Comment transmettre le goût de la lecture ? Férue de littérature, Sandrine Plouard, enseignante en école primaire à Rouen, multiplie les occasions de transmettre sa passion en plaçant au cœur de sa pratique les échanges des élèves sur leurs lectures. Car ses meilleurs souvenirs d’école, elle les a vécus lors de discussions animées autour des livres. Pour elle, enseigner la lecture passe donc avant tout par le partage. L’inscription de sa classe au concours des Petits champions de la lecture, grand jeu national de lecture à voix haute pour les élèves de CM1 et CM2, s'inscrit dans cette logique et leur réserve une belle surprise...

La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.

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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée et réalisée par : Fanny Milhe Poutingon

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance

Mixage : Myriam Naciri

Secrétariat de rédaction : Nathalie Bidart

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr

© Réseau Canopé, 2021

Extrait de la finale : © Les Petits champions de la lecture, juin 2021


Transcription :

Je suis Sandrine Plouard, enseignante en cycle 3. J’ai une classe de CM1-CM2 depuis une vingtaine d’années à l’école des Pépinières à Rouen.

En fait, moi je pense que j’ai commencé quand même à lire assez tardivement parce que c’était… On avait des cours de lecture, évidemment, en CE1, CE2, j’en ai quelques souvenirs. Mais vraiment, ma première relation à la lecture, c’était en classe de CM2. En fait, ça s’est fait par l’intermédiaire de copines qui lisaient des Clubs des cinq, des Alice, et on a commencé à se prêter des livres. Et c’est vraiment du partage qu’est née cette passion. Ensuite, j’ai rencontré des profs qui m’ont marquée. Et notamment une prof en première qui s’appelait Mlle Barba, qui était vraiment… qui arrivait avec sa timidité, sa passion, son désir de nous transmettre et qui nous parlait de beaucoup de sujets d’actualité. Elle me touchait et les lectures qu’elle nous proposait me touchaient aussi. Ensuite, j’ai été maman, j’ai trois enfants et je leur ai toujours lu des histoires. Et puis, en tant qu’enseignante, vraiment j’aime le transmettre. Je théâtralise un peu. Je me mets en scène devant les enfants. Ça les fait rire. Il y a des moments d’émotion et je pense que de cette manière-là, on transmet bien parce que c’est quelque chose qui nous touche et les enfants le sentent.

Dans la classe, on a instauré le quart d’heure lecture et en fait, ils sont vraiment demandeurs. Alors ou bien je prête des livres parce que j’ai des malles de lecture dans la classe et ça, c’est vraiment en début d’année. Mais eux, très vite, ils prennent l’habitude de ramener leurs propres livres et ils s’en prêtent entre eux. Donc, il y a vraiment des échanges qui se font par mon intermédiaire, mais aussi entre eux. Et je vois bien qu’en fait, c’est quelque chose qui est à l’origine d’ici mais qui, après, m’échappe complètement. Enfin, ils se passent des mangas, là c’est Les Cahiers d’Esther qui sont en train de circuler… C’est vraiment un moment de plaisir pour eux.


[Extrait d’un cours avec ses élèves]

« UN ÉLÈVE : On mange, on boit. Ça passe un peu trop vite, mais on garde ces deux merveilles dans la tête. Un coca invisible et sa banquise de glaçons ; un étui de frites à cigarettes.

SANDRINE PLOUARD : C’est bien mon loulou. Après, le problème, Tiago, c’est que quand tu lis, tu manques d’air parce que tu vas trop vite. Il faut que tu fasses des pauses. Parce qu’après, tu es essoufflé. Il faut que tu t’obliges, presque, quand tu arrives au bout, à un point, tu comptes dans ta tête, presque. D’accord ? Tu vas compter : ‟un, deux, trois.” »

[Fin de l’extrait]


Alors, le concours des Petits champions de la lecture, c’est en fait lire devant un auditoire pendant trois minutes une lecture qu’on a choisie soi-même. Ce concours, il s’organise en quatre étapes. La première étape, les enfants vont préparer cette lecture. En janvier, les enfants ont préparé leurs trois minutes de lecture et vont devoir passer devant un jury. Donc nous, c’est quelque chose qu’on a pérennisé sur l’école. Et nos CM2 lisent devant une classe de sixième qui a préparé avec sa prof de français une grille de lecture. Ensuite, ils se rendent au conservatoire. Donc là, ils lisent devant beaucoup de classes. Ils sont filmés ce jour-là. À la fin de la représentation, on annonce qui est le « petit champion ». La troisième étape qui vient après, donc les régionales, ce sont leurs vidéos qui vont être visionnées par un autre jury et c’est à ce moment-là qu’on va déterminer qui est le « petit champion » de la Normandie, enfin de chaque région. Et enfin, si on est « champion de Normandie », eh bien, on s’en va à la finale, le 30 juin, à la Comédie-Française. Donc là, par contre, nous, on a eu cette expérience-là avec mon élève l’année dernière, Wayeen, et on ne lit plus le même livre. On nous propose une liste de 30 ouvrages et parmi ces 30 ouvrages, on fait trois vœux de nos livres préférés. Et après, c’est l’organisation des Petits champions qui nous recontacte et qui nous dit : « Voilà, finalement, vous allez présenter ce livre-là. » Alors, ce qui est formidable, c’est qu’en plus, le livre qui va être défendu à ce moment-là se fait auprès de l’auteur et l’auteur, on l’a rencontré en classe quelque temps avant.


[Extrait d’un cours avec ses élèves]

« UN ÉLÈVE : Je vais vous reproduire l’intégralité de mon discours. Grand-père a tout filmé avec son téléphone pour le montrer à mes parents, qui l’ont regardé une bonne douzaine de fois. Et je le connais encore par cœur. Ça faisait…

SANDRINE PLOUARD : Mes chères et chers compatriotes, citoyennes, citoyens. D’abord, je tiens à dire que moi aussi, j’aime beaucoup ma maman... »

[Fin de l’extrait]


L’année dernière, Wayeen est allé jusqu’à la finale, donc c’était vraiment un moment exceptionnel. Alors évidemment, ça a profité à Wayeen, mais ça a aussi profité à toute la classe. Parce que, quand on a reçu l’auteur, en fait, chaque enfant a présenté sa lecture à l’auteur. J’ai un petit garçon qui est arrivé le matin, qui a demandé à mon directeur d’école : « Monsieur Beuzelin, vous pouvez ouvrir la salle informatique parce que là, l’auteur va arriver. Je veux reprendre mon texte. » Et donc moi, ce résultat-là, je ne l’obtiens pas de cette manière-là d’habitude, même s’ils sont volontaires. C’était un moment magique. Donc, je pense que ça leur a profité à tous.


[Extrait de la finale 2021 des Petits champions de la lecture à la Comédie-Française]

« CHRISTOPHE BARBIER : Aurore, tu vas t’annoncer pour annoncer le lauréat du Deuxième Prix. Va devant le micro et dis-nous qui a gagné le Deuxième Prix.

AURORE : Je suis super-contente de féliciter Wayeen pour le Deuxième Prix. [Cris et applaudissements]

CHRISTOPHE BARBIER : Bravo à Wayeen… la Normandie ! »

[Fin de l’extrait, © Les Petits champions de la lecture, 2021]


C’est une grande fierté. Donc, le jour de la finale, quand il est arrivé deuxième… Cette année, en plus, c’était retransmis en direct. Donc, ses camarades le suivaient, les parents de ses camarades. Moi, sur mon portable, dès qu’il a eu fini, j’ai reçu des petits messages de félicitations pour lui. C’était vraiment une grande joie. Et puis, cette année se tenait le Festival du livre en novembre et nous, on souhaitait le faire lire, qu’il soit un peu un émissaire lors de l’inauguration des enfants et qu’il nous présente sa lecture. Ça nous paraissait important. Donc, on sent que Wayeen a pris l’habitude des micros parce que sa lecture a été extra. Il se faisait plaisir, ça se voyait. Il était très souriant. Sa maman l’accompagnait et on voit qu’elle est fière de lui. C’est une belle réussite pour Wayeen, c’est une très belle réussite. Et puis pour les autres enfants de même. Moi, je suis super-fière, je me dis que moi aussi j’avance, je me fais plus confiance. C’est aussi quelque chose qu’on gagne soi-même.

Dans la classe, les enfants qui aiment lire et qui sont lecteurs sont en réussite scolaire, globalement. Les enfants qui ont des difficultés de lecture, ils perdent confiance pour plein d’autres choses. Cette année, c’est redevenu une cause nationale. On se rend compte que sans la lecture, l’enfant ne peut pas s’en sortir correctement. Donc, c’est vraiment, je dirais, quelque chose qu’il faut développer. Moi, je pense que c’est par le plaisir que ça va se faire le plus naturellement possible. Quand ils sont petits, ils apprennent à lire en nous écoutant. Enfin, ça se fait finalement assez naturellement quand on a partagé beaucoup de lectures. S’il n’y a pas une difficulté à côté, l’enfant apprend à lire presque par mimétisme. Et puis, il a cette envie-là, c’est une ouverture au monde.