Viviane Dupart est professeure-documentaliste dans un collège de la région rouennaise. Elle a depuis longtemps le goût d'aider les élèves à renforcer leur estime d'eux-mêmes. Avec un collègue, elle a mis en place une expérimentation avec les élèves de 6e pour lutter contre la démotivation et le manque de confiance en eux. L'idée est de développer le potentiel de chaque jeune au moyen d'ateliers méthodologiques et d'entretiens individuels, de manière hebdomadaire. Prendre le temps de se connaître et faire le point avec un enseignant référent, n'est-ce pas une belle façon de progresser en confiance dans sa scolarité ?


La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.

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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée et réalisée par : Fanny Milhe Poutingon

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance

Mixage : Myriam Naciri

Secrétariat de rédaction : Nathalie Bidart

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr

© Réseau Canopé, 2022


Transcription :

Viviane Dupart, professeure-documentaliste au collège Gounod, à Canteleu. Cela fait vingt ans que je travaille pour l’Éducation nationale. 

J’ai eu envie de travailler sur le potentiel de chaque jeune suite à deux événements. Premier événement, c’était le constat effectué avec mon collègue, Fred, professeur de mathématiques. Nous avions remarqué que le climat scolaire au sein du collège s’était détérioré. L’ambiance était plus lourde – des tensions entre les adultes, entre les jeunes –, et on a commencé à avoir une démarche réflexive sur « comment résoudre ce constat ». Donc, ça, c’est le premier élément. 

Deuxième élément, finalement en concomitance… C’était au mois de juillet, j’étais sur ma terrasse…. Il fait beau, les oiseaux chantent et, tout d’un coup, la sonnette retentit à la maison. Donc je me lève, j’ouvre la porte et là, devant moi, se trouve un jeune couple. Et le jeune homme, de 20-25 ans, me regarde et me dit : « Tu ne me reconnais pas ? », et termine par un petit sourire. Il y a un moment de flottement… Et ce sourire-là, je l’aurais reconnu entre mille : c’était le sourire de mon premier élève, que j’avais eu à 19 ans, lorsque je faisais du soutien scolaire. Il ne m’avait pas oubliée. C’est-à-dire que j’avais eu une influence dans sa vie, à cette période, quand il avait 14 ans. Sa maman venait de divorcer et sa relation avec elle était compliquée, c’était tendu. Et moi, sans expérience particulière, à 19 ans, je venais deux fois par semaine faire du soutien. On a transpiré sur des exercices de maths, sur des rédactions, mais on a aussi parlé sur l’adolescence ; j’étais aussi la médiatrice avec sa maman, puisque le contact était compliqué. Et finalement, je me suis dit : « Ben, sans s’en rendre compte, on influence le cours [de la vie] – positivement pour le coup – d’un jeune. » Et donc, il ne faut pas que je lâche le morceau et, finalement, il faut continuer dans cet axe-là. C’est-à-dire que ce jeune m’a montré vers où je devais aller.

Lors de nos travaux de recherche, avec mon collègue de maths, Fred, nous avons essayé de mieux formaliser la manière de développer le potentiel de chaque jeune. Deux axes se sont dégagés, comme deux rails de chemin de fer – si l’on retient cette image –, où on va travailler à la fois l’acquisition des connaissances scolaires – c’est pour ça que les jeunes sont au collège ou au lycée –, mais aussi, en parallèle, en même temps, et c’est indissociable, on va travailler l’estime de soi et la confiance envers les autres, envers l’adulte notamment.

Après cette phase de réflexion et de formalisation, avec mon collègue, nous sommes entrés dans l’expérimentation. En accord avec l’inspection, nous avons pu mettre en place cette expérimentation et la généraliser à l’ensemble des classes de 6e pour cette rentrée, en 2021. Concrètement, pour chaque classe de 6e, deux enseignants ont un regard plus attentif sur chacun des élèves : il s’agit du professeur principal et du professeur référent. Le rôle du professeur référent est d’animer un cours par semaine sur la méthodologie, mais ça peut aussi être le développement de l’estime de soi ou travailler à la gestion du temps, etc. Au mois de novembre par exemple, nous avons tout particulièrement travaillé la mémorisation.

[Extrait d’un cours de Viviane Dupart]

« VIVIANE DUPART : Allez, il nous reste trois minutes donc on est concentré. Posez les stylos. Écoutez bien, écoutez ma voix. Première étape : on évoque sa leçon. Donc là, dans votre tête, vous prenez quinze secondes pour faire revenir en mémoire les sept catégories. Deuxième étape : vous écrivez les sept catégories sur le cahier de mémorisation. Et si vous êtes bloqués, essayez de vous rappeler ce que vous avez fait pour mémoriser, il y a trois minutes, que ce soit le dessin, le geste ou bien le son. C’est bon ? Maintenant, vous reprenez votre cours et vous prenez stylo rouge ou bien stylo vert, ou alors crayon à papier, et vous comparez. Étape trois : je compare avec ma leçon.

UN ÉLÈVE : Et si on a tout bon ?

VIVIANE DUPART : Et si vous avez tout bon, alors là, c’est génial. »

[Fin de l’extrait]

Depuis la mise en place de ce projet-là, notamment à grande échelle, sur tout le niveau 6e, il y a plein de retours, mais complètement différents. Ça peut être des retours sur le relationnel avec le jeune, c’est-à-dire que le jeune a confiance en nous. Il vient nous voir lorsqu’il rencontre une difficulté, lorsqu’il a une question, il sait qu’il aura une écoute. On n’aura pas de jugement par rapport à la question qu’il va poser. Il y en a d’autres qui, quand ils vont rencontrer un problème concret d’organisation du travail, de planification du temps – « je n’y arrive pas, je ne comprends pas les consignes », etc. –, vont venir plus facilement vers l’enseignant référent ou bien le professeur principal, mais aussi vers les autres membres de l’équipe, puisqu’ils ont appris à entrer en interaction avec un enseignant. 

Par exemple, une jeune a eu un conflit assez important lors d’un cours avec une collègue et l’équipe avait demandé un conseil de discipline. Avec l’équipe de direction, j’ai décidé de la prendre en entretien afin de préparer ce conseil de discipline. Et on a transformé, finalement, le sens de ce conseil. C’est-à-dire qu’ensemble, on est revenu sur l’enchaînement de cette journée et on a travaillé sur la notion d’expérience – peut-être même fondatrice – à en tirer, pour elle, et au bout de cette heure et demie d’entretien, c’est elle-même qui a fait une proposition de sanction pour le conseil de discipline. Ce qui est vraiment chouette, c’est de se dire qu’on arrive à faire prendre conscience au jeune de ce qu’il a fait, et que lui-même trouve comment réparer sa faute. Et en même temps, elle a compris comment les adultes – du moins « des » adultes – fonctionnent pour ne plus se retrouver dans ce contexte-là. 

Finalement, avec l’expérience, et si on remonte avec ce jeune quand j’avais 19 ans, ça fait déjà vingt ans, heu… trente ans, que je suis au contact d’ados, et c’est vrai que je peux être comme une « décodeuse d’élève ». C’est-à-dire que je donne un petit peu le mode d’emploi aux collègues. J’ai la chance d’avoir des contacts très variés avec un même jeune. Je peux l’avoir à la fois en cours, mais je peux aussi l’avoir lorsqu’il vient faire son travail scolaire au CDI ou lorsqu’on va discuter de ce qu’il aime en termes de lectures, de films, etc. Finalement, je récolte plein d’indices, ce qui fait que l’adulte, l’enseignant, va être en mesure de prendre la bonne direction en termes de communication, de relation avec ce jeune-là. À la fois je vais apprendre aux jeunes à décoder l’adulte ; et, de par mes entretiens et le relationnel que je peux avoir avec eux, je vais donner à l’adulte un premier mode d’emploi, qui va évoluer avec le jeune, mais c’est un premier mode d’emploi.