Sylvain Nouhi est professeur d’économie-gestion dans un lycée professionnel de région parisienne et référent « décrochage scolaire ». Face à des élèves qui souhaitent rejoindre le marché du travail le plus vite possible, et donc quitter l'école, Sylvain se mobilise. Ainsi, depuis quatre ans, il fait intervenir l’association Article 1, dont le but est de mettre en relation les élèves et les acteurs du monde du travail. Il nous a accueillis juste après un atelier de deux heures sur les codes professionnels, avec Océane et Charlotte, bénévoles de l’association, et nous a fait part de cette expérience au sein de son établissement.


La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.

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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée et réalisée par : Aurélie Dulin

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance

Mixage : Simon Gattegno

Secrétariat de rédaction : Nathalie Bidart

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr

© Réseau Canopé, 2022


Transcription :

Je m’appelle Sylvain Nouhi, je suis enseignant « PLP », donc professeur de lycée professionnel au lycée Liberté, qui est un lycée des métiers de la santé et du laboratoire.

C’est un lycée qui se trouve en Seine-Saint-Denis, plus précisément à Romainville, qui est un ancien territoire d’industrie pharmaceutique. Je suis référent « décrochage scolaire » depuis quatre ans et j’organise plusieurs événements au lycée qui sont en lien avec le monde professionnel. [Ce monde,] je le connais de ma vie d’avant-prof, et aussi par la spécificité de ce lycée, qui est [justement] d’accompagner les élèves vers le monde professionnel – plutôt assez rapidement… Et, du coup, de [construire avec eux] des liens entre les deux.

Article 1 est une association qui se base sur l’article Un de la Déclaration des droits de l’Homme, à savoir : « Les hommes et femmes naissent libres et égaux en droits » ; et donc, [elle] lutte pour une forme d’égalité des chances entre tous les étudiants, tous les élèves, tous les enfants – on va dire – de France. L’association Article 1 s’est développée dernièrement autour de [la] notion de compétence [pour] redonner de l’estime [de soi] et de la confiance [aux] élèves, et arriver surtout à faire en sorte [qu’ils] prennent conscience des compétences qu’ils ont [déjà en eux], même [quand] la compétence [est] le sens de l’organisation [par exemple], quand ils organisent une fête avec des amis à la maison.

Il y a donc une intervenante d’Article 1 qui est là, Océane, qui a eu le même parcours que nos élèves, c’est-à-dire qu’elle a fait un bac ASSP [Accompagnement, soins et services à la personne] en lycée professionnel, pour ensuite se réorienter un peu plus tard.

[Extrait audio]

« OCÉANE : Qu’est-ce que tu fais avec ta famille, tes amis, en dehors des cours ?

UN ÉLÈVE : Ben… J’sais pas, on va dire, sortir au cinéma, c’est le plus souvent qu’j’fais ça.

OCÉANE : Ben oui, ben… Tu peux le mettre, sortir au cinéma, parce que ça développe des compétences…

L’ÉLÈVE : Ben gestion du temps.

OCÉANE : Ben voilà… »

[Fin de l’extrait]

Océane et Article 1 invitent des bénévoles du monde du travail. Donc Charlotte, qui est en cours de recherche d’un parcours professionnel après avoir fait un bac littéraire, vient raconter son histoire et parler de son parcours à elle, pour le mettre en relation avec le parcours des élèves.

C’est un atelier qui suit quatre thèmes autour des codes professionnels à avoir dans le monde du travail : la notion de compétence, la notion de parcours, et donc comment créer son CV et mettre en valeur ses compétences, la notion d’observation [qui est liée à] la capacité d’observation, [autour du] ressenti qu’on peut avoir – quand on est habillé de telle façon, qu’on parle de telle façon et qu’on a une image de soi qui va être un peu analysée par la personne qu’on a en face, que ce soit un formateur ou un recruteur… Et aussi, le quatrième thème, c’est l’entretien de recrutement, avec une vraie simulation d’entretien de recrutement.

La façon dont ces ateliers s’insèrent dans mon programme est double. Il y a le côté éco-gestion [qui] est relié à un chapitre sur le monde du travail qui englobe les contrats de travail, la rémunération… Des notions et des savoirs qu’ils doivent maîtriser pour l’examen d’économie-gestion. D’un autre côté, comme je suis référent « décrochage scolaire », j’inscris ces ateliers dans une progression, de la seconde à la terminale, pour accompagner les élèves : [en] seconde avec des ateliers qui s’appellent « Exploration », [en] première avec les ateliers « Codes professionnels », jusqu’en terminale pour aller aux ateliers « Vers le supérieur ». Du coup, les élèves ont l’impression d’être accompagnés tout au long de leur scolarité sur cette thématique. Ce qui permet d’inscrire aussi quelques élèves qui sont un peu en difficulté [avec] leur estime de soi ou sur la construction d’un parcours, d’un projet professionnel, plutôt que de récupérer en terminale des élèves qui nous disent que, finalement, le domaine ne les intéresse pas du tout.

On voit plusieurs effets bénéfiques de ces ateliers, le premier étant la confiance qu’un élève peut retrouver dans son parcours professionnel, [dans] ses compétences et [qu’il arrive] à relier, du coup, son expérience personnelle à [la bonne compréhension] des codes professionnels. Par exemple, un élève qui a raté un entretien de stage et qui va se rendre compte qu’en fait, effectivement, dans son discours, il a du mal à maîtriser certains codes et que c’est pour ça qu’il a raté. Donc, il y a quelque chose de bénéfique. Il y a vraiment un aspect directement relié à leur expérience professionnelle et personnelle. Sur la confiance en soi, sur l’estime de soi, on a beaucoup d’élèves qui ont juste du mal à caractériser leurs compétences, à conscientiser les forces ou les faiblesses qu’ils ont [en eux]. Ces ateliers leur permettent de comprendre qu’une personne timide peut maîtriser les codes professionnels et peut très bien passer un entretien de recrutement ou faire une présentation orale devant 200 personnes, tout en étant timide.

Du coup, on arrive aussi à faire accrocher les élèves sur ce sentiment d’appartenance à la filière pro dans sa globalité, au secteur de la santé et du social si on est sur notre lycée, et plus particulièrement à une classe, et à une classe en construction. Quand ils sont en première, c’est une classe… Ils ne plus en seconde, ils ne découvrent plus le lycée, mais ils ne sont pas encore en terminale, ils n’ont pas encore tous les objectifs du baccalauréat. Donc, en classe de première, il y a le bon timing pour pouvoir façonner aussi un travail en équipe à travers la classe.

Ces ateliers nous permettent également de faire un focus sur un aspect très particulier du monde professionnel qui est la maîtrise d’un langage. Et ça nous permet aussi de voir quel élève a un peu du mal, de faire un peu de prévention sur le raccrochage d’un élève, de mettre en avant un élève qui va connaître beaucoup de situations d’échec et qui, là, va réussir à s’exprimer, va réussir à trouver une qualité ou une compétence dans ses échecs, etc. Et je l’ai vu ce matin, pas dans le groupe dans lequel on était mais dans l’autre demi-groupe... Il y a notamment deux élèves que je suis en « décrochage scolaire » depuis deux ans ; ces deux élèves étaient là, à l’atelier. Ce sont les deux élèves qui ont le plus parlé. Parce qu’elles ont la possibilité d’exprimer leurs ressentis personnels face à un adulte en qui elles peuvent avoir confiance. Le fait d’avoir un intervenant qui a eu un peu le même parcours, ou un parcours en tout cas un peu mitigé au départ, va leur permettre de reprendre un peu confiance en elles et de se dire : « J’ai eu telle situation d’échec, bon ben, qu’est-ce que je fais maintenant de cette situation d’échec ? », et de pouvoir apprendre de leurs erreurs.

[Extrait audio]

« UNE ÉLÈVE : Heu… Domaine familial ou entre amis. Heu… Garder ses frères et sœurs. Être autonome et responsable.

OCÉANE : C’est très bien. Ce que j’ai aimé, c’est qu’à un certain moment, tu as argumenté, en plus de dire pourquoi tu avais cette compétence. C’est ce qui, notamment, va beaucoup te servir en entretien, de pouvoir développer. C’est ce qui est attendu. Super ! Est-ce que quelqu’un d’autre peut dire ce qu’il a mis ? Ça peut être un seul… »

[Fin de l’extrait]

Moi, dans ma vie d’avant-prof… J’ai des expériences professionnelles en bureau et également beaucoup d’expériences sur des métiers de terrain, en restauration, en chantier, en ménage, en distribution de prospectus, à droite, à gauche, en agent immobilier... Je me suis rendu compte que, que ce soit dans les bureaux de la direction du Paris Saint-Germain en marketing ou en chantier, avec des ouvriers qui n’ont pas leurs papiers, le fond est le même, il n’y a que la forme qui change ; et que savoir maîtriser ces différents langages permettait d’avoir accès à certains postes dans ce cas-là, ou à certaines responsabilités dans d’autres. Donc, ce matin… Lors des ateliers, les intervenantes demandent toujours un petit mot de fin et en tout cas, ce que les élèves ont retenu de cet atelier... Voilà, on a un élève... Ce qu’il a dit résume bien la mentalité de ces ateliers et ce qu’on essaie de dire aux élèves, ce qu’on essaie de leur faire comprendre, notamment en filière professionnelle, c’est de ne jamais baisser les bras. Aujourd’hui, demain… Ne jamais baisser les bras. Je leur dis aussi, et j’essaie de leur faire comprendre, qu’ils ne jouent pas leur avenir, qu’ils ne jouent pas leur vie sur une année, sur un choix d’orientation, sur un choix de matière, [et] même sur un choix d’expérience. Et j’en suis la preuve vivante, sur un choix de métier ou sur un choix d’orientation professionnelle…