La période qui vient d’être vécue est celle d’une grande déformation des marchés, d’autant plus grande et intéressante, que son moteur n’a pas été celui du libre choix, mais celui de la contrainte. Nous vivions un monde où la tension était d’exercer au plus haut point le droit de choisir, et de jouir de la liberté de choix, quitte à souffrir de mauvaise conscience - le tourisme en est certainement l’exemple le plus aigu. Nous avons vécu un monde où l’usage de certains biens a été imposé par l’autorité et la norme sociale. Le masque et le vaccin en sont les objets ordinaires : des objets de consommation massive qui ne répondent pas à de prétendues lois du désir, mais à la pression normative. Leur analyse peut ouvrir à une autre perspective de la consommation, moins déterminée par le désir des individus et les jeux de leurs identités, que conditionnée par les rapports sociaux. L’idée n’est pas neuve, c’est précisément celle de Veblen, elle trouve ou retrouve simplement une autre dialectique, moins ostentatoire que sanitaire. Si l’ordre de l’ostentation se bâtissait dans une économie du prestige, l’ordre sanitaire de la consommation se construit dans l’économie de la nuisance. C'est sans doute l'occasion de se débarrasser du psychologisme et de l'essentialisme, pour ramener la consommation à sa raison première, un ensemble d'activités organisées, pour résoudre les rapports de pouvoir.