Final Fantasy est l’une des plus grandes sagas de l’histoire du jeu vidéo, c’est un fait. Mais saviez-vous que bien avant Kingdom Hearts, Disney et Square se sont croisés pour un projet d’adaptation comme seule la bande dessinée américaine sait en proposer ? Aujourd’hui, on parle du comic book inachevé tiré de Final Fantasy ! 

Si le nom de Final Fantasy parle aujourd’hui à pratiquement tout le monde, ça n’a pas toujours été le cas. Lancée en 1987 au Japon, la licence va mettre un peu de temps pour se faire une place au-delà des frontières du pays du Soleil-Levant. Il faudra en effet attendre 1990 pour que le premier opus, sorti sur Nintendo NES, atteigne le marché américain, tandis qu’en France et en Europe, FFVII, sorti en 1997 sur Playstation, sera le premier épisode officiellement disponible, exception faite du spin-off Mystic Quest, sorti sur Game Boy en 1994. Bien que le premier épisode de la saga ai connu un succès non négligeable au pays de l’Oncle Sam, Final Fantasy II et III ne bénéficieront pas de localisation aux USA, et c’est ainsi que Final Fantasy IV, sorti en 1991 sur Super Famicom au Japon, est renommé Final Fantasy II pour l’arrivée de la cartouche Super Nintendo sur le sol américain la même année. Si vous avez suivi, c’est que vous êtes prêts pour la suite. 

Il n’est pas rare qu’une licence en vogue aux États-Unis, qu’il s’agisse d’un jeu vidéo, d’une ligne de jouets, d’un film, ou d’une série télé, ait droit à son adaptation sur le papier chez un éditeur de comics. Cette tendance est d’autant plus vraie à partir des années 1980, avec l’arrivée dans les rayons des comic shops de titres allant des Maîtres de l’Univers aux Transformers, en passant par Atari Force, G.I. Joe ou Cosmocats. Et il en va de même pour Indiana Jones, Alien, Predator, Robocop, et bien évidemment Star Wars, qui ont tous été convertis en comic book pour une durée plus ou moins longue, aux côtés d’autres franchises plus ou moins plébiscitées par les lecteurs, telles que Biker Mice from Mars, L’Agence Tous Risques, Double Dragon, The Real Ghostbusters, et même Chuck Norris Karate Kommandos… Si la qualité n’est pas toujours au rendez-vous, en démontre l’horrible Street Fighter chez Malibu Comics, c’est parce que, sans grande surprise, la motivation initiale est avant tout mercantile.

En 1990, dans une démarche expansionniste, le groupe Disney Publishing Worldwide lance sa filiale Disney Comics, ayant pour objectif de continuer la publication de titres comme Uncle Scrooge ou Walt Disney’s Comics and Stories ; déjà en cours depuis plusieurs années chez Gladstone Publishing, et avant ça chez Gold Key et Dell Comics ; et de lancer de nouvelles séries. Adepte d’une politique agressive, Disney Comics vise un développement un peu trop optimiste face à la réalité du marché en démultipliant les annonces de nouveaux labels, comme Hollywood Comics, qui aurait dû publier les adaptations en comic book des films produits par Hollywood Pictures, autre filiale de Disney. Mais Len Wein, co-créateur de Swamp Thing et de Wolverine, ne fait pas l’unanimité auprès des fans dans son rôle d’éditeur en chef de Disney Comics, et les ventes décevantes viennent rapidement saper les ambitions du groupe qui espérait pouvoir concurrencer Marvel et DC Comics dans la cour des grands. Ainsi, dès l’année 1991, une bonne partie des titres s’arrête et les projets de développement et autres labels, dont Hollywood Comics, sont abandonnés. Disney Comics disparaît pour de bon en 1993 et les séries survivantes sont de nouveau confiées à Gladstone Publishing. Un seul et unique titre aura été publié par Hollywood Comics : l’adaptation de Arachnophobia, film produit par Steven Spielberg. Mais il aurait pu en être autrement… 

En effet, voilà quelques années, le scénariste Kurt Busiek, célèbre pour son travail sur Marvels avec Alex Ross ou sur le crossover Justice League of America / Avengers avec le regretté George Perez, a révélé qu’il avait œuvré sur un projet pour le moins intriguant pour Hollywood Comics au début des années 1990 : l’adaptation en comic book de Final Fantasy. Pour remettre les choses dans leur contexte : Squaresoft avait pour idée de promouvoir la franchise auprès du public américain en s’appuyant sur une série de comics, et Kurt Busiek, déjà auteur depuis le début des années 1980, fut chargé de son écriture par Disney Comics qui, sans doute à la suite d’un jeu de rachats quelconque, avait obtenu les droits pour publier ladite série. À l’époque, le jeu vidéo est encore loin d’être une activité aussi démocratisée qu'aujourd'hui, de plus, seul le tout premier Final Fantasy est sorti aux États-Unis, et malgré un accueil favorable, il est évident que la popularité de la saga à travers le monde et la sacralisation de son lore ne sont en rien comparables à ce que nous pouvons connaître. 

Busiek commença donc à écrire une histoire prenant place dans l’univers du premier jeu, avant que Square ne demande finalement à l’auteur de totalement revoir sa copie pour placer l’intrigue dans l’univers de FFIV, dont la sortie est prévue au Japon et aux États-Unis pour l’année 1991. Un bon moyen de promouvoir la sortie de ce qui serait Final Fantasy II en Amérique du Nord. Après avoir reçu le maximum d’informations possible de la part de Square sur ce nouvel opus, Busiek se lance, et le scénario qu’il propose semble plaire au développeur nippon. Ce dernier, sûrement peu confiant quant à l’attrait des Américains pour le JRPG, considère que Busiek a les compétences pour rendre leur univers plus accessible aux USA et l’autorise même à “américaniser” le tout en renommant les personnages. La décision paraît douteuse, et presque suicidaire, à l’heure d’une Pop Culture mondialisée, mais elle est plutôt cohérente avec l’état d’esprit de l’époque. 

C’est l’artiste Dell Barras ; d’origine philippine, comme Alfredo Alcala ; fort d’un parcours de dessinateur, d’encreur et d’animateur, qui est choisi pour illustrer la série, tandis que Mike Mignola, qui deviendra mondialement célèbre en créant Hellboy, se chargera des couvertures de ce qui est initialement prévu comme une mini-série de quatre numéros. Mais lorsque Disney Comics frôle la banqueroute et abandonne le label Hollywood Comics, le projet Final Fantasy est mis au placard. Busiek estime qu’il avait sûrement terminé l’écriture de deux ou trois des quatre épisodes prévus, et que Barras avait dessiné au moins un numéro complet. Malheureusement, à l’exception d’un dessin promotionnel et de deux couvertures par Mignola, il ne subsiste aucun autre visuel connu de ce projet à ma connaissance. 

Est-ce une mauvaise chose ? Les adaptations de films ou de jeu vidéo en comics sont, il faut l’avouer, souvent médiocres, et les quelques exceptions qui vous viennent en tête ne font que confirmer cette règle immuable. Busiek n’avait de toute évidence pas pu jouer à Final Fantasy IV pendant qu’il écrivait son histoire, et si Square lui avait confié une bible de références pour lui permettre de travailler dans des conditions optimales, les libertés qu’on avait pu lui laisser pour adapter l’univers aux attentes du public occidental d’alors seraient sans doute très mal interprétées par les puristes d’aujourd’hui. Quand bien même on pourrait découvrir le premier épisode quasi-finalisé de cette mini-série, on ferait face à un pur objet de son époque, qui n’aurait aucun intérêt de nos jours, si ce n’est de provoquer quelques malaises dans l’assistance. Kurt Busiek, qui aurait pu rejoindre Squaresoft afin de participer à l’adaptation des prochains jeux Final Fantasy en occident, va finalement continuer sa carrière de scénariste de comics chez Marvel, avec le succès qu’on lui connaît. Comme quoi, un peu comme dans les RPG, l’avenir ne tient parfois qu’à une décision prise au bon moment…

Final Fantasy IV arrive en novembre 1991 aux USA ; sous le titre de Final Fantasy II, donc ; dans une version légèrement modifiée. Les références religieuses sont gommées, tandis que l’ensemble est édulcoré pour éviter de choquer un jeune public, et la difficulté des combats est même revue à la baisse. Le soft restera une référence du jeu de rôles sur console, notamment pour son introduction du système Active Time Battle, qui pousse le joueur à rester impliqué pour avoir le meilleur timing durant les séquences de combat. Malgré le succès durable de la saga, il est assez étonnant de voir que là où des licences de fantasy comme Magic The Gathering, The Witcher ou Donjons & Dragons ont eu droit à de multiples versions plus ou moins pertinentes et réussies sur le papier, plus jamais aucun éditeur américain n’a tenté d'adapter Final Fantasy en comics. Il est probable que cela découle de la volonté de Square Enix de garder le contrôle sur la marque et de limiter les produits dérivés douteux pouvant dégrader l’image de sa poule aux œufs d’or auprès d’une communauté de fans aussi fidèles qu’exigeants. 

Enfin, à l’heure où l’hégémonie de Disney sur la culture populaire est plus affirmée que jamais, il est bon de se rappeler que cet empire du divertissement a aussi connu de véritables revers au cours de son existence. Si, à la même période, Valiant Comics, Dark Horse, ou Image Comics ont su profiter d’un contexte né de l’arrivée d’une nouvelle génération d’auteurs et d’une bulle spéculative à son paroxysme, Disney a littéralement raté le coche, son échec devançant de plusieurs années l'effondrement du marché de la bande dessinée américaine. Quand on sait que la multinationale a actuellement la main sur une partie des plus grandes licences de la planète, y compris celles de Marvel Comics, il y a de quoi trouver ça plutôt amusant… 

N’hésitez pas à partager cet article sur les réseaux sociaux s’il vous a plu !

Recevez mes articles, podcasts et vidéos directement dans votre boîte mail, sans intermédiaire ni publicité, en vous abonnant gratuitement !



Get full access to CHRIS - POP CULTURE & COMICS at chrisstup.substack.com/subscribe