent, à ses situations ubuesques ou encore à ses personnages profondément drôles. Yolande Moreau, par ailleurs souvent castée dans les films de Kerven, et Laure Calamy forment un duo de vengeresses au grand cœur, drôles et plutôt créatives dans les moyens de rééquilibrer la balance. Tout au long de leurs aventures, elles vont rencontrer des personnages haut en couleur incarnés par un casting renversant. De Jonathan Cohen, George, mais que tout le monde appelle Tony, un repris de justice assoiffé par l’argent, à Marie Gillain, interprète de la belle-fille d’Emilie enceinte de Tony, qui n’hésite pas à annoncer sa grossesse lors des funérailles de son mari, en passant par Alison Wheeler, qui prête ses traits à la directrice d’Ehpad qui pense « sentir » les choses, tout le monde sert avec talent un texte brillant écrit par Gustave Kerven.
Peut-on classer Je ne me laisserai plus faire comme une fable ? Certainement, avec une morale très humaine : il n’est jamais trop tard pour redresser des torts ! Une leçon qu’apprennent les deux inspecteurs de police, chargés de rattraper les deux héroïnes. Joués par Anna Mouglalis et Raphaël Quenard (toujours très juste), ils ont eux-mêmes été victimes de gestes déplacés dans leur jeunesse et, galvanisés par la quête pas si cocasse finalement d’Émilie et de Linda, vont leur emboîter leur pas, en initiant, eux aussi leur vengeance personnelle. Ainsi, Je ne me laisserai plus faire délaisse quelque peu la comédie pour prendre un tournant moins léger. Comédie, fable, drame : le téléfilm se tient au bord de chacun de ces genres, flirte intelligemment avec chacun d’eux pour finalement nous offrir un produit éclectique, maîtrisé et particulièrement réussi. Un téléfilm qui ne rentre dans aucune case à regarder sans modération !
[bs_movie url="je-ne-me-laisserai-plus-faire"]
Je ne me laisserai plus faire est à retrouver dès le 22 novembre sur Arte.tv et la semaine d’après, le 29 novembre, sur Arte à 20h55.