Anne Mallet, professeure des écoles, participe à l'opération « Enthousiasme orthographique » initiée en 2019 dans la circonscription du Creusot. Cette nouvelle méthode vise à améliorer l’apprentissage de l’orthographe. En 2021, elle a reçu le prix « Chercheurs en Actes » du Conseil scientifique de l’Éducation nationale dans la catégorie « Égalité des chances ». Trois chercheurs accompagnent ce dispositif qui propose des outils innovants pour la classe (arbre programmatique, boîte mémoire, cartes d’encodage, etc.) conçus à partir d’études en neurosciences. Actuellement, plus de 2000 élèves bénéficient de ces innovations pédagogiques permettant d’entrer avec enthousiasme dans l’écriture orthographiée et la lecture dès la grande section, et de construire des bases solides en orthographe jusqu’à la fin du cycle 3. Anne Mallet nous emmène dans sa classe pour nous parler de l’enthousiasme orthographique et comment ces outils l’aident dans sa pratique pédagogique.
- Opération « Enthousiasme orthographique », site présentant la méthode et les outils de ce dispositif.
- Le prix Chercheurs en Actes du CSEN (conseil scientifique de l’Éducation nationale), site de Réseau Canopé.
La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.
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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.
Émission préparée et réalisée par : Floriane Le Maître et Michèle Berteau
Réalisée par : Floriane Le Maître
Directrice de publication : Marie-Caroline Missir
Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance
Mixage : Laurent Gaillard
Secrétariat de rédaction : Nathalie Bidart
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© Réseau Canopé, 2022
Transcription :
Je m’appelle Anne Mallet, j’ai 57 ans. Je suis enseignante depuis l’âge de 21 ans, donc voilà, ça fait… ça commence à faire…
[Extrait : l’accueil des élèves par Anne Mallet]
« Plusieurs voix d’élèves : Bonjour !
ANNE MALLET : [rire] Allez, range ta balle.
UN ÉLÈVE : J’la mets là ?
ANNE MALLET : Oui. »
[Fin de l’extrait]
Au mois de septembre, j’ai accepté l’opportunité de travailler à mi-temps sur le poste d’enseignante à l’école des Prés-Calards au Breuil, et à mi-temps, à l’inspection, auprès de l’inspectrice pour travailler en collaboration avec Marc Boudot sur le projet « [Opération] Enthousiasme orthographique ».
[Extrait : séance éducative d’Anne Mallet]
« ANNE MALLET : T’es avec qui Noah ?
NOAH : Ben…
UNE ÉLÈVE : Moi, je suis avec Molly.
ANNE MALLET : OK. Allez, à vos places. Préparez-vous… »
[Fin de l’extrait]
Moi, quand j’avais ma classe, avant « Enthousiaste orthographique », je faisais deux séances d’orthographe par semaine : une séance d’orthographe lexicale où, effectivement, je faisais copier des mots et je faisais une dictée, et une séance d’orthographe grammaticale où je faisais des préparations de dictée. Il y a toujours eu des enfants qui étaient bons en orthographe, qui font des dictées sans faute ou quasiment sans faute, et puis il y a des enfants qui sont en grande difficulté. Moi, je ne suis pas tellement du genre à regarder en arrière, je suis plutôt du genre à me dire : « Bon, ben maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? » Donc, je continue mes séances d’orthographe et orthographe grammaticale avec ma propre façon de faire, mais j’ai introduit l’orthographe lexicale avec la méthode « Enthousiasme orthographique ». Et, effectivement, dans les évaluations que j’ai faites en classe et dans les évaluations que j’ai pu faire aussi dans les classes visitées, il s’avère que les enfants font assez peu de fautes dans les mots qu’ils ont préparés.
[Extrait : séance éducative d’Anne Mallet]
« ANNE MALLET : Allez, on s’installe…
[Murmures entre deux élèves : – Vrai… Non, vrai – Quoi ? – Vrai – Eh ben…]
ANNE MALLET : Mets-le dans un contexte, Jessyca, s’il ne comprend pas le mot.
JESSYCA : Mmmm. C’est ‟vrai”.
ANNE MALLET : Ah, voilà…
UN ÉLÈVE : Ah, vrai ?
JESSYCA : Oui. »
[Fin de l’extrait]
Il y a une chose qui est très intéressante, c’est l’arbre à mots, l’arbre programmatique qu’on appelle l’arbre à mots. Là, je trouve que c’est vraiment quelque chose qui est très, très bien fait. En fait, Marc est parti du postulat qu’il y a 37 sons et 151 manières d’écrire avec des graphèmes. Donc, il a regroupé chaque phonème avec toutes les façons différentes de l’écrire. Par exemple, le son /f/. Il peut s’écrire soit « f », soit « deux f », soit « ph ». Et les enfants voient que la plus grosse étiquette, c’est le « f », parce que c’est celle qui est utilisée le plus souvent dans l’orthographe française. Et qu’est-ce qu’il y a à côté du « f » ? Il y a une petite fée. Voilà.
Le mot est écrit par transparence sur l’album [Tatou] et il va le trouver dans le livret. Dans le livret, il va écrire le mot « mensonge » avec le /ɑ̃/ [prononcer « en »] de mensonge qui est le « e-n ». Donc, c’est un graphème difficile. Donc, le « e » va être en couleur et le /ʒ/ [prononcer « ge »] de mensonge, comme ce n’est pas le /ʒ/ le plus connu – le /ʒ/ le plus connu, c’est le « j » –, ça va être en rouge aussi. Le lendemain, il va l’écrire sur son ardoise, « mensonge », en gris. Le lendemain, le copain va lui demander de l’épeler, il va dire : « m-e-n-s-o-n-g-e ». Et le lendemain encore, l’enfant va dire l’opacité, c’est le /ɑ̃/, « e-n », et c’est le /ʒ/, « g-e ». Si les trois étapes sont validées, il prend sa petite étiquette et il la colle dans son album Tatou. C’est un peu une réminiscence des albums Panini. Voilà, c’est comme ça que la méthode a été construite par Marc Boudot. Mais là, les enfants ne l’ont vu que quatre fois, le mot. Et ce n’est pas tellement « expansé », quatre fois. D’où l’intérêt de ce qu’on va voir cet après-midi, ce sont les « dictées hasard ».
[Extrait : séance éducative d’Anne Mallet]
« ANNE MALLET : Qu’est-ce qu’il y a, Jessyca ?
JESSYCA : S’il s’est trompé, on fait quoi ?
ANNE MALLET : Alors, s’il s’est trompé, ben on laisse. Là, on est en évaluation. »
[Fin de l’extrait]
Des « dictées hasard », j’en deux par semaine. J’en fais le lundi et le jeudi. Les CE2 vont piocher dix mots et les CM1 vont piocher treize mots. Les enfants prennent l’album Tatou du copain et regardent les mots qui ont été collés et ils leur posent des questions. Ils leur demande d’épeler, ou d’écrire, ou de donner l’opacité des mots qui ont été collés. Donc, ça fait travailler autant celui qui pose des questions que celui qui écrit. En fait, l’enthousiasme vient du fait qu’ils sont autonomes à leur tâche, qu’ils s’autoévaluent et qu’on n’est pas sur des mots qu’on copie dix fois à la maison, par exemple, et qu’on doit restituer le lendemain sous la contrainte de la dictée.
[Extrait : remise du prix Chercheurs en Actes]
« STANISLAS DEHAENE : Je vais vous parler donc du troisième prix, le prix ‟Égalité des chances” ; avec un lauréat : l’‟Opération Enthousiasme orthographique”. [Applaudissements] »
[Fin de l’extrait]
C’était en octobre. On est montés à Paris. Donc, c’est monsieur Stanislas Dehaene qui nous a remis le prix et c’était le prix « Égalité des chances » pour [le prix] Chercheurs en Actes. Pourquoi c’est l’égalité des chances ? Parce qu’en fait, tout le travail se fait en classe. L’entièreté du travail se fait en classe parce que copier les mots, les épeler, donner l’opacité et les dictées hasard se font par le copain, sur le temps d’accueil. Ce n’est pas très long. On préconise 20 minutes d’orthographe lexicale par jour. Ça fait 20 minutes. Copier trois mots le matin, ça prend, allez, ça prend 3-4 minutes. Et puis, le rituel de l’après-midi, ça prend 10 minutes, un quart d’heure. Donc, on est à 20 minutes par jour. S’ils ont réussi à terminer le travail qu’on leur propose, ils devraient avoir appris et collé 300 mots ; qui ne sont pas les mêmes que les 300 mots de CE2 ou de CM1, ou de CM2. Ce sont des mots différents pour chaque classe.
En fait, ce sont les mots les plus usités dans la langue écrite française. Ce sont les travaux de Nina Catach, qui a fait un travail de collecte de mots dans des textes, en voyant quels sont ceux qui sont les plus usités, à l’écrit, dans la langue française.
[Extrait : séance éducative d’Anne Mallet]
« UNE ÉLÈVE [lisant le cahier Tatou d’un autre élève] : … expression… marchand…
L’AUTRE ÉLÈVE [comptant les mots] : Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze… »
[Fin de l’extrait]
J’ai tout simplement commencé par aller voir sur le site. Voila. J’ai écouté les enseignants qui expliquaient leur expérience. Et puis, tout est écrit, et sur la boîte et dans les albums [Tatou], c’est tout écrit. C’est-à-dire que, pour quelqu’un qui débute, il est tout à fait possible de suivre le tuto et de s’en sortir.
Les enfants savaient que je travaillais le jeudi et le vendredi pour la boîte-mémoire. Je leur avais dit : « De toute façon, on va travailler ensemble pour améliorer la façon de s’en servir. » Donc, on a changé plusieurs fois le rituel dans l’année, mais ça ne les a pas dérangés.
[Extrait : séance éducative d’Anne Mallet]
« ANNE MALLET : Ouuuuh, un dur, alors attention. Personnage. Personnage… Combien de consonnes ?
UN ÉLÈVE : Trois.
ANNE MALLET : Alors, il en faut combien ?
UN ÉLÈVE : Deux ? »
[Fin de l’extrait]
Il s’avère que la méthode « Enthousiasme orthographique » connaît un vif succès auprès de pas mal d’enseignants de la circonscription. Elle commence à essaimer auprès d’autres circonscriptions. Et voilà, on m’a demandé de travailler avec Marc Boudot pour apporter une… On va dire pour apporter une consistance un peu pédagogique. Parce que je travaille en étroite collaboration avec lui, mais aussi avec l’inspectrice. On se voit très régulièrement pour faire le point, pour échanger sur la pédagogie, sur la méthode. Il y a aussi le fait que je vais voir les enseignants dans les classes qui pratiquent la méthode pour récolter les façons de l’amener en classe, ce qui marche, ce qui ne marche pas. Marc Boudot est aussi très à l’écoute de ça, parce qu’il a envie que sa méthode perdure. Ce que je comprends, parce que c’est une méthode intéressante et pour qu’elle se perfectionne. Et du coup, mon travail, c’est aussi ça.
[Extrait : séance éducative d’Anne Mallet]
ANNE MALLET : Ouaaaah ! Alors là c’est très, très bien, zéro faute.
UN ÉLÈVE : Ooooooh ! Oooh…
ANNE MALLET : Bon, c’est du bol, ça, non ?... Non ! C’est du travail, il faut dire ! »
[Fin de l’extrait]
Je suis attirée par cette façon d’aborder l’orthographe parce que ça fait partie de mes convictions profondes que, quand un enfant vient dans la classe, j’ai envie qu’il vienne avec plaisir. Voilà. Donc, tout ce qui peut participer à ça… est une chose qui m’intéresse.
[Extrait : séance éducative d’Anne Mallet]
« ANNE MALLET : Allez, à vos places... »
[Fin de l’extrait]