Pendant des années, l'animateur Julien Lepers a présidé aux destinées d'un jeu télévisé très populaire, "Questions pour un champion". Quand une question laissait un candidat sans voix, il lui donnait toujours une réponse très complète.


Le brio et l'assurance de l'animateur ont fini par lui valoir une flatteuse réputation. Les fidèles de l'émission ne pouvaient douter de son intelligence et de l'étendue de sa culture générale.


En fait, ils ne tenaient compte, dans leur appréciation, que de ce que les spécialistes appellent des caractéristiques externes, à savoir, ici, le comportement de l'animateur, et non des facteurs internes, autrement dit des faits propres à chaque situation.


Or, celle qui nous occupe est caractérisée par un fait principal, dont les téléspectateurs n'ont pas assez tenu compte : Julien Lepers tirait l'essentiel de ses réponses des fiches qu'on lui avait remises.


En d'autres termes, les adeptes du jeu étaient victimes d'une "erreur fondamentale d'attribution".


Ce biais psychologique nous conduit, dans la vie quotidienne, à attribuer plus de compétences à certaines personnes, non en raison de faits objectifs, mais du simple fait de leur position particulière.


À cet égard, une expérience très éclairante a été faite, à la fin des années 1970, par un chercheur américain. Deux volontaires devaient jouer, l'un le rôle de l'interrogateur, l'autre celui du candidat.


Le premier devait mettre au point des questions, qu'il poserait au second, devant un public composé d'autres participants. Au terme de cet exercice, les spectateurs devaient évaluer le niveau de culture générale des deux volontaires.


C'est celui de la personne tenant le rôle de l'interrogateur qui a été jugé le plus élevé. On a donc davantage tenu compte de la position de l'examinateur, qui lui donne une supériorité visible sur celui qu'il interroge, que des faits, l'interrogateur connaissant forcément les réponses aux questions qu'il avait lui-même imaginées.


En raisonnant de la sorte, on a tendance à faire des raccourcis. On part ainsi d'un fait isolé, non replacé dans son contexte global, pour qualifier, d'une manière péremptoire, la personne qui en est l'auteur.


Ainsi, le passant qui me bouscule dans la rue est forcément un malappris.



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