C dans l'air du 29 janvier : Agriculteurs : peuvent-ils assiéger Paris ?

Un lundi de blocage. Les Jeunes agriculteurs d'Île-de-France et la section locale de la FNSEA ont appelé "au siège de Paris" à partir de ce lundi 29 février, près de deux semaines après le début de la mobilisation du monde agricole. La colère ne retombe pas et les manifestants jugent très insuffisantes les dix mesures annoncées par Gabriel Attal vendredi dernier. Plusieurs centaines de tracteurs ont commencé à converger vers la capitale. Des agriculteurs en route des quatre coins du pays pour rejoindre les huit points de blocage prévus sur les autoroutes qui mènent à Paris. Un siège parti pour tenir alors que les actions se poursuivent également en province autour des grandes surfaces mais aussi sur les routes et autoroutes. L’objectif est clair pour les agriculteurs : se faire entendre et maintenir la pression sur l’exécutif.

Le gouvernement de Gabriel Attal, de son côté, promet l’annonce de nouvelles mesures dès ce mardi. En attendant, 15 000 policiers et gendarmes ont été mobilisés ainsi que des blindés positionnés autour de Rungis. Des consignes de "grande modération" ont néanmoins été données aux forces de l’ordre a répété dimanche soir le ministre de l’Intérieur. La consigne globale est de «ne pas intervenir mais accompagner" les mobilisations a précisé Gérald Darmanin qui a fixé une ligne rouge : l’entrée dans "Paris et dans les grandes villes".

Une stratégie du maintien de l’ordre qui suscite depuis plusieurs jours de nombreuses réactions alors que le mouvement gagne en importance et que les actions coups de poing se multiplient : incendies devant les préfectures, intrusions dans les hypermarchés et dans des centrales logistiques, un bâtiment en travaux appartenant au ministère de la Transition écologique soufflé par une explosion à Carcassonne, un autre de la Mutualité sociale agricole incendié à Narbonne....

"La stratégie du maintien de l'ordre n'est pas la même quand il s'agit des agriculteurs que lorsqu'il s'agit des ouvriers, des employés, des jeunes et des gilets jaunes". "Il faut arrêter ce deux poids deux mesures", a déclaré la CGT. Une opinion partagée par les autres organisations syndicales mais aussi par des militants et des écologistes qui rappellent que même pour les actions symboliques la sanction est sévère. Le 6 novembre dernier, sept activistes de Greenpeace ont été interpellés, placés en garde à vue durant quarante-huit heures après avoir accroché une banderole sur la façade du ministère de l’Écologie pour dénoncer la "trahison écologique" du gouvernement. Et ce week-end, deux jeunes femmes de "Riposte alimentaire" ont été interpellées et placées en garde à vue après avoir jeté de la soupe sur la vitre blindée protégeant la Joconde au Louvre pour faire entendre leur revendication : "la mise en place d'une sécurité sociale de l'alimentation durable".

"C’est quand même étonnant de voir que, dans notre pays, quand on défend l’intérêt général, on est immédiatement sanctionné et quand on défend des intérêts corporatistes – qui sont légitimes aujourd’hui – on n’a pas les mêmes réponses que la FNSEA", a estimé la semaine dernière Yannick Jadot, sénateur écologiste. "On aimerait bénéficier de la même indulgence et pouvoir exprimer notre colère sans se prendre des coups de matraque, sans être gazés et sans finir en procès", a dit, de son côté, le porte-parole d’Attac.

Alors pourquoi l’exécutif laisse-t-il faire les agriculteurs ? Quelles sont les revendications du monde agricole ? Se dirige-t-on vers une paralysie de Paris ? Le mouvement peut-il s'étendre à d'autres professions et/ou pays ? A l’heure où le mouvement des agriculteurs se durcit, la mobilisation gagne également nos voisins européens. En Belgique, des premiers blocages ont lieu à la frontière avec la France. Parallèlement, des opérations escargot des taxis ont été menées dans plusieurs grandes villes ce lundi.

LES EXPERTS :

- DOMINIQUE SEUX - Directeur délégué de la rédaction - Les Echos
- EMMANUELLE SOUFFI - Grand reporter au service France - L’Obs
- NATHALIE SEGAUNES - Journaliste politique - Le Monde
- JÉRÔME FOURQUET - Directeur département Opinion - Institut de sondages IFOP