Françoise Égrot est enseignante dans une école primaire en milieu rural et conteuse pour le Parc naturel régional des Boucles de la Seine Normande. Elle a choisi d’allier sa passion pour les histoires et son métier d’une façon originale. Pour permettre à ses élèves de mieux se connaître et de mieux connaître leur environnement, elle a conçu plusieurs types de balades contées. Quelle que soit l'activité physique, elle guide ses élèves par des récits qui réinvestissent les éléments abordés en classe. De la randonnée aux exercices d'assouplissement corporel, Françoise cherche avant tout à offrir aux élèves les conditions de la confiance en soi et de l’ouverture au monde.

La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.

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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée et réalisée par : Fanny Milhe Poutingon

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance

Mixage : Myriam Naciri

Secrétariat de rédaction : Aurélien Brault

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr

© Réseau Canopé, 2022


Transcription :

Je m'appelle Françoise Égrot, je suis enseignante dans une école élémentaire en milieu rural et j'emmène mes élèves en balade.

Ce sont soit des randonnées, soit des balades-yoga ou balades-sport ou dans un autre domaine, pour qu'ils fassent des expériences qui leur permettent de savoir qui ils sont, de se construire, d'appréhender leur milieu, de bien s'y enraciner pour pouvoir aller ensuite vers le monde.

L'idée première, c'est que j'avais constaté une méconnaissance assez importante de leur environnement qui faisait que je voyais mal comment ils pouvaient s'inscrire dans un environnement plus large en ne maîtrisant pas ce qu'ils avaient à proximité.

Ensuite, j'ai fait une formation au parc de Brotonne, pas destinée à l'école dans un premier temps, et j'ai créé une bibliothèque enfantine dans le village parce qu'il n'y en avait pas. Donc, je suis allée me former à l'Association pour l'animation du parc de Brotonne et j'ai fait la gestion d'une bibliothèque en milieu rural. Le conte est venu s'inscrire tout naturellement ensuite dans ma pratique scolaire et je l'ai utilisé aussi dans le cadre de balades qui étaient aussi géographiques, historiques. Mais il y avait toujours une partie racontée, un fil conducteur qui me permettait d'emmener les enfants plus facilement. J'avais l'impression de faire du mieux ce que je m'étais fixée, ce que je souhaitais leur voir acquérir. Et ça a bien fonctionné donc j'ai continué. Par rapport aux balades-yoga, par exemple, je n'ai pas démarré dans un premier temps par cela. J'ai d’abord observé des enfants qui étaient de plus en plus fatigués, des enfants peu disponibles. Et puis, au fil du temps, j'ai observé d'autres choses, des difficultés motrices, que ce soit de la grande motricité ou de la motricité plus fine. Des enfants qui avaient du mal à courir, à sauter, à attraper un ballon, des difficultés de concentration ou, bien évidemment, des difficultés dans les relations, des difficultés dans l'estime de soi, dans sa capacité à faire. Je pratiquais le yoga et j'ai trouvé à un moment donné que ça pouvait être une réponse pour relier toutes ces choses-là ensemble. Et j'ai posé sur cette pratique de yoga le même principe d'histoire qui était lié à ce qu'on faisait en classe. Je n'ai pas fait le yoga pour le yoga mais pour ce qu'il pouvait apporter aux autres domaines.

[Extrait : séance de balade-yoga]

« FRANÇOISE ÉGROT : Nous allons commencer notre promenade sur le dos, comme habituellement. Voilà, les jambes allongées, les bras le long du corps. On est complètement, complètement relâché. "Tout au fond de son nid, l'oisillon roulé dans sa coquille se sent à l'étroit. Il bouge sa tête." On inspire par le nez. Et on expire en laissant sa tête basculer vers la droite. »

[Fin de l’extrait]

C'est souvent parti d'un thème de lecture, de sciences ou même de mathématiques. J'ai un thème sur lequel je bâtis ma séance. Si j'ai une récréation avant ma séance, je ne fais pas d'échauffement mais, en principe, je fais toujours un échauffement, ma séance racontée et un moment de relaxation.

Dans les objectifs généraux, la première chose est de mieux se connaître, mieux connaître son corps et mieux se connaître, c'est d’exercer ses sensations, de gérer et canaliser ses émotions. Après, il y a tout ce qui est souplesse et des choses comme ça mais, d'abord, c'est mieux se connaître pour mieux appréhender le monde. Je trouve qu'on passe tellement de temps avec eux qu'il faut être extrêmement attentif à ce qu'ils sont. C'est tellement différent d'un enfant à l'autre et il y a des besoins tellement différents, des attentes tellement différentes. Il faut se creuser sinon l’école peut être une douleur. Il faut qu'on trouve les leviers pour qu'ils s'y sentent bien, pour qu'ils aient des moments pour souffler, des moments en retrait et des moments valorisants. Parce que ce que l'on retrouve le plus, au fil du temps, c'est la mauvaise image de soi et de ne pas se sentir capable. On a quand même des générations d'enfants qui, quand vous leur proposez quelque chose, ont d'abord un mouvement de recul alors qu'on n'avait pas ça il y a quelques années. Peut-être qu'ils ne se font pas confiance. Je trouve que c'est à nous de créer les conditions de la confiance. Il faut qu'ils aient l'impression que tout est possible parce qu'ils ont ça en eux. Et, souvent, ils le méconnaissent.

[Extrait : séance de balade-yoga]

« FRANÇOISE ÉGROT : On pousse sur ses pattes ; en inspirant, on remonte les fesses et le ventre. Vas-y Baptiste. On pousse sur ses mains à plat sur le sol. On rentre, allez, on rentre bien les fesses. Baptiste, c'est parfait. Gaspard, c'est très bien. Inès, c'est parfait. On repousse tout doucement. “Et bien, se dit-il enchanté, jamais encore je n'avais fait toutes ces choses, que c'est passionnant à découvrir.” Vous êtes d’accord, c'est passionnant à découvrir ?

LES ÉLÈVES : Oui ! »

[Fin de l’extrait]

J’ai un garçon qui avait des gros problèmes de motricité, qui marchait difficilement, qui ne courait pas du tout. Quand j'ai commencé à lui proposer ces séances-là, il a adoré d'emblée. Pourtant, on voyait bien que c'était difficile pour lui. Mais il a essayé tout de suite et on sentait bien qu’il essayait de se dépasser. Il a progressé d'une façon spectaculaire. Ça a eu un impact sur d’autres pratiques. Par exemple, on a fait de la course longue. Il faisait comme il le sentait. Au début, il marchait. Et puis, de fil en aiguille, il a couru jusqu'à trois ou quatre minutes sans interruption et il en éprouvait une joie extraordinaire.

Donc, quand vous voyez ça, vous vous dites « Je pense que je ne me suis pas trompée. » Il y a des enfants pour qui ce n’est sûrement pas la première activité. Les garçons qui sont hyperactifs, ce n'est pas ce qu'ils vont préférer. Il n'empêche qu'ils sentent bien que ça leur a apporté quelque chose. Là, ce que je vois, c'est que les enfants me disent spontanément : « Quand est-ce qu'on refait du yoga ? Quand est-ce qu’elle est la séance ? » Et quand je leur dis : « On en fera mardi », le mardi ils me disent « À quelle heure est-ce qu'on y va maîtresse ? »