Comment décrypter les fake news et se faire enquêteur en compagnie d’un journaliste professionnel ? Véronique Bischoff, enseignante en ST2S, travaille depuis 2021 avec Fake Off, une association de journalistes qui intervient en milieu scolaire. Sensibiliser les élèves au métier de journaliste, leur transmettre une méthodologie pour analyser les informations et surtout des outils pour identifier les fausses informations, voilà le programme pour ces classes de 1re de la filière Sciences et technologies de la santé et du social. Véronique nous emmène dans sa classe pour une séance avec Pierrick, journaliste de Fake Off. Elle nous explique pourquoi l’information et les médias ont toujours tenu une place importante dans sa pédagogie, et comment elle travaille avec ses élèves pour en faire des citoyens alertes et critiques vis-à-vis de l’information, et de la désinformation.

  • Fake Off, site de l'association des journalistes professionnels engagés sur le terrain de la lutte contre la désinformation chez les jeunes.


La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.

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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée et réalisée par : Floriane Le Maître

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance

Mixage : Simon Gattegno

Secrétariat de rédaction : Blaise Royer

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr

© Réseau Canopé, 2022


Transcription :

Je suis Véronique Bischoff, professeure en sciences et techniques médico-sociales depuis plus de 20 ans.

[Extrait : séance sur les fake news en classe]

« PIERRICK TAISNE [intervenant Fake Off] : Donc, si je ne me trompe pas, vous avez : “Un groupe financé par Bill Gates a breveté le virus causant le Covid.”

VÉRONIQUE BISCHOFF : Voilà, c’est ça… le groupe numéro trois. »

[Fin de l’extrait]

Par le biais de la Semaine de la Presse, j’ai toujours mis en place des ateliers avec les élèves. Et l’an dernier, totalement par hasard, alors que j’étais au volant de ma voiture, j’ai entendu sur France Info une journaliste qui était en train de parler de l’association Fake Off et qui expliquait leur façon d’intervenir en classe. Et ça m’a fortement intéressée parce que, depuis quelques années, je constate que les élèves travaillent avec des nouveaux médias, et parfois manquent de recul, et n’ont pas nécessairement toujours le regard critique par rapport à ce qu’ils entendent ou ce qu’ils voient.

[Extrait : séance sur les fake news en classe]

« PIERRICK TAISNE : L’objectif tout simplement aujourd’hui, ça va être de mettre en pratique ce qu’on a fait ensemble il y a quinze jours. Comment vous avez confirmé ou infirmé cette information ? Le plus important, ça va être d’argumenter : pourquoi c’est vrai ? Pourquoi c’est faux ? Et surtout, derrière, les conséquences que ça peut avoir sur vous, sur un groupe, sur la société, sur différentes personnes qui vous entourent. »

[Fin de l’extrait]

Fake Off intervient en deux fois. Une première intervention, où ils sont là pour présenter leur association, bien évidemment, pour présenter aussi le métier de journaliste et insister sur le fait que le journaliste est là pour apporter des faits. Donc, c’est la première intervention de l’association Fake Off : travailler sur comment est générée l’information et, aussi, sur comment peuvent se générer certaines fake news, certaines désinformations. On utilise à ce moment-là les premiers outils pour pouvoir traquer ces fake news. Par exemple Décodex, qui est un des outils les plus utilisés, proposés par [le quotidien] Le Monde.

On peut aussi utiliser la recherche inversée – à partir de mots-clés de ce qu’on a lu –, puis faire nos recherches et pouvoir identifier si cette photo existe vraiment, si cette information existe vraiment, ou si elle a été ressortie de son contexte et réutilisée à mauvais escient parfois.

On a aussi d’autres choses : un site par le biais d’Amnesty International, qui permet aussi de travailler les vidéos.

Après, il y a aussi tout le travail que nous avons appris, au départ de la recherche documentaire, qui est de faire des recherches sur les sites qu’on va utiliser : qui est responsable de ce site ? Depuis quand ce site existe ? Est-ce qu’il est réactualisé ? Enfin, toutes ces petites démarches que l’on peut mettre en place et qui vont nous permettre d’identifier si on est face à un site qu’on peut utiliser ou pas.

[Extrait : séance sur les fake news en classe]

« VÉRONIQUE BISCHOFF : Donc, le vaccin contient une micropuce.

UNE ÉLÈVE : En cherchant sur Internet, on a trouvé plusieurs sites qui notaient que l’information était fausse. Déjà on a regardé sur Sciencepost, c’est un site fiable. Mais il faut relier avec d’autres informations et d’autres sites. Pour confirmer que c’est une fake news, on a regardé une vidéo. C’est un infirmier qui explique que c’est impossible de mettre une puce dans un vaccin pour le mettre dans le bras. »

[Fin de l’extrait]

On est partis d’informations – vraies ou fausses d’ailleurs – qui concernent plus particulièrement le sanitaire au vu du contexte dans lequel on est. Et les élèves ont dû, en binôme, se faire enquêteurs à partir d’une info qu’on leur a proposée : vérifier si l’info était vraie ou fausse ; pouvoir argumenter en quoi cette information était vraie ou fausse ; expliciter d’où partait cette information, quand elle a commencé à être véhiculée et pourquoi. Et, au final, montrer quelles étaient les conséquences que pouvait avoir une telle information, surtout si elle était fausse.

La deuxième intervention consistait à faire cette présentation orale de leur travail devant Pierrick et, donc, devant leurs camarades de classe, ce qui était aussi un entraînement à la préparation du grand oral qui sera prévu en fin d’année de terminale.

[Extrait : séance sur les fake news en classe]

« VÉRONIQUE BISCHOFF : Par rapport à l’argument que vous avez donné, qui était de dire : "On a vu une vidéo, ça a été fait par un infirmier". Ok, mais quelle est la source, en fait ?

PIERRICK TAISNE : Sachez que pendant la campagne de vaccination, au début de la campagne de vaccination, il y a beaucoup d’infirmiers, de pompiers, qui ont pris la parole pour s’élever contre le vaccin, qui, après, ont été suspendus par l’administration. Mais comme quoi le fait d’être pompier, infirmier… Ça ne veut pas forcément dire qu’il faut absolument tout croire. Il faut quand même vérifier derrière. »

[Fin de l’extrait]

Quand il y a un intervenant extérieur, il faut savoir que les élèves aiment beaucoup. Parce que c’est pouvoir faire rentrer aussi au sein de l’école des professionnels. Évidemment, un professionnel n’a pas la même approche qu’un enseignant. Je me suis rendu compte que quand l’échange se faisait vraiment avec le professionnel, certains élèves qui sont très discrets en classe vont commencer à participer beaucoup plus facilement. Donc, ça laisse vraiment une autre dynamique, on n’est plus dans la salle de classe, on est dans l’échange avec un professionnel.

Ensuite, c’est à nous, enseignants, quand on reprend avec eux tout ce travail-là, de pouvoir leur montrer à quel moment on peut réinvestir ce que ce qu’a dit Pierrick ou réinvestir ici ce qu’on avait vu au mois d’octobre, quand on a parlé de la recherche sur Internet et de cette démarche de travail qu’on veut mettre en place pour vérifier qu’un site peut être utilisé ou pas utilisé.

[Extrait : séance sur les fake news en classe]

« UN ÉLÈVE [à la fin de la présentation orale du travail de groupe] : Si vous avez des questions.

PIERRICK TAISNE : Moi, j’en ai : le tweet, il est parti de qui ?

UN ÉLÈVE : de Pinsol Kifen [nom du compte].

PIERRICK TAISNE : Qui est ?

UN ÉLÈVE : Je ne sais pas. 

PIERRICK TAISNE : Voilà. Que vous ne sachiez pas c’est normal. Après, vous auriez pu faire la recherche, donc vous auriez pu voir… je pense que ce n’est personne. Mais c’est important, quand vous faites une présentation comme ça, de bien dire d’où est parti le tweet. C’était une des consignes : d’où est partie la rumeur ? D’où est partie la fausse information ? Pour se rendre compte qu’en fait c’est le travail de cette personne qu’on va vérifier. C’est pourquoi elle a fait ça. » 

[Fin de l’extrait]

Et donc, on va terminer notre travail – qu’on a débuté en octobre avec la recherche documentaire et ce point de programme, et l’intervention de Fake Off à deux reprises – par la Semaine de la Presse de fin mars. Ce qui va nous amener à travailler en partenariat avec les collègues du CDI et à mettre en place une classe investigation dont le thème est le procès de Bobigny, où les élèves vont devenir des journalistes à part entière puisqu’ils vont suivre ce procès, soit par le biais de textes, de vidéos ou même d’audios. Et ils vont pouvoir se rendre compte de l’importance des médias et des informations que l’on peut divulguer à un moment donné et qui vont faire évoluer aussi la législation, les positions des pouvoirs publics. Cette loi de 1975 sur l’avortement est un bon exemple pour les élèves et dans la continuité du travail qu’on met en place autour de l’information.

Bien sûr que j’ai appris beaucoup de choses, notamment lors de la première intervention. J’ai découvert des outils qu’ils ont présentés, que moi-même je n’utilisais pas. J’ai pris aussi, par exemple, de la distance par rapport au fait que j’avais tendance un peu à diaboliser les réseaux sociaux. Et de faire un certain deuil aussi d’une manière de travailler, puisque depuis très longtemps je travaillais avec la presse écrite. Et c’est vrai que progressivement, je me suis rendu compte que cette presse écrite-là n’était plus le support privilégié des élèves. Donc, c’était à moi de m’adapter à la nouvelle génération qui arrivait. Si les élèves utilisaient cet outil et que c’était leur outil privilégié, il fallait bien que moi, je m’adapte également. 

Le B.A.-BA en sanitaire et social, c’est d’être informé, donc on ne peut pas passer outre et l’information ne peut pas venir que par le biais du professeur. Et on a même travaillé au tout début sur des articles de presse que les élèves choisissaient et présentaient à toute la classe, justement dans l’idée de générer cette culture générale spécifiquement ST2S, sur le sanitaire et le social. Voilà, j’ai le sentiment que je l’ai toujours fait. Et je pense que je l’ai toujours fait en définitive.