Il y a, quelque part dans la périphérie d'une grande ville,
une petite gare oubliée,
une de ces gares dont personne ne parle,
parce qu'aucun train officiel n'y passe plus depuis longtemps.
Les rails sont rouillés, les bancs désertés,
les panneaux effacés par la pluie et le vent.
Pourtant, chaque soir à minuit moins dix,
un homme vient allumer la lampe du quai.
Il s'appelle André, chef de gare à la retraite.
Mais il n'a jamais vraiment quitté son poste.
André, c'est un homme du rail,
de ceux qui croient que tant qu'un train peut passer,
il y a de l'espoir.
Alors même si les trains ne s'arrêtent plus, il vient.
Il balaie le quai, il essuie les vitres.
Il a juste sa casquette.
Et il attend.
Personne ne sait vraiment ce qu'il attend.
Les habitants du quartier le prennent pour un vieux fou,
mais lui sait.
Il sait qu'à certaines nuits,
les nuits où la ville semble retenir son souffle,
le dernier train passe encore.
Ce soir-là, la pluie tombait doucement comme un rideau.
André était là,
fidèle au poste avec sa lanterne allumée.
Il entendit d'abord un bruit de pas sur le quai, des pas hésitants.
Traînant,
une silhouette s'approcha.
Un jeune homme,
le regard perdu, un sac à dos usé.
Il demanda d'une voix tremblante,
« Excusez-moi, monsieur,
il part quand le dernier train ? »
André sourit.
Il regarda sa montre imaginaire.
« À minuit, mon garçon ? »
Mais il ne s'arrête que pour ceux qui croient encore à leur destination.
Le jeune ossa les épaules.
« J'ai tout raté, il n'y a plus de destination pour moi. »
Le chef de gare répondit doucement.
« Alors attends un peu,
parfois le train met du temps à arriver. »
Mais il passe toujours.
Quelques minutes plus tard, une femme s'approcha,
trempée jusqu'aux os.
Elle portait un sac plastique et une photo froissée.
« Vous savez, monsieur,
je viens ici chaque semaine.
J'attends mon fils, il a disparu depuis deux ans. »
André ossa la tête.
« Les trains, madame,
ça finit toujours par amener quelque chose. »
Parfois pas ce qu'on espère, mais toujours un signe.
Elle s'assit sur le banc, les yeux dans le vide,
la photo serrée contre son cœur.
Minuit approchait.
Le vent se léva.
Et soudain,
le sol vibra légèrement.
Au loin,
un grondement.
Un bruit familier,
mais venu d'un autre temps.
Les rails rouillés depuis des années se mirent à luire sous la pluie.
Puis une lumière blanche fendit la nuit.
Un train fantôme, silencieux, immense, glissa lentement jusqu'au quai.
Les passagers à bord semblaient flous comme faits de brume,
mais leur visage était paisible sur la locomotive.
Une plaque.
Train de minuit.
Direction.
Deuxième chance.
André leva sa lanterne.
Le jeune homme, la femme et quelques silhouettes errantes s'approchèrent.
« C'est ici ? » demanda le garçon.
« C'est ici ? » répondit André, mais le billet.
« Il faut le trouver dans ton cœur. »
Le jeune regarda la femme, puis le vieux chef de gare.
Il ferma les yeux.
Et quand il les rouvrit, il tenait un ticket blanc entre ses doigts.
Sans savoir comment.
Il monta dans le train.
La femme aussi.
En s'asseyant, elle sentit une main invisible lui toucher l'épaule.
Son fils, peut-être.
Le train siffla doucement.
Un son long, grave, presque humain, et lentement,
il repartit dans un halo de vapeur et de pluie.
André resta seul sur le quai, la lanterne à la main.
Le regard tourné vers la brume.
Quand tout redevint silence, il murmura.
Tant qu'il reste un train d'espoir, personne n'est laissé sur le quai.
Puis il rangea sa casquette, éteignit la lampe et quitta la gare.
Mais depuis ce soir-là, certains jurent que les nuits de pluie,
on entend encore un sifflement lointain.
Comme si le dernier train passait encore,
pour ceux qui ont gardé la foi.
Même dans l'obscurité.
A sud- Hamo.
Tant qu'il reste un train d'espoir, personne n'est laissé sur le quai.