C dans l'air du 27 janvier 2024 - Attal a-t-il convaincu ?

C'était un symbole du mouvement des agriculteurs. Le barrage de l'A64 à Carbonne a été levé ce matin. Les agriculteurs locaux estiment que les annonces de Gabriel Attal hier soir ont répondu à leurs inquiétudes : suppression de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR), "choc de simplification" avec "dix mesures de simplification immédiates" pour les agriculteurs, aides d'urgence pour les éleveurs dont les bêtes ont été touchées par la maladie hémorragique épizootique (MHE), etc. Le Premier ministre, qui s'était déplacé en Haute-Garonne pour l'occasion, en a profité pour s'afficher aux côtés de l'agriculteur Jérôme Bayle, l'un des leaders de cette contestation. Mais le répits ne dure qu'un temps. Les Jeunes Agriculteurs et la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) ont déjà prévenu que le mouvement reprendrait lundi avec de nouvelles actions. Prochaine cible ? Paris, ses institutions et son marché de Rungis. Véronique Le Floc’h, la présidente de la Coordination rurale a confié que son syndicat envisageait de bloquer l'accès au plus grand marché de gros du monde.  

Les prochaines semaines s'annoncent donc délicate pour Gabriel Attal et son gouvernement. D'autant que l'extrême droite se tient en embuscade. Samedi dernier, le président du Rassemblement national Jordan Bardella s'était déjà déplacé en Gironde pour rencontrer les agriculteurs en colère. À cinq mois des élections européennes, le parti de Marine Le Pen entend bien récupérer ce mouvement qui dénonce en premier lieu la multiplication des directives européennes, le "Pacte vert" ou le détournement de la Politique agricole commune (PAC). Marion Maréchal, la candidate Reconquête ! aux élections européennes et nièce de Marine Le Pen, a même fait le déplacement à Bruxelles avec des agriculteurs de la Coordination rurale mercredi dernier. Pour elle, le "Pacte vert" n'est qu'un "tsunami réglementaire qui va s’abattre sur l’agriculture française". Sur le terrain, certains agriculteurs qui ne parlaient pas aux candidats d'extrême droite ces dernières années ont depuis changé d'avis, estimant que ce sont les seuls qui les écoutent. Selon le dernier sondage réalisé par OpinionWay-Vae Solis pour Les Échos, le RN est crédité de 27% d'intentions de vote en juin prochain, contre 20% pour la majorité présidentielle et loin devant le Parti socialiste (10%) ou Les Républicains (8%).  

Il faut dire que l'année démarre très mal pour le parti d'Emmanuel Macron. Bousculé de toute part sur son projet de loi immigration, dont un tiers des mesures ont été retoquées par le Conseil constitutionnel, le gouvernement ne parvient pas à se dépêtrer de l'affaire Amélie Oudéa-Castéra. Ou plutôt des affaires. Après la polémique sur le "paquet d'heures" non remplacées dans l'école maternelle d'un de ses fils, depuis démentie par l'établissement, la presse a révélé plusieurs scandales, notamment le contournement du système Parcoursup dont a bénéficié son fils aîné à Stanislas. Depuis, c'est sa rémunération astronomique, lorsqu'elle était à la tête de la Fédération française de tennis (FFT) en 2021, soit 35 000 euros net par mois, qui a fait les choux gras de la presse. Pour l'instant, la ministre de l'Éducation nationale et des Sports a encore le soutien du Président. Mais jusqu'à quand ? À l'Élysée, on s'inquiète de ces fausses notes à répétition à cinq mois des élections européennes. Pour les syndicats d'enseignants qui redoutaient déjà d'avoir "une ministre à mi-temps", la coupe est pleine : "On ne peut pas avoir confiance dans une ministre qui s’empêtre dans des justifications qui ne sont que mensonges", a résumé Benoît Teste, secrétaire général de la FSU. Certains ont déjà appelé à des grèves le 1er février.

Le mouvement des agriculteurs peut-il encore se durcir après les annonces de Gabriel Attal ? Le Rassemblement national va-t-il convertir cette colère dans les urnes aux européennes ? Et comment le gouvernement va-t-il gérer le dossier Oudéa-Castéra ?

NOS EXPERTS :

- Gilles BORNSTEIN - Éditorialiste politique à France Info TV  
- Alexandra SCHWARTZBROD - Directrice adjointe de la rédaction – Libération
- Anne-Charlène BEZZINA - Maitre de conférences en droit public à l’université de Rouen
- Nicolas BOUZOU - Économiste, directeur fondateur d'Asterès, société d'analyse économique et de conseil