À l’école d’application Voltaire-Moulin de Chaumont (52), les élèves de petite, moyenne et grande sections de maternelle, suivent un enseignement dans un espace un peu particulier. En effet, leurs maîtresses ont décidé de faire « classe ouverte ». France-Yseult Saintot et ses collègues ont mutualisé trois salles de classes, dans lesquelles elles ont installé une vingtaine d’ateliers, que les jeunes élèves choisissent de faire tout au long de leur journée, sous la guidance des enseignantes et de leurs Atsem. Dans ce podcast, elle nous explique comment fonctionne cette fourmilière et revient sur la réflexion qui a présidé à cette nouvelle façon d’aborder l’espace pédagogique en maternelle.


La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.

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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée et réalisée par : Aurélie Dulin

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance

Mixage : Simon Gattegno

Secrétariat de rédaction : Magali Devance

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr

© Réseau Canopé, 2022


Transcription :

Je m’appelle France-Yseult Saintot, je suis enseignante, maître formatrice à l’école d’application Voltaire-Moulin, à Chaumont, en Haute-Marne. Je suis enseignante en maternelle depuis des années.

J’ai une salle de classe qui est extrêmement dégagée dans le sens où, quand je suis arrivée dans l’école, elle était encombrée de jeux, de bancs, de tables et je me suis sentie un peu étouffer dans cette classe qui me paraissait toute petite. Et donc, j’ai fait le tri pendant les grandes vacances où j’ai vidé entièrement la classe pour ne remettre que l’essentiel. Et, également, j’ai fait des choix de meubles bas pour que les élèves se sentent en sécurité affective dans toutes les situations. J’ai désencombré aussi le nombre de tables. Il y a beaucoup, beaucoup moins de tables, beaucoup moins de chaises que d’élèves, on travaille beaucoup au sol. Et, en fait, ma classe paraît plus grande, plus lumineuse, alors que, finalement, les mètres carrés sont identiques. Cette réflexion m’a amenée à aménager l’espace par zones d’apprentissage et on a approfondi cette réflexion avec ma collègue. Et du coup, on a fait ce choix de répartir les apprentissages dans tout l’espace de nos classes. Et donc, dans ma classe, on ne retrouve pas, par exemple, les choses qu’il y a dans la classe de ma collègue, on a réparti en fonction des apprentissages.

[Visite des espaces de la réalisatrice par France-Yseult Saintot]

« Je te présente les espaces. Premier espace : la classe des lutins. Donc la classe du lutin, c’est mon espace à moi. On y retrouve des ateliers de motricité fine, un espace d’imitation autour de l’écrit, une bibliothèque et des ateliers autour du vocabulaire et du langage oral. Par là-bas, nous y trouvons tout un meuble qui est dédié à la… »

[Fin de la visite]

Chaque matin, on a des temps dédiés sur ce que, nous, on appelle « classe ouverte ». C’est un temps où les enfants peuvent aller dans l’espace qu’ils souhaitent. Et donc, sur les trois classes, soit actuellement 65 enfants, ils naviguent, j’allais dire, où ils veulent. Alors, « où ils veulent », oui et non, dans le sens où chaque enfant… En tout cas, chez les petits et chez les moyens, ils ont un porte-clés qui leur montre quels sont les ateliers qui sont à leur disposition, qui leur ont été présentés. Ils peuvent faire des demandes auprès des adultes. Et les grands, eux, ont un plan de travail, c’est-à-dire qu’ils choisissent eux-mêmes les ateliers vers lesquels ils veulent s’engager pour la semaine.

[Extrait d’un atelier avec les élèves]

« UN ÉLÈVE : On va trier avec les boîtes, oui ?

FRANCE-YSEULT SAINTOT : Tu veux que je te donne les boîtes pour trier ?

L’ÉLÈVE : Oui.

FRANCE-YSEULT SAINTOT [à la réalisatrice] : J’aime quand ils choisissent eux-mêmes leur activité. Ce n’est pas moi qui ai impulsé cela : tu me donnes des boîtes, je te donne des boîtes. Ils ont toujours le choix. En tout cas, ils veulent ce qu’ils font.

AUDREY GLACHET [Atsem, à un élève] : Qu’est-ce que tu veux faire comme atelier ?

L’ÉLÈVE : Je sais pas. Je veux faire mon petit taille-bois.

AUDREY GLACHET : Alors… Si tu veux, mais il est déjà validé mon petit taille-bois.

L’ÉLÈVE : Je veux le faire.

AUDREY GLACHET : Est-ce que tu veux faire une boîte à sons ? Non, mon petit taille bois ?

[Fin de l’extrait]

L’organisation de cette petite fourmilière en classe ouverte est possible uniquement parce que nous sommes déjà trois enseignants, du moins trois plus une, dans le sens où il y a une personne qui est modulatrice pour nos temps de décharge, parce que nous sommes deux maîtres formatrices. Et nous avons aussi trois Atsem. Alors ça, c’est une grande chance, de la part de l’agglomération de Chaumont, de nous amener une Atsem par classe. Et donc, en fait, c’est une vraie communauté éducative qui travaille autour de ce projet. C’est vrai que ça ne serait pas possible si tout le monde ne s’investissait pas dans cette aventure.

Cette organisation est possible par rapport à un vrai travail avec l’Atsem. Elle n’est plus juste une exécutante cantonnée à un atelier, mais elle a une certaine part d’autonomie dans son travail. Et une fois que je sais qu’elle maîtrise un atelier et qu’elle est capable de le présenter – sur des ateliers, par exemple de motricité fine, etc. –, elle a toute autonomie en fonction de la progression de l’enfant et en fonction de la sollicitation de l’enfant pour aller le présenter. J’ai la chance de travailler avec un binôme qui est extrêmement partante pour cette façon de fonctionner, qui est très demandeuse de nouveautés. Ce qui n’est pas toujours le cas de toutes les Atsem. Et du coup, il faut être à l’écoute des besoins de chacun pour que ça fonctionne. Il faut être à l’écoute des Atsem ou même des enseignants qui n’ont pas encore fait tout le chemin que j’ai moi-même fait, ou elles en ont fait un autre bout et, du coup, on essaye de comparer et d’avancer ensemble.

On a beaucoup d’ateliers individuels d’apprentissage à disposition des élèves. Ça répond à plusieurs besoins. Déjà un besoin de déplacements chez les petits, ils ont besoin de bouger. Donc, cette ouverture dans les espaces, quand on en a discuté avec docteure Guéguen, elle disait que c’était tout à fait en adéquation avec le développement de l’enfant des petites sections. Et puis, ça permet aussi d’aller au rythme de chacun. C’est vrai qu’on a des élèves, des classes, très hétérogènes. Déjà, quand ils arrivent, ils ont parfois un an d’écart, parce qu’entre un enfant de janvier et un enfant de décembre, il y a un an. Mais, voilà, chacun va à son rythme. Ça nous permet d’aller aussi au rythme des enfants qui sont en difficulté et [ça permet aussi] qu’ils ne se sentent pas toujours les derniers. Par exemple, un élève de grande section qui sera en difficulté, il est toujours plus fort qu’un petit qui vient d’arriver et donc, en termes de confiance en soi, en termes d’autonomie, ça répond à l’évolution de la société actuelle, en tout cas des élèves qu’on a dans notre école.

Cet aménagement permet aussi de mettre l’accent sur les fonctions exécutives : tout ce qui est mémoire de travail, tout ce qui est la fonction d’inhibition, qui est indispensable, tout ce qui est la flexibilité cognitive, la planification, rendre les enfants autonomes… Tout ça va faciliter la scolarité par la suite et c’est indispensable de travailler ça en maternelle. Et donc, cet aménagement permet vraiment tout ça.

[Extrait d’un atelier avec les élèves]

« UN ÉLÈVE : Est-ce que tu vois quelque chose qui commence par "B" ?

UN AUTRE ÉLÈVE : Ballon ! »

[Fin de l’extrait]

La classe ouverte, c’est un gros chamboulement en termes de posture, en termes de beaucoup de choses, mais ça vaut vraiment le coup. Quand j’essaie de faire une petite synthèse, là, des élèves qui vraiment marqué… je vois une petite fille qui était assez discrète et qui demande énormément d’ateliers et, finalement, va dans les apprentissages bien plus vite que ce que je n’aurais jamais pu proposer, alors que j’avais les mêmes niveaux avant. Je suis… Finalement, ça nous oblige à être ambitieux pour ces élèves-là, parce qu’on va beaucoup plus loin, parce qu’ils le demandent. Et du coup, on avance sur des choses que je n’avais jamais traitées, alors que ça fait vingt ans que je suis en maternelle ! Et l’autre petit aspect qui vraiment m’étonne, qui m’émerveille, c’est de voir des petites sections qui sont du mois d’octobre [enregistrement fait en février 2022], là, et de les voir déjà s’intéresser à de la phonologie, au tracé des lettres, alors que je ne leur présente pas du tout, mais c’est juste par imitation et par observation des grands. Ils vont questionner d’eux-mêmes les grands en leur disant : « Tu me montres cet atelier-là ? » Alors qu’a priori, je n’aurais jamais pensé proposer ce genre de choses chez des petites sections, encore moins à quelqu’un qui commence tout juste à parler. Leurs yeux brillent quand les grands montrent quelque chose. C’est juste merveilleux de voir ça.

[Extrait d’un atelier avec les élèves]

« UN ÉLÈVE : Je peux te montrer. Il faut faire des vagues avec tous ces crayons. Comme ça… Enfin, je crois… Et après il faut mettre dans ton casier ! »

[Fin de l’extrait]