Benoît Bertiaux est professeur des écoles dans un établissement situé en REP+ et mène depuis plusieurs années une réflexion sur les usages du numérique à l’école. Dans sa classe de CP à 12, il a très tôt compris l’intérêt de la tablette pour « augmenter » son activité. Il s’en sert comme outil d'exercice dans l’apprentissage du langage et nous raconte quelle méthodologie il a mis en place pour servir ses objectifs pédagogiques. Sa réflexion ne s'arrête pas à sa classe car elle englobe aussi ses collègues et leur projet d'établissement. Portait d’un enseignement technophile pour qui la REP+ est un laboratoire d'innovation même si elle ne gomme pas toutes les difficultés.

La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.

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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée et réalisée par : Jean-Paul Fillit

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance

Mixage : Laurent Gaillard

Secrétariat de rédaction : Magali Devance

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr

© Réseau Canopé, 2021 


Transcription :

Benoît Bertiaux, enseignant dans l'école élémentaire Simone Veil, à Toulouse, dans le quartier de la Reynerie. C'est une école REP+. Je suis maître de CP et j'ai 12 élèves.

Je me suis intéressé au numérique assez rapidement, déjà quand j'ai vu qu'on avait la possibilité d'avoir accès à tout un tas de nouvelles ressources qu'on avait moins facilement au départ. Et ensuite, et surtout, parce qu'il me permettait de gagner en efficacité sur les documents que je devais rendre, sur ce que je devais produire. Et il me permettait surtout de faire exactement les choses comme je voulais les faire, voilà, des documents sur-mesure, des productions sur-mesure. Et ensuite j'ai essayé de l'adapter pour aider mes élèves à mieux apprendre.

Dans mon dispositif d'apprentissage de la lecture, on fonctionne en ateliers et il y a des ateliers autonomes. Sur ces ateliers autonomes, je me suis aperçu que le numérique pouvait avoir un intérêt réel pour accompagner les élèves sur un atelier de 20 minutes. Pour cela, j'ai créé des applications qui pouvaient être adaptées au niveau de chaque élève et à leurs besoins. Et pour créer ces activités, je suis passé par la plateforme LearningApps. La tablette propose un problème à un binôme et tout l'intérêt de ce problème est de créer un conflit, c'est-à-dire que, parce qu'il y a divergence d'idées entre les deux élèves, il va y avoir transformation chez l'un ou chez l'autre grâce au fait qu'il va falloir se mettre d'accord et trouver une solution ensemble.

[Illustration sonore : échange entre élèves pendant un travail en classe.]

Au sein de mon école, il y a quelques années, on a mis en place un système de brevet qui représente la colonne vertébrale du fonctionnement de notre école sur toutes les années du cycle 2 et ensuite on en a fait un cycle 3. Les brevets, par définition, c'est un ensemble de niveaux à passer qui permet à l'élève de se repérer dans sa progression. Pour avoir accès à ces activités, il prend sa tablette et il va scanner le QR code qui correspond à son brevet, c'est-à-dire à ses besoins. Et une fois qu'il a scanné ce QR code, il accède directement aux activités et ensuite il peut partir sur la tâche. Quand on présente pour la première fois les tablettes aux élèves, il y a un énorme attrait, un énorme engouement, ils sont ravis comme tout : « Ouais on va apprendre sur la tablette, c'est chouette, c'est tout nouveau, c'est très chouette. » Oui, et cet attrait est important parce qu'il permet justement de maintenir l'investissement dans la tâche. Mais il est important quand même de savoir que la tablette, c'est un outil qu'il faut apprendre à utiliser au départ, et même s’ils ont la tablette à la maison, ils ne savent pas vraiment l'utiliser. En tous les cas, ils ne connaissent pas réellement les usages qu'on peut en avoir à l'école. Donc en fait. Il faut quand même prendre en compte un temps d'apprentissage de cet outil pour qu'il devienne vraiment efficace et qu’il devienne vraiment un outil d'apprentissage.

Il y a vraiment des situations très très croustillantes, notamment parfois des élèves qui se sentent un peu loin du maître et qui se disent que c'est le moment d'essayer de tricher un peu, d'aller vite chercher la correction de la tablette et pour faire croire qu'ils ont tout réussi tout seul. Mais justement, tout l'intérêt du binôme, il est que, souvent, il y en a toujours un des deux qui lui, n'a pas du tout envie de tricher et qui rappelle à l'autre et qui lui dit : « Non, non, il faut pas tricher, il faut qu'on y arrive. Le maître il a dit qu'il fallait qu'on y arrive tout seul. » Et donc qui les régule et qui les ramène dans la tâche, et ça c'est vraiment chouette à observer.

[Illustration sonore : échange entre élèves pendant un travail en classe.]

Ça fait plusieurs années que j'utilise ce dispositif et aujourd'hui je fais quand même le constat que par le biais de la tablette, sur ces 20 minutes de recherche, les élèves restent vraiment investis. Et je peux vraiment dire maintenant que ce fonctionnement a plusieurs bienfaits, notamment sur l'autonomie en elle-même puisqu’on s'aperçoit que, vraiment, sur ces 20 minutes de travail, les enfants sont en recherche. Au-delà de ça aussi, on s'aperçoit que, dans tous ces échanges, il se passe plein de choses très positives, notamment le développement du vocabulaire lié à la lecture. Ils sont aussi obligés de se justifier, ils sont obligés d'argumenter, donc, on développe aussi les compétences dans le débat. On développe aussi les compétences dans l'entraide. Dans l'utilisation du numérique, ils développent en parallèle les compétences liées à l'utilisation des outils numériques. Et enfin bien sûr, sur le plus important, sur les compétences de lecture, sur les compétences de graphie-phonie, on voit qu'il y a de de réels progrès sur les tâches d'écriture.

Dans mon équipe de CP, nous sommes quatre enseignants. Bon, sur les quatre enseignants, j'ai un binôme dont je suis très proche, qui a foncé dans l'aventure avec moi assez rapidement et qui a fait un grand bond en avant puisque maintenant elle a produit énormément d'activités numériques par elle-même. Et les autres collègues, elles sont un peu plus réticentes pour l'instant. Bon, quand il y a eu le confinement, elles s'y sont mises un peu de force et elles ont fait de très très gros progrès et finalement, le numérique rentre petit à petit dans leur classe et c'est pas plus mal.

Tout au long de l'année, à chaque fin de séance, on fait un petit bilan pour voir s'il y a eu des difficultés dans un des ateliers et notamment dans l’« atelier tablette ». Et c'est vrai que, au début, le bilan est un petit peu mitigé puisqu'ils sont en apprentissage de la tablette et il y a quelques difficultés qui remontent. On fait en sorte de les régler et puis très vite, ce bilan devient de plus en plus positif. Ils s’emparent réellement de cet outil, à tel point qu'ils deviennent tellement autonomes que, au bout d'un moment, il suffit de leur dire « atelier tablette » et tout se passe sans le maître. Ils vont sortir leurs tablettes, ils scannent le QR code, ils se débrouillent sans moi. Et, bon, en jetant un petit coup d'œil de temps en temps, on s'aperçoit que ça marche très bien.

Ce qui m'anime dans ce métier, c'est de toujours trouver le meilleur système, le meilleur dispositif, pour permettre de mettre chacun de mes élèves en progrès, en réussite, à leur niveau. Et c'est pour ça que la REP+ est un petit peu un défi finalement, parce qu’on a des obstacles un petit peu nouveaux tous les jours à surmonter et des remises en question et de nouveaux outils à créer… et ça, c'est un vrai challenge pour moi, c'est un vrai moteur. Et justement dans cette recherche de nouveaux systèmes, le numérique était une voie parfaite pour continuer d'évoluer, proposer de nouvelles solutions.