Pour accompagner la rentrée, nous vous proposons le témoignage d'un formateur qui a choisi de continuer à travailler à mi-temps sur le terrain. Patrick Fusillier met toute son expérience au service des enseignants stagiaires qu'il accompagne dans leur première année de classe. S'il évoque les fondamentaux du métier (progression didactique, construction d'une leçon), il rappelle aussi la dimension collective du travail pédagogique, l'importance d'expérimenter sans avoir peur de se tromper et, bien sûr, le savoir-être face aux élèves. Mais le plus important à ses yeux, c'est de se faire confiance et de savoir prendre du recul. L'aventure peut alors commencer.

Ce témoignage a été enregistré lors des journées d'accueil des lauréats du concours d’enseignement de l’académie de Lyon, le 24 août 2022.


La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.

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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée et réalisée par : Hervé Turri

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance

Mixage : Laurent Gaillard

Secrétariat de rédaction : Aurélien Brault

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© Réseau Canopé, 2022


Transcription :

Patrick Fusillier, je suis professeur agrégé en économie et gestion. Ça fait plus d'une vingtaine d'années que je suis formateur à l'Inspé [Institut national supérieur du professorat et de l'éducation]. J’ai 50 % de mon temps à l’Inspé et 50 % encore en établissement. J'ai toujours eu la volonté de garder un pied en établissement, même s’il m'est arrivé dans le passé d'avoir des propositions pour être à temps plein. Donc déjà c'est un vrai choix que de rester en établissement à mi-temps. En revanche, devant les stagiaires, j'essaie de ne pas trop relater mon expérience personnelle. [Ou alors], de temps à autre, pour livrer une anecdote ou pour peut-être montrer qu’on est dans le même bateau, qu'on a le même profil, le même public. Mais j'essaie de ne pas trop la mettre en avant, je préfère que les professeurs stagiaires – les futurs enseignants – me disent vraiment ce qu'ils vivent. Et, avec un peu d'expérience maintenant, leur dire peut-être qu'il faut prendre du recul parce qu'il peut arriver des incidents tous les jours dans une classe ou en dehors de la classe. Mais il y a aussi beaucoup de positif et beaucoup de richesse dans la gestion de classe.

Aujourd’hui, on a deux catégories de professeurs qui vont prendre leur classe dans une semaine. On a une première catégorie de profils où certains ont déjà un peu d'expérience dans l'Éducation nationale – parfois un, deux, trois ans. On a aussi des profils tout neufs de jeunes professeurs stagiaires qui vont débuter, qui n'ont jamais préparé une leçon, qui n'ont jamais eu une classe devant eux. Donc on est déjà obligés, dans le discours de ce matin, de rassurer mais aussi d'attacher de l'importance à ceux qui vont véritablement démarrer sans aucune expérience préalable.

Sur une journée comme celle-ci, le rôle du formateur est de rassurer, d'accompagner, de donner déjà des pistes : comment on crée une programmation annuelle, une progression ? comment elle s'inscrit aussi dans le cadre d'une équipe pédagogique ? Parce que le métier d’enseignant n'est plus un travail solitaire, il faut travailler souvent avec un binôme, voire avec plusieurs collègues dans une équipe. Donc déjà construire la progression de manière collective, c'est le b.a.-ba avant de commencer. Et puis ce qu'on va poursuivre un petit peu cet après-midi, pour ceux qui n'ont jamais pratiqué, c'est comment on essaie de construire une leçon avec au moins deux outils : une fiche d'intention pédagogique et une fiche de déroulement de séance pour essayer de rythmer, de prévoir les temps d'activités, puis de définir respectivement le rôle de l'enseignant et celui des élèves au moment où la séance se déroule dans la classe.

[Extrait 1 des journées d'accueil des lauréats du concours d’enseignement de l’académie de Lyon, le 24 août 2022]

« FORMATRICE : Alors ça va être une discussion entre vous dans un premier temps, j’ai envie de dire à ciel ouvert [rire]. Et puis vous notez : "Qu'est-ce qui vous interroge, vous qui n'avez jamais mis les pieds dans la classe ?"

FORMATEUR : Et pendant que vous écrivez, les autres réfléchissent aux réponses. Allez-y, concertez-vous. »

[Fin de l’extrait]

Notre rôle dans l'Éducation nationale ? Si on regarde dans la chaîne de valeurs, il y a les étudiants qui ont peut-être préparé le concours seul ou déjà dans le cadre de l'Inspé. Donc on était déjà là. On est plutôt là pour les épauler, les accompagner dans une relation tripartite aussi avec un tuteur terrain. Donc notre plus-value est importante parce qu'on rassure, on conseille. Après, les professeurs stagiaires prennent ou pas les conseils qu'on leur donne. Mais, tout au long de l'année, on est vraiment dans un rôle d’accompagnement dans la formation pour arriver à valider une année paisible on va dire. Et donc notre rôle, en tant que formateur dans la chaîne de valeurs de manière plus large, est le point d'ancrage et d'entrée dans le métier. Avant, il y a eu la préparation du concours. Là, ils sont prêts à rentrer en établissement. On est là pour qu'ils deviennent des chevilles ouvrières de l'Éducation nationale mais avec le mot « ouvrier » qui a du sens je trouve [car] il faut qu'on ait des professeurs opérationnels très vite, rigoureux. Ceux qui pensent qu’on peut s'appuyer sur un manuel, prendre un cours tout fait, ça peut marcher, mais ça ne fera pas illusion très longtemps. Les élèves sentent quand les profs fournissent un travail personnel conséquent dans l’aspect préparation didactique, etc. Et, finalement c'est comme ça aussi qu'on obtient l'adhésion des élèves. Donc, premièrement, travailler, innover, ne pas avoir peur d'expérimenter aussi et de se tromper. Les élèves vous pardonneront plus de vous planter dans une expérimentation plutôt que de ne rien leur apporter et de ne pas les alimenter dans le cadre d'un cours. Donc du travail en quantité, du travail avec de la rigueur. Il faut laisser aussi de côté, je pense, les stéréotypes ou tout ce qu'on entend de négatif sur l'Éducation nationale ou le profil des élèves aujourd'hui. Il faut faire abstraction de tout ça, y aller avec sa personne et avec beaucoup de conviction et de naturel. Donner beaucoup de valeurs aussi, transmettre des valeurs qui tournent autour des valeurs de la République mais pas que, des petites valeurs très simples : « Bonjour », « Merci », « Au revoir », « J'ai compris ce que vous dites ». Bien identifier tous les obstacles aux apprentissages pour pouvoir prendre du temps aussi avec les élèves et leur expliquer qu’un obstacle fait partie de l'apprentissage et que, derrière, il y aura des solutions didactiques, pédagogiques qui seront trouvées.

[Extrait 2]

« FORMATEUR : Après, s’il y a des gens parmi vous qui ont une expérience très peu significative, par exemple qui ont fait un bout d’année, mais pas forcément la prérentrée comme vous allez le faire maintenant, vous pouvez aussi vous joindre au groupe. »

[Fin de l’extrait]

Là, par exemple, on est déjà confrontés à ce qu'on appelle l'hétérogénéité, c'est-à-dire… tous les publics. Des gens qui ont travaillé quinze ans dans le privé, qui ont été cadre, contrôleur financier, directeur marketing. Bref, j'en passe. D'autres qui ont été contractuels pendant trois ou quatre ans, d'autres qui ont juste eu une expérience l'an passé, d'autres qui ont passé l'agrégation ou le Capet [Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement technique] et qui n'ont jamais mis les pieds en établissement. Une tendance forte qui existe déjà depuis longtemps – en tout cas dans nos disciplines – est de prendre en compte la diversité des professeurs stagiaires et, à leur tour, prendre en compte la diversité des élèves – en intégrant par exemple des élèves allophones, des élèves qui ont de multiples handicaps, etc. C'est aussi ça l'Éducation nationale aujourd'hui, l'école inclusive.

[Extrait 3]

« FORMATEUR : Alors très très vite en relisant les questions, il y a au moins trois ou quatre thématiques pour le jeune professeur tout seul avec ses élèves, le professeur avec ses collègues – ce n'est pas toujours une mince affaire –, des approches un peu innovantes, ludo-éducatives, de jeux sérieux ou autre. Et puis, après, la répartition comme on disait tout à l’heure, quand vous construisez une fiche de déroulement de séance, savoir si vous avez fait travailler les élèves de manière individuelle, collective, sur quels critères, etc. »

[Fin de l’extrait]