Aiguisez vos lames et sortez vos plus beaux casques à cornes, direction les terres sauvages et envoûtantes de l’Heroic Fantasy avec Voltar par Alfredo Alcala, une saga dans la plus pure tradition Sword & Sorcery du Conan le Barbare de Robert E. Howard !

La France cultive une vision assez nombriliste de l’art séquentiel. Quand on sait à quel point le Manga peut encore être méprisé par une partie des lecteurs et des spécialistes du médium, on imagine sans mal la vision réductrice qui existe vis-à-vis des productions venant de pays où le Neuvième Art est jugé, à tort, moins noble qu’en Europe. La préservation et la diffusion du patrimoine de la bande dessinée me semblent aujourd’hui indispensables pour faire vivre cette culture à l’échelle mondiale, et certains éditeurs réalisent un travail remarquable en la matière. C’est le cas de Neofelis Éditions qui nous propose de découvrir les épisodes de Voltar par Alfredo Alcala, publiés aux États-Unis entre 1977 et 1981. 

Cette intégrale regroupe le premier épisode de Voltar, paru dans le premier numéro de Magic Carpet, ainsi que les huit épisodes suivants parus dans The Rook chez Warren Publishing. On y suit les aventures du héros éponyme, champion du royaume d’Elysium au service du roi Antiochus, qui va devoir libérer sa contrée des hordes de kobolds du seigneur Magog, dont l’invasion préfigure l’Apocalypse. La quête de Voltar l’emmènera jusqu’aux profondeurs de la Terre, à la recherche d’un sauveur qui pourra libérer Elysium. Dans ce périple semé d'embûches à travers un monde hostile livré à des plaies ancestrales, Voltar va affronter les sombres sicaires de Magog, des cavaliers assassins vêtus de noirs qui ne sont pas sans rappeler les Nazgûls de l’univers de Tolkien, et de nombreuses autres créatures fantastiques. Graphiquement, Alcala, dont le style est ici à mi-chemin entre Frank Frazetta et Gustave Doré, propose des paysages démesurés qui invitent au voyage et à l'aventure. On est aspiré par son univers sombre et farouche, rempli de personnages héroïques et de monstres effrayants, et le grand format de l’album permet de profiter à fond de ses planches éblouissantes ! 

Cette ambiance de fin de monde, où un messie providentiel doit terrasser le malin et où le destin semble inexorable, fait sans doute écho à l’éducation d’Alfredo Alcala, mais aussi à l’histoire des Philippines. Pays très catholique occupé tour à tour par les Espagnols, les Américains, puis les Japonais, avant de connaître la dictature de Ferdinand Marcos, l’archipel Philippin possède une histoire mouvementée dont résulte un cocktail improbable de principes religieux et de culture pulp qui a sans doute influencé par bien des façons le travail de l’auteur. Cultivant un sens du sacrifice tout ce qu’il y a de plus biblique, le vaillant guerrier d’Alfredo Alcala ne recule devant rien pour accomplir sa mission, dans une démarche jusqu’au-boutiste qui rencontre la Fantasy du Seigneur des Anneaux et les mythes et légendes de l’Antiquité. 

Né en 1925 aux Philippines, Alfredo P. Alcala publie ses premiers travaux dès 1948. Artiste hétéroclite, il s’essaie autant aux histoires de Science-Fiction qu’à la Romance ou à l’Horreur. En 1963, il crée le personnage de Voltar, qui emprunte de toute évidence à l'œuvre de Robert E. Howard, créateur de Conan le Barbare, Kull le Conquérant et Solomon Kane. Ce héros d’une série de quarante-cinq épisodes ; dont on retrouvera le tout premier publié dans Alcala Fight Comix chez Craf Publishers aux Philippines au sommaire de l’intégrale de Neofelis ; répond aux codes classiques de l’Heroic Fantasy, et plus particulièrement du genre Sword & Sorcery. Comme Conan, Voltar est un valeureux combattant ne comptant que sur sa force et son courage pour affronter les forces du mal. Cependant, si le personnage fait parfois preuve de ruse et se montre impitoyable envers ses ennemis, il n’en reste pas moins fidèle à des principes quasi-chevaleresques et se comporte bien plus en héros modèle que le Cimmérien, beaucoup plus enclin aux beuveries et aux comportements irrespectueux envers les femmes que son homologue philippin…  

En 1972, Alfredo Alcala commence à travailler comme dessinateur et comme encreur pour DC Comics, notamment sur des séries horrifiques comme House of Secrets, House of Mysteries ou The Unexpected. Pour le même éditeur, il officie également comme encreur sur la série Swamp Thing entre 1986 et 1990. Outre l’Horreur et ses dérivés, Alcala reste très lié au genre qui à fait sa popularité à l'international : l’Heroic Fantasy. En plus de participer à plusieurs numéros des séries Kull the Destroyer chez Marvel et Arak, Son of Thunder chez DC, il va surtout démontrer ses talents de dessinateur et d’encreur sur un grand nombre d’épisodes de Conan the Barbarian et The Savage Sword of Conan. Une forme de consécration pour celui qui a passé une grande partie de sa carrière philippine à mettre en scène les aventures d’un héros largement inspiré par celui de Howard et par les travaux de ses émules, qui firent les belles heures des pulp’s durant la première moitié du vingtième siècle aux États-Unis. Aujourd’hui encore, les comics Conan publiés par Marvel pendant plus de vingt ans, dont les équipes créatives prestigieuses comptent des talents comme Roy Thomas, John Buscema, Earl Norem ou Marie Severin, méritent tout l’intérêt du public. Que ce soit pour le souffle épique des aventures qu’ils présentent ou l’adaptation et le développement de l’univers créé par Robert E. Howard pendant sa courte carrière plusieurs décennies auparavant. 

Par son travail sur l’une des licences stars des années 1980, Les Maîtres de l’Univers, Alcala marquera aussi l’esprit des plus jeunes en réalisant plusieurs mini-comics promotionnels distribués avec les figurines de la fameuse ligne de jouets de Mattel. Plus exotique encore, il encrera même plusieurs numéros de la série Scooby-Doo de Archie Comics, avant de prendre sa retraite en 1997.Décédé en l’an 2000, Alfredo Alcala aura collaboré avec les plus grands noms de la bande dessinée américaine sur des séries comme Hellblazer ou Kamandi, et son style unique, plusieurs fois récompensé, restera à jamais gravé dans l’histoire des comic books. 

Grâce à Neofelis Edition, qui nous offre ici un ouvrage à l'envergure patrimoniale essentielle, qui condense tout le pouvoir de la bande dessinée, l’œuvre d’Alfredo Alcala vit et pourra, je l’espère, toucher une nouvelle génération de lecteurs. Enfin, on ne peut qu’adresser un grand bravo à Tristan Lapoussiere pour son travail de recherche et de restauration, avec l'aide du fils d'Alfredo Alcala. La préface et la galerie de couvertures sont richement documentées et permettent d'en apprendre plus sur l'artiste et sur le contexte de publication de ses productions aux Philippines. 

Évidemment, si vous voulez en savoir plus sur cette intégrale Voltar, je vous conseille d’aller faire un tour sur le site de Neofelis pour soutenir leur démarche ! 

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