Il était une fois
Au bord d'un vieux chemin de poussière
Une roulotte rouge et or
Elle avançait lentement
Tirée par un cheval tacheté
Qui répondait au nom de brume
A l'intérieur vivait Jeannot
Un jeune gitan à la tête dure
Et au cœur rebelle
Il jouait du violon mieux que quiconque
Mais son orgueil était plus fort que sa musique
On disait qu'il avait quitté sa famille après une dispute
Qu'il avait claqué la porte du clan en criant
Je n'ai besoin de personne pour tracer ma route
Et depuis il roulait seul son violon sur les genoux
Jouant dans les villages pour quelques pièces et un peu de pain
Mais plus il avançait
Plus son jeu devenait triste
Car la musique s'en partage
C'est comme un feu sans flamme
Elle ne réchauffe personne
Un soir d'hiver alors qu'un vent froid
Balayait les collines
Sa rousse brisonnait au détour d'un virage
La roulotte pencha dangereusement
Et brume épuisée s'arrêta
Jeannot Pesta frappa du pied
Et lança son archer au sol
Toujours moi, toujours la malchance
Mais le vent ce soir-là lui répondit
Une voix douce presque imperceptible s'éleva du feuillage
Ce n'est pas la malchance, Jeannot
C'est ton cœur qui ne veut plus avancer
Surpris, il leva la tête évite dans la lumière de la lune
Une vieille femme drapée dans un châle bleu nuit
Elle portait un tambourin et un regard plein d'étoiles
Qui es-tu ? Demande à Jeannot
Une amie du vent
Il me dit que ton violon pleure plus qu'il ne chante
Je joue comme je veux, grogna-t-il
Justement répondit-elle, c'est bien là ton erreur
La musique n'est pas faite pour toi seule
Puis elle posa une main sur son violon
Les cordes se mirent à vibrer toutes seules
Laissant échapper une mélodie si pure
Que même le vent s'arrêta pour l'écouter
Jeannot sentit ses yeux se mouiller, sans savoir pourquoi
Si tu veux que ton chemin change
Repris la vieille, commence par écouter
Avant de jouer, et avant qu'il ne puisse répondre
Elle disparut dans la brune
Le lendemain Jeannot trouva dans l'herbe une vieille roue réparée
Comme par magie
Il la fixa, reprit les rênes et lorsqu'il entra dans le prochain village
Il décida de ne pas jouer seul cette fois
Il invita les enfants à taper dans leurs mains
Les anciens chantaient avec lui
Et pour la première fois depuis longtemps
Il sourit sans arrogance
On raconte que depuis ce jour
Le son de son violon a changé
Ce n'est plus un cri de colère
Mais une chanson de partage
Et quand le vent souffle doucement sur la plaine
On entend encore sa mélodie danser entre les arbres
Il est parfois difficile de changer
Mais tout le monde peut le faire
A condition de le vouloir vraiment

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