Céline Geoffroy et Sébastien Alain, professeurs des écoles en Vendée, ont eu l’idée d’ouvrir leurs salles respectives afin de travailler en coenseignement. Ainsi, depuis trois ans, c’est ensemble qu’ils s’occupent d’une seule et même classe de 49 élèves de CE1 et de CE2.

Comment est né ce projet ? Quelles sont les adaptations qui ont dû être mises en place : organisation de l’espace, gestion du groupe, répartition du travail, différenciation entre les deux niveaux ? Céline revient sur les différentes étapes et les méthodes de travail qu’elle a établies, avec Sébastien, afin de permettre à chacun, élève comme professeur, de trouver sa place au sein de cette classe.

  • Reportage vidéo dans la classe de Céline Geoffroy et de Sébastien Alain : Coenseignement et flexibilité, Steven Pravong (réal.), Réseau Canopé, 2022 (8 min 43 s).


La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.

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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée par : Hélène Audard

Réalisée par : Ophélie Gilbert

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Mixage : Laurent Gaillard

Secrétariat de rédaction : Marie-Astrid Leroy-Audo

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© Réseau Canopé, 2022


Transcription :

Céline Geoffroy, je suis enseignante à l'école du Moulin Rouge à La Roche-sur-Yon, sur un effectif d’élèves de CE1 et de CE2, avec un collègue, Sébastien Alain, et nous travaillons en coenseignement sur cette classe.

Le contexte de ce dispositif date maintenant d'il y a trois ans. Nous travaillions, Sébastien et moi-même, sur des classes mitoyennes. Moi, j'avais des élèves de CM1 et de CM2, et Sébastien des élèves de CE1 et de CE2. Et, sur le temps de la Semaine des mathématiques, on avait envie de faire des ateliers partagés, de mettre en commun finalement des objectifs qui seraient différents pour chacun de nos niveaux, mais en même temps, d’essayer de tirer parti de ces éléments de différenciation pour justement profiter de ce que des élèves de CM1 puissent tutorer des élèves de CE. Et puis, l’année d’après, on s’est retrouvés tous les deux avec une possibilité d’avoir des élèves de CE1 et de CE2 chacun de notre côté et on s’est dit : « Eh bien allons-y ! C’est peut-être maintenant ou jamais [l’occasion] de tenter cette classe partagée, avec finalement les mêmes élèves, enfin en tout cas le même niveau. » Donc on s'est dit : « Eh bien allons-y ! », sachant que nos classes étaient mitoyennes, il suffisait d'ouvrir les portes et d'en faire une seule et même classe.

[Extrait 1 : séance de classe]

« SÉBASTIEN ALAIN : Là, vous allez faire le petit projet pendant que, moi, je pars en EPS avec l'autre groupe et on se retrouvera là-bas tout à l'heure. »

[Fin de l’extrait]

On a envie de ne pas classer les enfants en classes d'âge et on a des élèves, par exemple, qui devraient répondre à des attendus de CE1 ou de CE2, qui n'en sont pas là et pour lesquels le fait de travailler à deux… on va pouvoir proposer des adaptations, des supports variés et, par exemple, l'année dernière, on avait des situations d'ateliers de grammaire où certains élèves avaient besoin de privilégier l'oral, donc on faisait pour eux des ateliers de manipulation, alors que d'autres étaient prêts à passer à l'écrit avec des activités de structuration, des exercices d'entraînement. Donc vraiment, on module et on essaye vraiment que les enfants ne soient pas attachés à leur niveau, à la cohorte je dirais « administrative ».

[Extrait 2 : séance de classe]

« UN ÉLÈVE : Projet MIAM !

CÉLINE GEOFFROY : Projet MIAM, alors je n’avais pas mis “MIAM”, mais tu as raison sur le projet MIAM, vous vous souvenez de ce que veut dire “MIAM” ?

UN ÉLÈVE : Manger, intelligemment, autrement, mieux.

CÉLINE GEOFFROY : Voilà ! Eh bien, c'est très bien. »

[Fin de l’extrait]

Ce qui nous semble intéressant aussi de travailler à deux – et même à quatre puisque, comme on est déchargés le vendredi, on a ce qu'on appelle, nous, des modulatrices sur l'école, ce sont des personnes qui gèrent notre décharge –, c’est l'idée d'avoir des regards pluriels sur l'enfant. Et aussi que l'enfant ne fasse pas des catégories en termes de domaine ou d'apprentissage – se dire qu'avec Sébastien, on travaillerait les mathématiques, avec Céline, le français –, mais vraiment c’est l'idée que chacun apporte son regard puisqu'on a chacun notre singularité d'enseignant, même si on ne travaille pas pour rien ensemble, parce qu'on a aussi, on va dire, des valeurs communes, mais en tout cas, notre identité professionnelle, elle s'incarne dans des réalités différentes. Et c'est ça qui nous semble être aussi une force qui correspond aux valeurs qu'on a envie de donner aux enfants, qui sont des valeurs de coopération, qu'ensemble on apprend mieux, que c'est chouette, et nous aussi on le montre, que c'est plus facile d'enseigner à deux que d'être seuls. Et je pense que le fait de travailler en coenseignement, c'est aussi montrer aux enfants que [comme je le leur dis], c'est chouette de travailler à plusieurs, eh bien nous, on montre à nos élèves que oui, c'est chouette de travailler à deux.

Si je devais travailler seule l'année prochaine, je pense que ça me ferait très peur. Mais s'il fallait le faire, je le ferais évidemment, mais en réinventant d'autres choses.

[Extrait 3 : séance de classe]

« SÉBASTIEN ALAIN : En EPS, on fait de l'athlétisme ! Quand il y a une consigne, on ne s’avachit pas par terre pour l’écouter ! On est en sport et, dès qu'on a fait une partie de l'atelier, on ne va pas s'écrouler par terre pour s'allonger ! Non, il y a un petit effort à avoir. Et là, je pense qu'il faut aussi que vous travailliez la notion de l'effort, pour progresser ! Ça, c'est vraiment important !

CÉLINE GEOFFROY : Être combatif, c'est vouloir aller un petit peu au bout des choses. Certains : “Oh là là, j’en peux déjà plus, je m'arrête”, non, allez au bout ! »

[Fin de l’extrait]

On a des élèves qui ont connu le dispositif, puisque nos CE2 l'ont vécu l'année dernière. Moi, j'ai le sentiment que ces élèves-là, ils arrivent avec des bases connues, donc évidemment qu'ils sont beaucoup moins perturbés et beaucoup moins déstabilisés. Alors qu'on va avoir des CE1, j’ai envie de dire, qui ne savent plus où ils habitent, c'est le cas de le dire, ils errent un peu dans les salles en se demandant : « Qu'est-ce que je fais, avec quel outil, quel maître, quelle maîtresse ? » Donc ça, c'est déstabilisant. Donc on sait que notre dispositif, ce n'est pas quelque chose de magique, ça se saurait, sinon je pense que tous les enseignants fonctionneraient comme ça pour avoir une classe qui fonctionne et, finalement, les objectifs atteints. Il y a des choses difficiles parce que les enfants, finalement, on leur fait exercer, je dirais, leur liberté, leur prise d'initiative, parce que, quand même, on essaye au maximum de développer l'autonomie de l'enfant, donc c'est vrai que c'est extrêmement déstabilisant.

[Extrait 4 : séance de classe]

« SÉBASTIEN ALAIN : Maëlys et Anaël, je vous emmène. Les autres, vous rejoignez Jennifer ! Et bon appétit !

DES ÉLÈVES : Bon appétit ! »

[Fin de l’extrait]

L'année dernière, ou il y a deux ans maintenant, je ne sais plus, lors de la réunion de rentrée avec les parents, à la fin de la réunion, on a dû poser la question : « Eh bien, est-ce que vous avez des questions ? Est-ce que vous avez des inquiétudes ? » Il y a un papa qui nous a dit : « Mais face à un tel enthousiasme, on ne peut qu'être enthousiaste et rassuré. » Donc je trouve que c'est hyperchouette l'idée qu'on se fait confiance les uns les autres et que c'est comme ça qu'on peut avancer avec les enfants.