Professeure des écoles à La Réunion, Véronique Léandre a souvent construit sa pratique autour de projets fédérateurs. En 2016, elle crée avec ses élèves l’une des premières aires marines éducatives de France. La plage de Saint-Leu et son lagon, à proximité de l’école, deviennent le cadre idéal de cette AME gérée par sa classe de CM2. « Vivre la mer », « connaître la mer » et « transmettre la mer » sont les trois axes de cette pédagogie active. Au-delà de l’aspect environnemental, l’AME mobilise l’ensemble des connaissances et compétences faisant des élèves les acteurs naturels de leurs apprentissages. Voir ses élèves exprimer leur besoin d’enseignement pour mener à bien le projet d’AME est une grande source de motivation pour leur professeure.


La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.

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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée et réalisée par : Louis Compoint

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance

Mixage : Simon Gattegno

Secrétariat de rédaction : Aurélien Brault

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr

© Réseau Canopé, 2022


Transcription :

Je m'appelle Véronique Léandre, je suis professeure des écoles dans l'école élémentaire de Saint-Leu Centre (La Réunion) depuis plus de 22 ans.

Saint-Leu est une ville balnéaire qui se trouve sur l'île de La Réunion. J’enseigne dans une classe de cycle 3, avec des élèves de CM2. En étant installés comme ça sur la plage, c’est vrai qu'on entend le bruit des vagues au loin, avec un petit souffle de brise qui vient caresser les cheveux. On est face au lagon qui est délimité par des bandes rocheuses, avec, en face, la barrière de corail sur laquelle des vagues s'écrasent. Et puis, autour de nous, le sable blanc.

Au-dessus du poste de secours flotte le drapeau de notre AME – aire marine éducative. C'est une zone littorale de petite taille qui est gérée par des élèves d'une école primaire et en l'occurrence des élèves de CM2.

Dans le projet d'aire marine éducative, il y a trois axes à développer : le « vivre la mer », le « connaître la mer » et le « transmettre la mer ». Donc, bien évidemment, bien vivre la mer, c'est aller sur la plage, l'observer, s'approprier le site en écoutant, en étant sensible au ressenti qu'on peut avoir sur le site, en s'immergeant en palmes, masque et tuba dans le lagon pour regarder les poissons et les coraux. Vivre la mer, c'est vraiment s'imprégner de tout l'environnement, de tout ce qu'on voit, tout ce qu'on entend, tout ce qu'on sent. Quand on était venu pour la première séance sur la plage, les élèves avaient apporté des feuilles Canson®, des feuilles de classeur, etc. Ils devaient dessiner ce qu'ils voyaient, écrire ce qu'ils entendaient, ce qu'ils pouvaient toucher, etc. À ce moment-là, un élève était en train de faire un dessin. Puis un autre camarade s’est approché de lui et lui a demandé : « Mais qu'est-ce que tu fais ? » « Mais regarde, je fais le dessin de la baleine qu'il y a là-bas, au large. » Et c'est ainsi que, ce qu'un élève avait vu, avait ouvert les yeux à d'autres élèves. Et puis ils étaient partis sur ce qu'ils entendaient, le bruit des vagues, sur ce qu'ils touchaient, le sable, sur ce qu'ils voyaient, les petits crabes « fantômes » qui se promènent sur la plage. Et arrivés en classe, lorsqu'on a fait une mise en commun, on a vu un petit peu comme notre aire marine éducative était riche et tout ce qu'on pouvait exploiter durant une année scolaire via ce projet.

Concernant le deuxième objectif, connaître la mer, il est important que les élèves aient un apport de connaissances sur le milieu marin. Et c'est là où on doit se tourner vers différents partenaires, des scientifiques, des professionnels de la mer, qui travaillent sur l'étude du milieu – l'étude du sable et les profils de plages –, l’étude du récif corallien, lorsqu'on fait des Reef Check, sur l'analyse des déchets qu'il y a sur site. Et sans oublier les partenaires qui travaillent sur les plantes parce qu'il est important de végétaliser les plages. C'est ainsi que le « connaître la mer » est transmis par des intervenants qui viennent en classe ou sur site leur apporter des connaissances.

Le troisième axe est un axe très important pour moi : transmettre la mer. La transmission, ce sont les élèves qui la font. Comment ? Ils vont rencontrer des élèves de l'école et vont transmettre leurs connaissances. Tout ce qu'ils ont appris, ils vont devoir l'expliquer aux camarades de CP, de CM2. Comment est-ce qu'ils font ? Ils organisent des expositions, ils utilisent des affiches – ils font des dessins, ils réalisent des écrits –, ils réalisent également des vidéos et, ensuite, ils accueillent des élèves en classe ou sur site, c'est ce qu'il y a de mieux. Et, à partir de là, ils apprennent aux élèves des autres classes quelle est leur mission, comment est-ce qu'ils font, comment est-ce qu'ils procèdent et ce « transmettre la mer » est pour moi une façon de valider les acquis de mes élèves.

Avec ce projet, mes élèves mettent en place énormément d'actions et ils deviennent au fil des jours de vrais petits citoyens de la protection de l'environnement. Ils disent qu'ils veulent que leur plage soit plus belle pour que les générations de demain aient un site en bonne santé. Ils parlent beaucoup de la bonne santé de leur plage.

Le projet d'aire marine éducative est pour moi un projet qui est extrêmement riche parce qu'il m'amène, dans ma pratique de classe, à faire travailler les élèves en mathématiques, en français, en histoire, en géographie, en éducation sportive. C'est un projet qui amène les élèves à développer énormément de compétences dans toutes les disciplines que nous devons aborder en classe. Je me rends compte qu'au fur et à mesure les élèves sont extrêmement impliqués dans leurs apprentissages et sont extrêmement motivés. C’est-à-dire qu'aujourd'hui je vais leur dire : « Hier, vous m'avez parlé de telles actions qu'il fallait mener. Qu'est-ce qu'il faudrait mettre en œuvre pour qu'on puisse ensuite faire cette action ? » Et du coup l'apprentissage prend une autre dimension. Ça ne devient plus quelque chose qu'on leur impose mais c'est vraiment eux qui sont en demande. Ils ont besoin de connaître pour pouvoir l'expliquer et c'est là où c'est intéressant parce qu'ils apprennent sans s'en rendre compte.

Je n'hésite pas à me mettre en retrait. Je trouve que c'est important pour nous, enseignants, d'être à l'écoute de nos élèves, d'avoir confiance en eux tout en respectant les programmes et en restant dans ce que nous devons faire.

Il faut être à l'écoute de tout ce qu'ils peuvent nous dire et cela a été pour moi, durant toutes ces années, une grande expérience. Ça m'a apporté énormément dans ma pratique de classe. J'aime me lever tous les matins et venir travailler avec mes élèves. Je sais pertinemment que chaque jour va être fait de surprises. Nous allons travailler sur ce projet, découvrir, avoir de nouvelles connaissances. C'est un beau projet que je veux continuer et on n'aura jamais fini de protéger l'environnement. C'est vrai que c'est un projet chronophage mais c'est un projet qui me plaît énormément. Je vois que mes élèves sont passionnés, sont pleinement investis dans leur mission de protection de l'environnement et, pour cette raison-là, je ne me vois pas travailler différemment. Aujourd'hui, travailler autour du projet d'aire marine éducative est pour moi essentiel dans ma pratique de classe au quotidien.